Vu la requête, enregistrée le 5 octobre 2011, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Hay, avocat au barreau du Mans ; M. B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 09-6881 du 11 août 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet de la Sarthe a prononcé la saisie conservatoire de ses armes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2008 du préfet de la Sarthe prescrivant la remise de ses armes et munitions et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de lui restituer les armes de 5ème catégorie confisquées, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- l'arrêté du 25 juillet 2008 du préfet de la Sarthe, qui ne concerne qu'une carabine de
marque Erma Werke de 4ème catégorie, ne lui a pas été remis ; sa demande de première instance tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet de la Sarthe a prononcé la saisie conservatoire des armes prises à son domicile par les gendarmes le 18 juillet 2008, était recevable ;
- la procédure de saisie conservatoire est irrégulière ; son comportement ne présentait aucun danger grave pour lui-même ou pour autrui ; les conditions d'une saisie de ses armes, en application des dispositions de l'article L. 2336-4 du code de la défense, n'étaient pas remplies ; en outre, il n'a pas été mis à même des présenter ses observations ;
- aucune procédure judiciaire à son encontre ne pouvait justifier la saisie conservatoire de ses armes ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la mise en demeure adressée le 6 décembre 2011 au préfet de la Sarthe en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu l'ordonnance du 18 avril 2013 fixant la clôture d'instruction au 21 mai 2013, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;
Vu la décision du 6 décembre 2011 du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes, refusant à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la défense ;
Vu le décret n° 95-589 du 6 mai 1995 relatif à l'application du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2013 :
- le rapport de M. Gauthier, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Martin, rapporteur public ;
1. Considérant que le 18 juillet 2008 M. B..., domicilié... ; que les gendarmes, intervenus au domicile de l'intéressé pour le conduire dans cet établissement, y ont constaté la présence de cinq fusils 22 long rifle de 5ème catégorie et ont procédé immédiatement à la saisie de ces armes à titre conservatoire ; que le 25 juillet 2008, le préfet de la Sarthe a pris un arrêté ordonnant la remise immédiate, pour une durée maximale d'un an, à la gendarmerie de toutes les armes et munitions détenues par M. B... ; que par une lettre du 12 août 2009 ce dernier a présenté au préfet un recours gracieux contre cet arrêté ; que M. B... interjette appel du jugement du 11 août 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet de la Sarthe a prononcé la saisie conservatoire de ses armes ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification (...) de la décision attaquée (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal de police du 27 novembre 2008 présenté comme attestant de la notification de la décision, que M. B... a, à cette date, seulement " pris connaissance " de l'arrêté du 25 juillet 2008 du préfet de la Sarthe prononçant la saisie de ses armes, lequel indiquait les voies et délais de recours ; que, par ailleurs, le requérant soutient sans être contesté que l'arrêté susvisé ne lui a pas été remis ; qu'enfin, il n'est pas établi que la " prise de connaissance " susmentionnée aurait été accompagnée de la remise à M. B... d'un document écrit comportant la mention des indications précitées ; que, dans ces conditions, la notification incomplète et insuffisante sus-décrite n'a pas été de nature à faire courir le délai de recours contentieux ; que la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux, enregistrée au tribunal administratif de Nantes le 30 novembre 2009, n'était dès lors pas tardive, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal par le jugement attaqué, dont le requérant est ainsi fondé à demander l'annulation ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2336-4 du code de la défense, dans ses dispositions alors en vigueur : " I. - Si le comportement ou l'état de santé d'une personne détentrice d'armes et de munitions présente un danger grave pour elle-même ou pour autrui, le préfet peut lui ordonner, sans formalité préalable ni procédure contradictoire, de les remettre à l'autorité administrative, quelle que soit leur catégorie (...) " ;
6. Considérant que la circonstance que l'arrêté du 25 juillet 2008 du préfet de la Sarthe ne mentionne dans ses motifs qu'une carabine de marque Erma Werke de 4ème catégorie est sans incidence sur la portée de cet arrêté qui ordonne, par son article 1er, la saisie conservatoire de la totalité des armes détenues par M. B... et concerne ainsi également les fusils de 5ème catégorie saisis par les gendarmes le 18 juillet 2008 au domicile du requérant ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B..., connu pour des antécédents d'éthylisme chronique, a, après une longue période d'abstinence, rechuté dans l'alcool le 14 juillet 2008 ; que les gendarmes avaient été appelés par le fils de l'intéressé qui avait trouvé son père en état d'ébriété alors que celui-ci avait consommé des médicaments en nombre indéterminé contre le diabète, ce qui, aux dires d'un médecin consulté par la gendarmerie, laissait craindre une atteinte à la santé du requérant ; que les gendarmes ont ainsi pu légitimement suspecter une tentative ou un risque de tentative de suicide ; qu'en outre, M. B..., qui avait menacé de manipuler les cartouches de ses fusils, a opposé une farouche résistance aux forces de l'ordre chargées de le conduire à l'hôpital, au point de les contraindre à lui passer des menottes tant aux poignets qu'aux chevilles ; qu'ainsi, la gendarmerie ayant pu estimer que le comportement de M. B... présentait un danger grave pour lui-même ou pour autrui, les conditions d'application des dispositions de l'article L. 2336-4 du code de la défense étaient remplies ; que la circonstance que l'intéressé n'ait pas été mis à même de présenter ses observations est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué, pris sur le fondement de ces dispositions ; que, par suite, la procédure suivie n'est pas irrégulière ;
8. Considérant que la circonstance qu'aucune procédure judiciaire à l'encontre du requérant ne pouvait justifier la saisie conservatoire de ses armes est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 25 juillet 2008 qui, comme il a été dit, a été pris sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 2336-4 du code de la défense ;
9. Considérant, enfin, que, compte tenu des faits énoncés ci-dessus, M. B... n'établit pas, par la seule production de certificats médicaux postérieurs indiquant que l'hospitalisation d'office ne se justifiait pas, que le préfet de la Sarthe aurait entaché son arrêté du 25 juillet 2008 d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant que son état de santé présentait un danger grave pour autrui ou pour lui-même et était incompatible avec la détention d'armes ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2008 du préfet de la Sarthe ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet de la Sarthe de lui restituer les armes de 5ème catégorie confisquées, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 09-6881 du 11 août 2011 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2013, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger, premier conseiller,
- M. Gauthier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juillet 2013.
Le rapporteur,
E. GAUTHIERLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
N. CORRAZE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 11NT02718