Vu la requête, enregistrée le 2 mars 2012, ensemble le mémoire enregistré le 3 décembre 2012, présentés pour Mme C... B..., demeurant..., par Me Collet, avocat au barreau de Rennes ; Mme B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 09-5442 du 30 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juillet 2009 du maire de Pont-Saint-Martin (Loire-Atlantique) lui retirant les deux permis de construire respectivement accordés le 2 septembre 2004, en vue de l'édification d'un bâtiment destiné à l'héliciculture et le 7 juillet 2006, en vue de la construction d'un logement de fonction ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Pont-Saint-Martin une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- c'est à l'administration qu'il appartient d'établir la preuve de la prétendue fraude ayant permis l'obtention des permis retirés, fraude qui doit être constituée lors de la demande de permis et non résulter de son exécution;
- en l'occurrence le constat d'huissier dressé le 3 avril 2009 ne démontre pas qu'en 2007 et 2008, elle n'exerçait pas d'activité d'élevage d'escargots ; la construction achevée en août 2007 a effectivement été affectée à cette activité pendant plusieurs années, ainsi que le révèlent les factures d'achat de naissain d'escargots, plusieurs documents et bilans comptables et différentes attestations ; en outre le rapport établi en 2004 par l'inspection du travail en matière agricole lui reconnaît la qualité d'éleveur d'escargots ; le bâtiment agricole réalisé est conforme à celui décrit dans la demande de permis ;
- les constats d'huissier dressés en avril 2009 et septembre 2009 à la demande de la commune ne sont pas de nature à infirmer les observations précédentes ; en effet, seule une partie du bâtiment autorisé pour l'activité d'héliciculture a été transformée en habitation à titre temporaire jusqu'à l'achèvement de l'habitation de fonction ; ce bâtiment reste donc affecté à l'usage agricole ;
- il appartenait seulement à la commune de mettre en oeuvre le cas échéant le mécanisme de constatation des infractions prévu par l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme ;
- en tout état de cause, la commune de Pont-Saint-Martin a méconnu l'autorité absolue de la chose jugée attachée au jugement du 19 mai 2004 du tribunal administratif de Nantes ; son acharnement à son encontre est motivé par la volonté de réaliser une opération d'aménagement englobant son terrain ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2013, présenté pour la commune de Pont-Saint-Martin, représentée par son maire, par Me Reveau, avocat au barreau de Nantes, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que :
- le constat d'huissier du 3 avril 2009 établissant qu'à cette date aucune activité d'héliciculture n'était exercée par la requérante suppose nécessairement que cette dernière a frauduleusement présenté dans un premier temps un projet relatif à un bâtiment agricole afin d'obtenir ultérieurement l'autorisation de construire une habitation ;
- les pièces présentées par la requérante ne démontrent pas la réalité d'une activité d'élevage d'escargots à Pont-Saint-Martin, le hangar étant au demeurant utilisé comme habitation, atelier et garage ;
- la requérante invoque à tort l'autorité de chose jugée dont le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 mai 2004 serait revêtu ;
Vu l'ordonnance du 29 avril 2013 fixant la clôture de l'instruction au 14 mai 2013 à 12 heures ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 mai 2013, présenté pour Mme B..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens qu'elle développe ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 2013 :
- le rapport de M. François, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;
- les observations de Me Collet, avocat de Mme B... ;
- et les observations de Me A..., substituant Me Reveau, avocat de la commune de Pont Saint Martin ;
1. Considérant que Mme B... relève appel du jugement du 30 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juillet 2009 du maire de Pont-Saint-Martin (Loire-Atlantique) lui retirant les deux permis de construire respectivement accordés le 2 septembre 2004, en vue de l'édification d'un bâtiment destiné à l'héliciculture et le 7 juillet 2006, en vue de la construction d'un logement de fonction ;
Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, conformément aux dispositions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative, l'arrêté contesté a été joint au mémoire de Mme B... enregistré le 8 juin 2010 au greffe du tribunal administratif de Nantes ; que, par ailleurs, la requérante, à qui cet arrêté a été notifié le 17 juillet 2009, l'a contesté par une requête enregistrée le 17 septembre 2009 au greffe du tribunal, dans le délai de deux mois prescrit par l'article R. 421-1 du même code ; qu'ainsi les fins de non-recevoir respectivement tirées d'un défaut de production de la décision litigieuse et d'une prétendue forclusion doivent être écartées ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 10 juillet 2009 :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : "Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire" ; qu'en outre, un acte administratif obtenu par fraude ne créant pas de droits, il peut être abrogé ou retiré par l'autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai qui lui est normalement imparti à cette fin serait expiré ;
4. Considérant que par un arrêté du 24 mai 2001, le maire de Pont-Saint-Martin a refusé de délivrer un permis de construire à Mme B... pour l'édification d'un bâtiment destiné à abriter l'activité d'élevage d'escargots de l'intéressée sur un terrain situé en zone naturelle NC du plan d'occupation des sols ; que, par un jugement du 19 mai 2004, devenu définitif, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision au motif notamment qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier " que les éléments fournis par la requérante dans sa demande de permis de construire auraient eu pour objet ou pour effet de fausser l'appréciation devant être portée par l'autorité administrative sur la demande en cause, au regard des règles d'urbanisme applicables " ; que Mme B... ayant confirmé sa demande de permis de construire et le maire de Pont-Saint-Martin ayant gardé le silence sur cette demande, un permis de construire tacite est né le 2 septembre 2004 ; que le 7 juillet 2006 le maire a délivré à Mme B... un second permis de construire en vue de l'édification sur le même terrain d'une habitation destinée à être utilisée comme logement de fonction, sous la réserve expresse que " la construction du logement de fonction ne pourra être réalisée que lorsque le bâtiment pour l'élevage sera en activité " ; que par la décision contestée du 10 juillet 2009, le maire a retiré ces deux autorisations, au motif que le permis de construire du 2 septembre 2004 avait été délivré sur la base de déclarations mensongères de la part de la requérante dans le seul but de construire ultérieurement une habitation en zone agricole NC, alors que dans cette zone ne sont autorisés que " les logements de fonction nécessaires aux exploitations agricoles " ;
5. Considérant qu'un permis de construire n'a pas d'autre objet que d'autoriser des constructions conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire ; que la circonstance que ces plans et indications pourraient ne pas être respectés ou que ces constructions risqueraient d'être ultérieurement transformées ou affectées à un usage non conforme aux documents d'urbanisme n'est pas par elle-même, sauf le cas d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de la délivrance du permis, de nature à affecter la légalité de celui-ci ; que la survenance d'une telle situation après la délivrance du permis peut conduire le juge pénal à faire application des dispositions répressives de l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme ;
6. Considérant que pour procéder au retrait des permis de construire litigieux, le maire s'est fondé sur un constat d'huissier, établi le 3 avril 2009, relatif au bâtiment autorisé le 2 septembre 2004 dont les travaux ont été achevés le 31 août 2007 ; qu'il ressort de ce constat que la construction comporte deux parties à usage d'habitation, dont l'une occupée par M. et Mme B... et l'autre en cours d'aménagement, et une partie centrale à usage principal d'entrepôt dans laquelle il n'a été trouvé " aucune trace d'une activité d'héliciculture ou de toute autre activité agricole " ; que ces constatations sont confirmées par le second constat établi le 18 septembre 2009 ne relevant la présence que de deux caisses en plastique contenant des escargots " occupant moins du centième de la surface totale du bâtiment " ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment des factures d'achats de naissains effectués chaque année de 2001 à 2004, des bilans annuels d'exploitation afférents aux exercices 2003 à 2006 et des témoignages produits dans l'instance d'appel, que Mme B..., qui bénéficiait depuis le 1er janvier 2003 du statut d'exploitante agricole, exerçait depuis 2001 une activité d'élevage d'escargots et a entendu édifier un bâtiment lui permettant de maîtriser et d'améliorer cette activité ; que dans ces conditions, à supposer même que cette activité se soit amenuisée après 2007, l'existence d'une fraude n'était pas avérée en 2004 et 2006 lors de la délivrance des permis ultérieurement retirés ; que dès lors, le maire de Pont-Saint-Martin a entaché sa décision d'illégalité en procédant au retrait de ces permis ;
7. Considérant que pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, en l'état du dossier, aucun autre moyen n'est de nature à justifier l'annulation prononcée par le présent arrêt ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la commune de Pont-Saint-Martin une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la commune de Pont-Saint-Martin demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 30 décembre 2011 du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 10 juillet 2009 du maire de Pont-Saint-Martin sont annulés.
Article 2 : La commune de Pont-Saint-Martin versera à Mme B... une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions formées par la commune de Pont-Saint-Martin sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et à la commune de Pont-Saint-Martin.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2013, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Sudron, président-assesseur,
- M. François, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 juin 2013.
Le rapporteur,
E. FRANÇOISLe président,
A. PÉREZ
Le greffier,
S. BOYÈRE
La République mande et ordonne au ministre de l'égalité des territoires et de logement, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
2
N° 12NT00684