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05/07/2013 | FRANCE | N°12NT01881

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 05 juillet 2013, 12NT01881


Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2012, présentée pour M. D... B..., demeurant..., par Me Gaëlle Duplantier, avocate au barreau d'Orléans ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103587 du 17 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juin 2011 par lequel le préfet du Loiret a rejeté sa demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois ;


2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet...

Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2012, présentée pour M. D... B..., demeurant..., par Me Gaëlle Duplantier, avocate au barreau d'Orléans ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103587 du 17 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juin 2011 par lequel le préfet du Loiret a rejeté sa demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à titre subsidiaire, de reprendre l'instruction de son dossier, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à partir du délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 1 500 euros, sous réserve qu'il renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision préfectorale portant refus de titre de séjour :

- la décision du préfet du Loiret, prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dans l'examen de la situation personnelle de M. B..., portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; sa relation avec une compatriote sur le territoire français, avec laquelle il vit depuis plus de quatre ans, est réelle, stable et suffisamment ancienne ; ils ont conclu un pacte civil de solidarité le 18 février 2010 et ont eu une fille, née en France le 2 avril 2011 ; sa partenaire justifie d'une activité professionnelle et est pleinement intégrée en France ; il n'a plus d'attache dans son pays d'origine ; étant membre bénévole pour le Secours Catholique et maîtrisant le français, il est intégré à la société française ; il souffre d'un diabète insulinodépendant nécessitant un suivi et une prise en charge médicale dont il ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine, ce qui mettrait ainsi en jeu son pronostic vital ;

- la décision du préfet du Loiret est entachée du défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- le préfet du Loiret, en obligeant M. B... à quitter le territoire français dans un délai d'un mois, prive sa fille de la présence de son père, en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et commet ainsi une erreur de droit ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions des articles 4, 7 et 12 de la directive n°2008/115/CE du Parlement Européen et du Conseil du 16 décembre 2008, appelée directive " retour " ; ces dispositions d'une directive de l'Union Européenne, précises, inconditionnelles, et n'ayant pas été transposées en droit interne dans les délais impartis fixés au 24 décembre 2010, sont directement invocables à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non règlementaire en date du 17 juin 2011 ; en méconnaissance de ces dispositions, l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire est dépourvu de motivation en fait et en droit, dès lors que ces mesures ne peuvent résulter de la décision portant refus de séjour et doivent faire l'objet d'une motivation autonome ; le préfet du Loiret a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant lié sur le délai de départ volontaire d'un mois et a commis une erreur de droit ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 8 juin 2012 du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes accordant à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 août 2012, présenté pour le préfet du Loiret, par Me de Villèle, avocat à la cour de Paris ; le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête de M. B... et à sa condamnation à verser à l'Etat la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision préfectorale portant refus de titre de séjour :

- son arrêté ne méconnait ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'alinéa 7 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la relation de M. B... avec Mme C..., datant de moins de 5 ans au jour de la décision attaquée, n'est ni stable ni ancienne ; le travail dont justifie sa partenaire est précaire et a été obtenu postérieurement à l'arrêté contesté ; le requérant n'établit pas que l'ensemble de ses attaches se trouveraient en France et qu'il serait dépourvu de liens dans son pays d'origine ni ne justifie de son insertion dans la société française ; il n'a pas demandé de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui lui a déjà été refusé par une précédente décision du 20 janvier 2010, confirmée par la cour de céans le 15 avril 2011 ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- le requérant n'a pas démontré en quoi les premiers juges se sont trompés et s'est borné à soumettre à la cour les mêmes moyens que ceux soulevés devant le tribunal administratif ;

- le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant n'est pas fondé, dès lors qu'il n'y a aucun obstacle à la poursuite de la vie familiale au Congo, pays où la fille du requérant pourra être scolarisée, et qu'il n'existe aucun droit des enfants à l'unité de la cellule familiale de leurs parents ;

- si les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire doivent être motivées, aucune disposition européenne ou de droit interne n'impose une motivation autonome ; leur motivation se confond avec celle de la décision portant refus de séjour ; la législation interne sur ce point a été reconnue conforme à la législation européenne ; les dispositions de l'article 7 de la directive " retour " précitée ne sont pas suffisamment précises et inconditionnelles pour être directement invocables ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008

relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2013 :

- le rapport de M. Lainé, président-rapporteur ;

- et les conclusions de M. Martin, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B..., ressortissant de la République du Congo né en 1976 et entré en France en juin 2008 sous couvert d'un visa de court séjour, relève appel du jugement du 17 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juin 2011 par lequel le préfet du Loiret a rejeté sa demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des actions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... vit depuis 2009 avec une compatriote en situation régulière, entrée en France en 1999 à l'âge de dix-neuf ans et titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 20 janvier 2015, qu'ils ont conclu le 18 février 2010 un pacte civil de solidarité et ont eu une enfant née le 2 avril 2011 ; que s'il est également le père d'une autre fille qu'il a eu à l'âge de vingt-et-un ans alors qu'il était étudiant, et qui réside avec sa mère au Congo, il ressort également du dossier qu'il n'a pas de relations avec cette enfant, qu'il a fondé une nouvelle famille en France, que ses parents sont décédés et que ses deux soeurs vivent en Grande-Bretagne ; que dès lors, dans les circonstances de l'espèce, en refusant, par l'arrêté contesté du 17 juin 2011, de délivrer à M. B... la carte de séjour temporaire sollicitée et en prononçant à son encontre l'obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine, le préfet du Loiret a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Considérant qu'il résulte de qui a été dit ci-dessus que le présent arrêt, qui annule l'arrêté du 17 juin 2011 par lequel le préfet du Loiret a rejeté la demande de titre de séjour de M. B... et lui a fait obligation de quitter le territoire français, implique nécessairement que le préfet délivre au requérant une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a dès lors lieu d'enjoindre au préfet du Loiret de délivrer ce titre de séjour, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, sans qu'il soit toutefois nécessaire, en l'état du dossier, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le préfet du Loiret demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

7. Considérant que M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Duplantier, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Duplantier de la somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1103587 du 17 janvier 2012 du tribunal administratif d'Orléans et l'arrêté du 17 juin 2011 du préfet du Loiret sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Loiret de délivrer à M. D... B...une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Duplantier une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Duplantier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Les conclusions du préfet du Loiret tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M.A..., faisant fonction de premier conseiller,

- Mme Tiger, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 juillet 2013.

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

B. A... Le président-rapporteur,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT01881


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT01881
Date de la décision : 05/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent LAINE
Rapporteur public ?: M. MARTIN
Avocat(s) : DUPLANTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-07-05;12nt01881 ?
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