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15/02/2013 | FRANCE | N°11NT02031

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 15 février 2013, 11NT02031


Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2011, présentée pour M. A... et Mme C... D..., demeurant..., par la SCP Caré - Petitjean-Person - Cabin, avocats au barreau de Chartres ; M. et Mme D... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903487 en date du 24 mai 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans, saisi d'une question préjudicielle par un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 9 septembre 2008, à la suite de l'occupation de leur propriété du fait des travaux de restauration de l'église, a déclaré que l'occupation de leur propriété par la c

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Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2011, présentée pour M. A... et Mme C... D..., demeurant..., par la SCP Caré - Petitjean-Person - Cabin, avocats au barreau de Chartres ; M. et Mme D... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903487 en date du 24 mai 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans, saisi d'une question préjudicielle par un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 9 septembre 2008, à la suite de l'occupation de leur propriété du fait des travaux de restauration de l'église, a déclaré que l'occupation de leur propriété par la commune de Berchères Les Pierres présentait le caractère d'une emprise régulière ;

2°) de déclarer le caractère irrégulier de l'emprise opérée par la commune de Berchères les Pierres sur leur propriété ;

3°) de leur donner acte de ce qu'ils se réservent, pour le cas où l'emprise serait déclarée régulière, le droit de solliciter du tribunal administratif l'indemnisation de leur préjudice ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Berchères les Pierres la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 2013 :

- le rapport de M. Millet, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

1. Considérant que la commune de Berchères Les Pierres (Eure-et-Loir) a entrepris, à partir d'avril 2003, et jusqu'en juin 2004, de restaurer la nef et l'abside de son église édifiée en limite de la propriété de M. et Mme D... ; que, pour les besoins des travaux, un échafaudage a été installé et une zone de chantier délimitée sur le fonds de ces derniers, qui contestent avoir donné leur accord à la commune ; que, par courrier du 20 juillet 2003, ils ont exigé la conclusion d'une convention d'usage de " tour d'échelle " et refusé toute nouvelle incursion sur leur propriété avant qu'une telle convention ne soit signée ; que, par une ordonnance en date du 12 mars 2004, le juge des référés du tribunal d'instance de Chartres, saisi par la commune, a ordonné aux époux D...de laisser aux entreprises un libre accès sur leur propriété pour l'achèvement du chantier et ordonné une expertise avec, notamment, pour mission d'évaluer le préjudice subi par les époux D...du fait de l'occupation de leur propriété par la commune ; que l'expert désigné a, dans son rapport du 29 décembre 2004, évalué le préjudice subi par M. et Mme D... à 4 083,09 euros ; que ces derniers ont alors saisi le tribunal d'instance de Chartres d'une demande d'indemnisation du trouble de jouissance résultant de l'emprise irrégulière effectuée par la commune ; que le tribunal d'instance a, le 12 décembre 2006, jugé que le caractère irrégulier de l'emprise était manifeste et incontestable et a accordé aux époux D...une somme de 7 083,09 euros à titre de dommages et intérêts ; que, toutefois, la cour d'appel de Versailles a, par un arrêt du 9 septembre 2008, estimé que le caractère irrégulier de l'emprise n'était pas manifeste et incontestable et sursis à statuer sur leur demande d'indemnisation jusqu'à ce que le juge administratif se soit prononcé sur cette question préjudicielle ; que, par jugement du 24 mai 2011, le tribunal administratif d'Orléans, saisi par M. et Mme D... en exécution de cet arrêt, a déclaré que l'occupation par la commune de Berchères Les Pierres de la propriété des intéressés présentait le caractère d'une emprise régulière ; que M. et Mme D... interjettent appel de ce jugement ;

Sur la régularité de l'emprise :

2. Considérant que la pose d'un échafaudage et la délimitation d'une zone de chantier par une collectivité publique sur une parcelle appartenant à une personne privée, qui dépossèdent temporairement le propriétaire de cette parcelle d'un élément de son droit de propriété, ne peuvent être mises à exécution qu'après la conclusion d'une convention de servitude d'usage de tour d'échelle ou l'intervention d'un accord amiable avec le propriétaire ; qu'à défaut d'une telle justification, la dépossession partielle des propriétaires doit être regardée comme ayant été exécutée sans titre et présente ainsi le caractère d'une emprise irrégulière ; qu'il en va de même lorsque les travaux excèdent substantiellement les limites du plan d'installation de chantier agréé par le propriétaire ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant qu'à compter du 1er avril 2003, un échafaudage a été installé sur la propriété des requérants dans le cadre de la rénovation de l'église de la commune de Berchères Les Pierres ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une " servitude de tour d'échelle ", qui ne peut avoir qu'un fondement contractuel, ait fait l'objet d'une convention signée entre les époux D...et la commune de Berchères Les Pierres ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que les requérants ne se sont pas opposés à l'installation de cet échafaudage ; que, lors de l'instance en référé devant le juge judiciaire, les requérants ont soutenu qu'ils avaient " permis l'occupation de leur propriété malgré les procédés peu courtois et irrespectueux du droit de propriété employés par la commune et son maître d'oeuvre " ; que, dans une lettre du 30 janvier 2004, évoquée par la cour d'appel de Versailles, les époux D...ont confirmé qu'ils avaient " autorisé l'implantation d'un échafaudage dans leur propriété depuis le mois d'avril 2003 " ; que, dès lors, bien qu'elle soit postérieure au début des travaux, cette lettre révèle, ainsi que l'a d'ailleurs admis l'expert judiciaire dans son rapport, l'existence d'un accord amiable préalable sur le principe de l'occupation de leur immeuble par l'échafaudage ; qu'eu égard à ce qui a été dit ci-dessus, le caractère " contraint " de cet accord amiable n'est pas établi ;

4. Considérant, en second lieu, que l'occupation par la commune a également consisté en l'installation d'une " zone de chantier " dans le jardin des requérants, où ont été notamment déposés entre l'abside et le pied du clocher une bétonnière, des palettes, un tas de sable et une brouette ; que si cette zone n'est mentionnée ni dans le compte rendu de la réunion du 14 mai 2003, qui avait pour objet d'établir un état des lieux avant l'installation du chantier, ni dans le plan d'installation annexé à ce compte rendu, il résulte cependant de l'instruction que cette " zone de chantier " figure dans un plan d'installation datant du 29 septembre 2003, annexé au rapport du 29 décembre 2004 établi par l'expert désigné par le juge judiciaire et que son existence est attestée par un procès verbal de constat dressé le 15 janvier 2004 à la demande de M. D..., lequel constat fait d'ailleurs référence à la liberté d'accès des ouvriers au jardin ; que, par suite, en affirmant dans leur courrier précité du 30 janvier 2004, ne pas s'être " opposés à la poursuite des travaux dans la mesure où les limites de l'emprise actuelle sont respectées ", les requérants reconnaissent avoir donné un accord amiable à l'occupation de leur immeuble englobant également la " zone de chantier " délimitée par ce plan ; que si M. et Mme D... soutiennent, à cet égard, que ledit plan n'a pas été respecté, dès lors que les entreprises mandatées par la commune en ont outrepassé les limites pour y entreposer des matériaux, les trois planches de photographies qu'ils produisent à l'appui de leurs allégations correspondent à celles prises lors de la visite des lieux effectuée par l'expert, M. B..., le 14 octobre 2003 et qui figurent en annexe de son rapport dressé le 18 octobre suivant ; qu'à cette date, contrairement à ce qu'affirment les requérants, la charpente n'était pas achevée et les matériaux litigieux étaient régulièrement déposés dans le " complément d'emprise ", autorisé pour le mois d'octobre 2003 pendant la réalisation des enduits, qui figure sur le plan d'installation au nord-est de l'abside ; que la seule circonstance qu'une poutre, en cours de pose, excèderait les limites du chantier n'est pas de nature à remettre en cause l'accord intervenu, dès lors que " la zone de chantier ", provisoirement élargie, n'a pas été substantiellement modifiée ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a déclaré que l'occupation de leur propriété par la commune de Berchères Les Pierres devait être regardée comme ayant été exécutée avec l'accord amiable de ces derniers et qu'ainsi, elle ne présentait pas le caractère d'une emprise irrégulière sur une propriété privée immobilière ;

Sur les conclussions de M. et Mme D... et de la commune de Berchères Les Pierres tendant à ce qu'il soit donné acte de leurs réserves :

6. Considérant, d'une part, que M. et Mme D... demandent à ce qu'il leur soit donné acte, pour le cas où l'emprise serait déclarée régulière, de ce qu'ils se réservent le droit de solliciter du tribunal administratif l'indemnisation de leur préjudice ; que, d'autre part, la commune de Berchères Les Pierres demande, quant à elle, qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle se réserve de demander réparation des préjudices résultant du revirement des époux D...qui ont interdit, en cours de chantier, aux entreprises de pénétrer dans leur propriété ; qu'il n'appartient pas au juge administratif de donner acte de réserves ; que, par suite, les conclusions présentées à ce titre par les parties sont, en tout état de cause, irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Berchères Les Pierres, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demandent M. et Mme D... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. et Mme D... la somme que demande la commune de Berchères Les Pierres au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... et les conclusions de la commune de Berchères Les Pierres sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et Mme C... D...et à la commune de Berchères Les Pierres.

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N° 11NT02031


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT02031
Date de la décision : 15/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : PETITJEAN-PERSON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-02-15;11nt02031 ?
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