Vu la requête, enregistrée le 11 octobre 2011, présentée par le préfet du Calvados qui demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 09-2785 du 17 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à verser à la société Lactalis Nestlé Ultra Frais (LNUF) Marques la somme de 2 222,58 euros HT, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de manifestations de producteurs de lait ;
2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Caen par la société LNUF Marques ;
3°) à titre subsidiaire, de ramener l'indemnité accordée à la société LNUF Marques à la moitié du montant mis à la charge de l'Etat ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2013 :
- le rapport de M. Gauthier, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Martin, rapporteur public ;
- et les observations de Me Guillard, substituant Me Buisson-Fizellier, avocat de la société Lactalis Nestlé Ultra Frais (LNUF) Marques ;
1. Considérant que le préfet du Calvados interjette appel du jugement du 17 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à verser à la société Lactalis Nestlé Ultra Frais (LNUF) Marques la somme de 2 222,58 euros HT, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de manifestations de producteurs de lait ;
Sur la recevabilité de la requête :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le jugement du 17 mai 2011 du tribunal administratif de Caen a été notifié au préfet du Calvados le 5 septembre 2011, comme l'atteste l'accusé de réception de la lettre de notification au dossier de premier instance ; que les circonstances que la fiche dite " Sagace " ait indiqué par erreur une notification au préfet le 17 mai 2011 et que le préfet, ayant eu connaissance du jugement, ait fait le 16 juin 2011 une proposition d'indemnisation et arrêté le 23 juin 2011 le montant accordé à la société LNUF Marques, sont sans incidence sur le délai de recours qui n'a pu commencer à courir qu'à compter de la notification du jugement, conformément aux dispositions de l'article R. 811-2 du code de justice administrative ; que la requête, enregistrée au greffe de la cour le 30 septembre 2011, a donc été déposée dans le délai d'appel, contrairement à ce que soutient la société LNUF Marques ;
Sur la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2216-3 du du code général des collectivités territoriales : " L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens (...) " ; que l'application de ces dispositions est subordonnée à la condition que les dommages dont l'indemnisation est demandée résultent de manière directe et certaine de crimes ou de délits déterminés commis par des rassemblements ou des attroupements précisément identifiés ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier du procès-verbal de gendarmerie produit, rédigé sur les déclarations du directeur de l'usine Lactalis de Saint-Martin-des-Entrées, que le 19 mai 2009 vers 22 heures celui-ci a été informé de ce que des individus ont ouvert un camion contenant des produits laitiers appartenant à la société LNUF Marques et garé sur le parc de stationnement de l'entrepôt d'une autre société, ont vidé des palettes et commencé à détruire des produits au pied de la remorque jusqu'à ce qu'ils soient surpris par le directeur de l'entrepôt et s'enfuient à travers champs ; que les auteurs des destructions sus-décrites de marchandises n'ont pas été identifiés ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, en l'absence de lien établi de ces faits avec un attroupement ou rassemblement, les conditions d'engagement de la responsabilité de l'Etat pour l'indemnisation des dommages en résultant, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2216-3 précité, ne sont pas remplies ;
5. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société LNUF Marques devant le tribunal administratif de Caen ;
Sur la responsabilité de l'Etat sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques :
6. Considérant que la société LNUF Marques soutient qu'elle a droit d'être également indemnisée de ses préjudices, sur le fondement de la responsabilité sans faute de l'Etat du fait de la rupture d'égalité devant les charges publiques ; que, toutefois, en se bornant à soutenir que l'Etat n'a pas mis en oeuvre des mesures tendant à prévenir et réprimer les atteintes à l'ordre public, la société ne démontre pas que les autorités investies du pouvoir de police se seraient volontairement abstenues de prévenir ou d'empêcher les dégradations qui se sont produites ; qu'ainsi, en l'absence d'un lien de causalité direct entre les dommages résultant des incidents en cause et un fait de l'administration, elle n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de l'Etat se trouve engagée sans faute pour rupture de l'égalité devant les charges publiques ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Calvados est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à verser à la société LNUF Marques la somme de 2 222,58 euros HT, assortie des intérêts et de leur capitalisation, et la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société LNUF Marques demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 09-2785 du 17 mai 2011 du tribunal administratif de Caen sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la société LNUF Marques tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société LNUF Marques et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet du Calvados.
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N° 11NT02731