Vu la requête enregistrée le 30 août 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me de Lespinay avocat au barreau de Nantes ; M. B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 10-7959 du 30 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 août 2010 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ajournant à deux ans sa demande de réintégration dans la nationalité française ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation :
- en effet la peine de six mois de prison avec sursis prononcée à son encontre pour les violences psychologiques causées à son épouse en 2000 était particulièrement sévère au regard de la réalité des faits, il ne peut en tout état de cause être regardé comme violent dans la mesure où le juge du tribunal pour enfants de Paris lui a confié en 2007, dans le cadre de son divorce, la garde de son fils ;
- il a bénéficié d'une réhabilitation judiciaire pour ces faits anciens et n'a pas été condamné ultérieurement ; le législateur n'a pas souhaité créer d'automaticité entre une condamnation pénale et la décision réservée par l'administration à une demande de naturalisation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que :
- les allégations du requérant ne sont pas de nature à remettre en cause la note établie par la préfecture de police de Paris le 26 août 2009 dans le cadre de l'enquête préalable à la décision réservée à la demande de naturalisation de l'intéressé, faisant état des gifles et coups de poing au niveau du visage portés par le postulant le 6 mars 2000 à son épouse, violence à l'origine d'une condamnation pénale ultérieure ;
- lesdits faits ne peuvent être regardés comme anciens ;
Vu la décision du 26 juin 2012 de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes admettant M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code pénal ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 2013 :
- le rapport de M. François, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;
- et les observations de Me de Lespinay, avocat de M.B... ;
1. Considérant que M. B..., ressortissant algérien, interjette appel du jugement du 30 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 août 2010 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a ajourné à deux ans sa demande de réintégration dans la nationalité française ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 24-1 du code civil : "La réintégration par décret peut être obtenue à tout âge et sans condition de stage. Elle est soumise, pour le surplus, aux conditions et aux règles de la naturalisation." ; qu'aux termes de l'article 21-15 du même code : "Hors le cas prévu à l'article 21-14-1, l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger" ; qu'aux termes de l'article 49 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : "Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions." ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;
3. Considérant que pour ajourner à deux ans la demande de réintégration dans la nationalité française de M. B..., le ministre s'est fondé sur la circonstance qu'il a été l'auteur le 6 mars 2000 de violences volontaires sur son conjoint, faits ayant donné lieu à une incapacité totale de travail de deux jours ;
4. Considérant que les faits reprochés à M. B... sont attestés par la note établie par la préfecture de police le 26 août 2009 dans le cadre de l'enquête préalable à sa demande de naturalisation ; que l'intéressé ne conteste pas sérieusement la réalité des violences commises en se bornant à affirmer qu'elles n'étaient que psychologiques, indiquant par ailleurs lui-même qu'il a été ultérieurement condamné pour ce motif à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis ; que, par suite, au vu de ces faits qui ne pouvaient être regardés comme anciens à la date de la décision contestée, et alors même que le requérant aurait bénéficié de la réhabilitation de plein droit prévue par l'article 133-13 du code pénal, le ministre chargé des naturalisations a pu, dans le cadre du large pouvoir d'appréciation qui est le sien, ajourner à deux ans pour ce motif la demande de réintégration dans la nationalité française sollicitée par l'intéressé sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation; que M. B... ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance que la garde de son fils lui a été ultérieurement confiée ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2013, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Sudron, président-assesseur,
- M. François, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 juin 2013.
Le rapporteur,
E. FRANÇOISLe président,
A. PÉREZ
Le greffier,
S. BOYÈRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 12NT02458