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07/06/2013 | FRANCE | N°11NT02543

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 07 juin 2013, 11NT02543


Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2011, présentée pour Mme B...A..., demeurant au..., par Me d'Almeida, avocat au barreau de Paris ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004990 en date du 1er juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 décembre 2009 par laquelle le consul de France à Cotonou (Bénin) a rejeté sa demande de visa de court séjour pour visite familiale, ainsi que de la décision du 12 mai 2010 par laquelle le ministre de l'immigration, de l'intégration

, de l'identité nationale et du développement solidaire, saisi par la ...

Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2011, présentée pour Mme B...A..., demeurant au..., par Me d'Almeida, avocat au barreau de Paris ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004990 en date du 1er juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 décembre 2009 par laquelle le consul de France à Cotonou (Bénin) a rejeté sa demande de visa de court séjour pour visite familiale, ainsi que de la décision du 12 mai 2010 par laquelle le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, saisi par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, a confirmé ce refus de visa ;

2°) d'annuler lesdites décisions pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au ministre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer le visa sollicité ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les premiers juges ont substitué à tort la décision du ministre à celle du consul de France à Cotonou ; que la décision du consul du 8 décembre 2009 est entachée de plusieurs vices de forme ; qu'elle a été signée par une autorité incompétente, à défaut de justifier d'une délégation de signature ; qu'elle est insuffisamment motivée, de même que la décision du ministre du 12 mai 2010 ; que les décisions litigieuses sont entachées d'erreur de fait, d'erreur d'appréciation et de violation de la loi ; que le consul a fait une appréciation erronée de sa situation ; qu'elle avait présenté une attestation de prise en charge pendant son séjour par sa fille Christelle et son gendre Gilles d'Almeida, qui disposent de ressources suffisantes, et d'une 3ème chambre disponible ; qu'elle possédait, quant à elle, une somme de 1 072 euros sur son compte personnel à la date de la demande du visa de court séjour qui lui a été refusé ; que le détournement de l'objet du visa à des fins migratoires n'est pas établi ; qu'elle a respecté la date d'expiration des visas de court séjour qui lui ont été délivré en 2005 et 2008 ; que les décisions du 8 décembre 2009 et 12 mai 2010 violent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; qu'il est impossible pour tous les enfants et petits enfants de se rendre en même temps à Cotonou où résident leurs mère et grand-mère ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2011, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- les moyens invoqués par la requérante en appel sont exclusivement dirigés contre la décision consulaire du 9 décembre 2009 ; que la décision du ministre du 12 mai 2010 s'étant substituée à la décision initiale, les moyens tirés de l'illégalité externe de la décision consulaire sont inopérants à l'encontre de la décision du ministre ;

- le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des ressources est inopérant dès lors que la décision du ministre du 12 mai 2010 n'est pas fondée sur l'absence de justification de ressources suffisantes mais sur le risque de détournement de l'objet du visa ;

- le risque de détournement de l'objet du visa est établi car, en premier lieu, Mme A... a fait en 2008 une demande de visa de long séjour qui a été rejetée par le consul de France à Cotonou le 16 juillet 2008 et qui établit son intention de s'installer en France, en second lieu, elle est âgée de 62 ans, sans profession, célibataire, ne justifie pas de ressources personnelles au Bénin et déclare elle-même que ses 5 enfants vivent tous en France ; que ces circonstances mettent en évidence un risque migratoire ;

- eu égard au type de visa sollicité et à l'absence de justification de l'impossibilité pour ses enfants de venir la voir au Bénin la décision litigieuse ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de la requérante de mener une vie privée et familiale normale ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 mars 2013, présenté pour Mme A..., qui tend aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens, et demande qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1du code de justice administrative ;

Elle soutient, en outre, que la décision du ministre du 12 mai 2010 comporte une motivation stéréotypée, lacunaire et imprécise sur la " demande antérieure de visa long séjour " qui fonderait le refus de visa sollicité ; qu'elle avait sollicité, en juillet 2008, un visa de long séjour pour aider ponctuellement sa fille et son gendre dans la garde de leurs jumelles ; que M. d'Almeida, son gendre, venait de réussir le concours d'entrée au trésor public et devait s'absenter quelques mois pour suivre une formation à Noisy-le-Grand, tandis que sa fille devait commencer un nouvel emploi avec des horaires contraignants ; qu'elle a toujours respecter les délais des visas qui lui ont été accordés en 2005 et en 2008 ; que la réalité du risque migratoire reproché n'est pas rapportée par le ministre ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 avril 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mai 2013 :

- le rapport de M. Millet, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme A..., ressortissante béninoise, interjette appel du jugement en date du 1er juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 décembre 2009 par laquelle le consul général de France à Cotonou (Bénin) a rejeté sa demande de visa de court séjour pour visite familiale, ainsi que de la décision du 12 mai 2010 par laquelle le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, saisi par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, a confirmé ce refus ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) : " 1. Pour un séjour n'excédant pas trois mois sur une période de six mois, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes: (...) b) être en possession d'un visa en cours de validité si celui-ci est requis... " ;

3. Considérant que Mme A..., née le 28 mars 1949 à Cotonou, a déposé le 7 décembre 2009 une demande de visa de court séjour pour visite familiale en qualité d'ascendant de ressortissant français, aux fins notamment de rendre visite à sa fille Christelle et à son gendre résidant en France ; qu'après le rejet de cette demande par une décision du 8 décembre 2009 du consul général de France à Cotonou, Mme A... a saisi le 6 février 2010 la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, laquelle a recommandé au ministre de l'immigration, de l'identité nationale et du développement solidaire de délivrer le visa sollicité ; que, toutefois, le ministre chargé de l'immigration, par une décision expresse du 12 mai 2010, a rejeté le recours formé par Mme A... contre le refus consulaire en se fondant sur le risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires ; que les conclusions de la requête doivent être regardées comme tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du ministre qui s'est substituée à la décision de refus initiale prise par le consul général de France à Cotonou ;

4. Considérant, en premier lieu, que la décision prise par le ministre chargé de l'immigration le 12 mai 2010 s'étant substituée, ainsi qu'il vient d'être dit, à celle prise par le consul général de France à Cotonou le 8 décembre 2009, les conclusions tendant à l'annulation de la décision du consul sont irrecevables, et les moyens critiquant la légalité de celle-ci sans influence sur la légalité de la décision du ministre ; que, par suite, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision du 8 décembre 2009, de l'insuffisance de motivation du refus consulaire, et de l'erreur qu'aurait commise le consul dans l'appréciation des ressources des hébergeants doivent être écartés ; que, contrairement à ce qui est soutenu, la décision du ministre du 12 mai 2010, qui comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A..., alors âgée de 61 ans à la date de la décision contestée, vivait seule dans son pays d'origine, alors que ses cinq enfants résidaient en France ; que si l'intéressée entend se prévaloir d'un avoir bancaire équivalent à 1 072 euros susceptible de financer, au moins en partie, son séjour en France, il est constant que Mme A... n'exerce aucune activité particulière, et ne justifie pas de ressources personnelles ; que le centre de ses intérêts matériels et familiaux ne se situe donc pas au Bénin ; qu'en outre, le refus de visa de court séjour qu'elle conteste avait été précédé d'une demande de visa de long séjour (établissement) en qualité d'ascendant de ressortissant français, rejetée le 16 juillet 2008 ; que, dans ces conditions, alors même que l'intéressée aurait respecté le terme des visas de court séjour qui lui avaient été délivrés antérieurement, en se fondant, pour refuser le visa sollicité, sur un risque de détournement de l'objet de celui-ci à des fins migratoires, le ministre n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

6. Considérant, en troisième lieu, que la seule circonstance que Mme A... souhaite rendre visite à ses enfants ne suffit pas à établir, en l'absence de circonstances particulières, que le refus de visa de court séjour porterait une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale, et méconnaîtrait ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors qu'il n'est pas établi, au demeurant, que ces derniers ne pourraient lui rendre visite au Bénin ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation

présentées par Mme A... n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au ministre de lui délivrer le visa sollicité ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré à l'issue de l'audience du 17 mai 2013, où siégeaient :

- M. Iselin, président de Chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 juin 2013.

Le rapporteur,

J-F. MILLETLe président,

B. ISELIN

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11NT02543


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT02543
Date de la décision : 07/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : D'ALMEIDA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-06-07;11nt02543 ?
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