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28/06/2013 | FRANCE | N°13NT00395

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 28 juin 2013, 13NT00395


Vu la requête, enregistrée le 6 février 2013, présentée pour la société par actions simplifiée Carrières Leroux-Philippe, dont le siège est 72, route du Mont-à-la-Kaine à Brix (50700), représentée par son président, par Me Lazennec, avocat au barreau de Paris ; la société Carrières Leroux-Philippe demande à la cour :

1°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 12-618 du 4 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de la commune de Brix, l'arrêté du 10 octobre 2011 du préfet de la Manche l'autorisant à

exploiter une installation de stockage de déchets inertes dans le sous-secteur Nc ...

Vu la requête, enregistrée le 6 février 2013, présentée pour la société par actions simplifiée Carrières Leroux-Philippe, dont le siège est 72, route du Mont-à-la-Kaine à Brix (50700), représentée par son président, par Me Lazennec, avocat au barreau de Paris ; la société Carrières Leroux-Philippe demande à la cour :

1°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 12-618 du 4 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de la commune de Brix, l'arrêté du 10 octobre 2011 du préfet de la Manche l'autorisant à exploiter une installation de stockage de déchets inertes dans le sous-secteur Nc du plan local d'urbanisme de la commune ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Brix sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative le remboursement de la contribution pour l'aide juridique ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Brix une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le signataire de l'arrêté litigieux disposait d'une délégation régulière ;

- si un sous-secteur Nc a été créé dans le plan local d'urbanisme approuvé en 2003 afin de permettre l'exploitation de sa carrière, l'objectif de pluralité d'affectation de chaque zone posé à l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme n'y interdisait pas d'autres types d'activité, le préambule du règlement de zone ne s'y opposait pas non plus, la commune n'ignorant d'ailleurs pas que l'exploitation de la carrière était limitée à trois ans ;

- en tout état de cause, l'article N2 du règlement du PLU doit être interprété comme autorisant tout exhaussement de terrain dans cette zone et non les seuls exhaussements liés aux aménagements de la route nationale 13 ;

- l'installation de stockage de déchets inertes qu'elle a été autorisée à aménager sur le site de son ancienne carrière par l'arrêté contesté constitue un équipement intérêt collectif compatible avec le règlement de la zone N ;

- en tout état de cause la notion d'exploitation de carrière comprend le remblaiement par déchets inertes dans la mesure où ce remblaiement participe à la remise en état du terrain d'assiette ;

- la création par le plan local d'urbanisme approuvé en 2003 d'un sous-secteur affecté à la seule exploitation de la carrière de l'appelante est illégale dès lors que la commune de Brix n'ignorait pas que cette carrière serait épuisée dès 2006 ; en conséquence, la commune a porté atteinte à son droit de propriété et à sa liberté d'entreprendre future ; à tout le moins, les dispositions relatives audit sous-secteur doivent-elles être regardées comme transitoires ;

Vu le jugement dont la suspension de l'exécution est demandée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2013, présenté pour la commune de Brix, représentée par son maire, par Me Le Coustumer, avocat au barreau de Caen ;

La commune de Brix conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à charge de la société Carrières Leroux-Philippe le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société appelante sont dénués de caractère sérieux au sens de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : en effet, les dispositions du règlement de la zone N du plan local d'urbanisme (PLU), simples à interpréter, incluent une liste limitative des occupations du sol autorisées, lesquelles ne comprenent pas les installations de stockage de déchets inertes ;

- ni l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, ni aucune autre disposition dudit code ne définit un objectif de pluralité des affectations dans une zone déterminée d'un PLU, ledit article se bornant à indiquer que, le cas échéant, plusieurs activités peuvent être autorisées dans une même zone ;

- en l'occurrence, l'article N1 du règlement du PLU dispose que sont interdites les occupations du sol non prévues à l'article N2, ce dernier n'autorisant que les seuls exhaussements de terrain liés à la mise aux normes autoroutières de la route nationale 13 ; par ailleurs seules les exploitations de carrières sont autorisées dans le sous-secteur Nc ;

- la société requérante n'explicite pas en quoi une installation de stockage de déchets inertes pourrait être regardée comme un service d'intérêt général destinée à répondre à un besoin d'intérêt collectif ;

- le stockage de déchets inertes n'est pas nécessaire à l'activité d'exploitation de la carrière, exploitation au demeurant terminée et dont l'autorisation est expirée ;

- en précisant dans le projet d'aménagement et de développement durable du PLU

qu'elle veillera à ce que la remise en état du site soit conforme à l'état final défini par l'exploitant, la commune n'a nullement entendu autoriser le stockage de déchets inertes, mais s'est montrée attentive à ce que l'espace occupé par la carrière ne soit ni abandonné ni pollué ;

- la société requérante n'étant pas la seule susceptible d'exploiter une carrière dans le sous-secteur Nc, elle ne peut se prévaloir de l'illégalité de la création dudit sous-secteur au motif que la cessation prochaine de son exploitation était connue de la commune lors de l'élaboration du PLU ;

Vu la requête n° 13NT00394 tendant à l'annulation du jugement susvisé ;

Vu l'ordonnance du 29 avril 2013 fixant la clôture de l'instruction au 14 mai 2013 à 12 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 2013 :

- le rapport de M. François, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;

- et les observations de Me Lazennec, avocat de la société des Carrières Leroux-Philippe ;

1. Considérant que la société Carrières Leroux-Philippe demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 4 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de la commune de Brix, l'arrêté du 10 octobre 2011 du préfet de la Manche l'autorisant à exploiter une installation de stockage de déchets inertes dans le sous-secteur Nc du plan local d'urbanisme de la commune ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-14 du code de justice administrative : "Sauf dispositions particulières, le recours en appel n'a pas d'effet suspensif s'il n'en est autrement ordonné par le juge d'appel (...)" ; qu'aux termes de l'article R. 811-15 du même code : "Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement" ;

3. Considérant que le tribunal administratif de Caen a prononcé l'annulation de l'arrêté litigieux aux motifs que les dispositions du plan local d'urbanisme de Brix sont opposables à l'arrêté contesté et que l'exploitation en litige, vise à stocker des déchets inertes et à remblayer et exhausser les terrains d'une ancienne carrière, alors qu'en sous-secteur Nc du PLU sont interdites toutes les occupations et utilisations du sol, à l'exception de l'exploitation de carrières ;

4. Considérant que pour demander le sursis à exécution de ce jugement, la société Carrières Leroux-Philippe soutient que le signataire de l'arrêté litigieux disposait d'une délégation régulière ; que l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme définit un objectif, non respecté en l'occurrence par la commune, "de pluralité d'affectation" dans chaque zone d'un plan local d'urbanisme ; que la création par le plan local d'urbanisme approuvé en 2003 d'un sous-secteur Nc permettant l'exploitation de la carrière ne prohibe pas d'autres types d'activité dans ce sous-secteur, le préambule du règlement de zone ne s'y opposant pas non plus ; que l'article N2 du règlement du PLU doit être interprété comme autorisant tout exhaussement de terrain dans la zone N et non les seuls exhaussements liés aux aménagements de la route nationale 13 ; que l'installation de stockage de déchets inertes contestée constitue un équipement d'intérêt collectif compatible avec le règlement de cette même zone ; que l'exploitation d'une carrière comprend par essence la remise en état du terrain d'assiette, effectué en l'espèce par son remblaiement à l'aide de déchets inertes ; qu'en tout état de cause, la création du sous-secteur Nc affecté à la seule exploitation de la carrière a porté atteinte à son droit de propriété et à sa liberté future d'entreprendre dès lors que la commune n'ignorait pas que la fermeture de l'installation interviendrait au plus tard en 2006 ; que les dispositions relatives audit sous-secteur doivent être regardées comme transitoires ;

5. Considérant que ces moyens ne paraissent pas, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier outre l'annulation ou la réformation du jugement du 4 décembre 2012 du tribunal administratif de Caen, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conditions posées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'étant pas réunies, les conclusions de la requérante tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'en vertu du second alinéa de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les dépens sont mis à la charge de la partie perdante, sous réserve de circonstances particulières justifiant qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ; que la société Carrières Leroux-Philippe est la partie perdante ; que, par suite, en l'absence de circonstance particulière justifiant que les dépens soient mis partiellement ou totalement à la charge de la commune de Brix, la somme que la société Carrières Leroux-Philippe a exposée au titre de la contribution pour l'aide juridique doit être laissée à sa charge ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Brix, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société Carrières Leroux-Philippe de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société Carrières Leroux-Philippe une somme de 1 000 euros au titre des frais de même nature que la commune de Brix a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Carrières Leroux-Philippe est rejetée.

Article 2 : La société Carrières Leroux-Philippe versera à la commune de Brix une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Carrières Leroux-Philippe, à la commune de Brix et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Copie en sera transmise au préfet de la Manche.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Sudron, président-assesseur,

- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2013.

Le rapporteur,

E. FRANÇOISLe président,

A. PÉREZ

Le greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT00395


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00395
Date de la décision : 28/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Suspension sursis

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Eric FRANCOIS
Rapporteur public ?: M. POUGET
Avocat(s) : LAZENNEC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-06-28;13nt00395 ?
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