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25/01/2013 | FRANCE | N°12NT02289

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 25 janvier 2013, 12NT02289


Vu la décision nos 351248 et 351264 du 6 juillet 2012 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt nos 10NT00279-10NT00283-10NT00500 du 20 mai 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté le recours du ministre de l'intérieur et la requête du département de la Vendée tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes n° 053097 du 4 décembre 2009 annulant l'arrêté du 8 avril 2005 par lequel le préfet de la Vendée a déclaré d'utilité publique les travaux d'aménagement de la déviation sud de Beauvoir-sur-Mer

et de Saint-Gervais sur les communes de Beauvoir-sur-Mer, Saint-Ge...

Vu la décision nos 351248 et 351264 du 6 juillet 2012 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt nos 10NT00279-10NT00283-10NT00500 du 20 mai 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté le recours du ministre de l'intérieur et la requête du département de la Vendée tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes n° 053097 du 4 décembre 2009 annulant l'arrêté du 8 avril 2005 par lequel le préfet de la Vendée a déclaré d'utilité publique les travaux d'aménagement de la déviation sud de Beauvoir-sur-Mer et de Saint-Gervais sur les communes de Beauvoir-sur-Mer, Saint-Gervais et Saint-Urbain et mis en compatibilité le plan d'occupation des sols de Saint Gervais, et a renvoyé à la cour le jugement des requêtes d'appel présentées par le ministre de l'intérieur et le département de la Vendée ;

Vu, I°, sous le n° 12NT02289, le recours enregistré le 8 février 2010, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ; le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-3097 du 4 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. et Mme A... et autres, l'arrêté du 8 avril 2005 du préfet de la Vendée déclarant d'utilité publique les travaux d'aménagement de la déviation sud de Beauvoir-sur-Mer et de Saint-Gervais sur les communes de Beauvoir-sur-Mer, Saint-Gervais et Saint-Urbain et emportant mise en compatibilité du plan d'occupation des sols de Saint Gervais ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme A... et autres devant le tribunal administratif de Nantes ;

Il soutient que :

- le projet présente un intérêt public majeur ; en effet, dans la traversée de Beauvoir-sur-Mer et de Saint-Gervais, la route départementale (RD) 948 est saturée et dangereuse, notamment en période estivale, le taux d'accident y est supérieur à la moyenne nationale ; en outre, le trafic génère des pollutions et des nuisances sonores ; l'enjeu économique est également important ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les variantes dites D et A bis présentaient plus d'inconvénients que la variante A retenue ; en effet la variante D pénètre plus profondément que les deux autres dans la zone Natura 2000, empêche l'accès au haras des Presnes, est proche d'un lotissement de Saint-Gervais et manquerait de fluidité en raison d'un raccordement à l'actuelle RD 948 ; la variante A bis, qui nécessite la démolition de dix habitations, est proche de secteurs habités et du haras des Presnes ; en outre, elle est située en grande partie dans le site Natura 2000, elle traverse un site archéologique et elle est contraignante pour les élevages ;

- la variante A est la plus équilibrée : dans sa partie ouest elle longe le marais en épargnant les prairies d'élevage et la zone d'intérêt communautaire pour la protection des oiseaux ; l'emprise sur la zone Natura 2000 est réduite à 7 hectares, soit 0,013 % de cette zone ; elle est éloignée des habitations, ne nécessite pas d'acquisition de terrains construits ou constructibles et toute démolition de bâtiments est évitée ; son impact acoustique et visuel est faible et des mesures compensatoires sont prévues pour maintenir la richesse écologique du marais et la cohérence du site ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2011, présenté pour M. et Mme A..., demeurant..., M. et Mme B..., demeurant ...et M. et Mme Gaschignard, demeurant..., par Me Gaschignard, avocat au conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; M. et Mme A... et autres concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- le tracé retenu traverse sur plusieurs kilomètres le marais breton classé comme zone Natura 2000 ;

- les variantes A bis et D qui évitaient le marais ont été écartées à tort ; les mesures compensatoires proposées sont inexistantes ou dérisoires ;

- le trafic a tendance à diminuer sur l'itinéraire concerné ;

Vu, II, sous le n° 12NT2290, la requête enregistrée le 9 février 2010, présentée pour le département de la Vendée, représentée par le président du conseil général en exercice, par Me Viger-Rouhaud, avocat au barreau de Paris ; le département de la Vendée demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-3097 du 4 décembre 2009 par lequel le tribunal

administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. et Mme A... et autres, l'arrêté du 8 avril 2005 du préfet de la Vendée déclarant d'utilité publique les travaux d'aménagement de la déviation sud de Beauvoir-sur-Mer et de Saint-Gervais sur les communes de Beauvoir-sur-Mer, Saint-Gervais et Saint-Urbain et emportant mise en compatibilité du plan d'occupation des sols de Saint Gervais ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme A... et autres devant le tribunal administratif de Nantes ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme A... et autres une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la RD 948 est dangereuse dans la traversée de Beauvoir-sur-mer et de Saint-Gervais en raison de l'importance de son trafic et d'un tracé largement urbanisé ; le taux d'accident y est supérieur à la moyenne nationale ; de plus, une partie des usagers se détournent sur de petites routes inadaptées ;

- toutes les variantes étudiées depuis 1990 pénètrent dans la zone Natura 2000 ; la variante A bis nécessite la démolition de dix habitations et a un fort impact acoustique, en outre, elle est proche du haras des Presnes et traverse un site archéologique ; la variante D, qui est moins fluide que les autres, nécessite également des démolitions, fragmente l'habitat, empêche le développement urbanistique de Saint-Gervais et interdit l'accès au haras des Presnes ;

- la variante A retenue est la meilleure solution en tenant compte de l'ensemble des critères environnementaux et des paramètres socio-économiques ; c'est la moins chère, elle n'exige pas la destruction d'habitations, préserve les prairies d'élevage et limite au maximum les nuisances ; elle est à peine moins pénalisante pour la zone Natura 2000 que le tracé retenu par la direction régionale de l'environnement, la longeant certes sur la moitié de son tracé, mais réduisant à 7 hectares l'emprise réelle, soit 0,013 % de la surface de la zone ; en tout état de cause, les espèces protégées prioritaires ne seront pas touchées ; des mesures compensatoires appropriées sont prévues ;

- la protection de la sécurité et de la santé publique est aussi importante que celle de l'environnement ; le tracé retenu est justifié par "des raisons impératives d'intérêt public majeur" au sens de la directive 92-43 du conseil du 21 mai 1992 ; le tribunal devait procéder à un bilan des avantages et inconvénients de la solution retenue et notamment examiner les mesures compensatoires prévues ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2011, présenté pour M. et Mme A..., demeurant..., M. et Mme B..., demeurant ...et M. et Mme Gaschignard, demeurant..., par Me Gaschignard, avocat au conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; M. et Mme A... et autres concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du département de la Vendée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- le tracé retenu traverse sur plusieurs kilomètres le marais breton classé comme zone Natura 2000, principal site français de nidification et site d'importance internationale pour les espèces animales rares et ampute de près de trois hectares le massif boisé dont ils sont propriétaires en lisière du château de La Bonnetière, seul massif boisé du canton ;

- la commission d'enquête jugeait préférable le contournement de Beauvoir-sur-Mer par le nord ; par ailleurs, les variantes A bis et D, qui évitaient le marais, ont été écartées dans le but principal d'éviter la zone d'aménagement différée projetée par les élus locaux ; en outre, l'atteinte au marais ne saurait être justifiée par le souci de ne pas exproprier dix maisons ;

- ils reprennent par ailleurs l'ensemble des moyens soulevés dans leur mémoire de première instance ;

Vu le mémoire enregistrée le 2 janvier 2013, présentée pour le département de la Vendée qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; le département de la Vendée soutient, en outre que :

- l'étude d'impact comportait des indications suffisantes au regard des exigences légales en vigueur et que le public a pu utilement exprimé son choix sur les aspects de cette procédure ; que le vice de procédure n'est donc pas établi ;

- que sur le fond c'est à juste titre que la cour, dans son arrêt, du 20 mai 2011, avait censuré le raisonnement du tribunal administratif qui avait considéré que le projet méconnaissait les dispositions de l'article L. 414-4 III du code de l'environnement dans la mesure où il existait des solutions alternatives au tracé proposé ;

Vu, III, sous le n° 12NT02291, la requête enregistrée le 9 mars 2010, présentée pour le département de la Vendée, représenté par le président du conseil général en exercice, par Me Viger-Rouhaud, avocat au barreau de Paris ; le département de la Vendée demande à la cour :

1°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement n° 05-3097 du 4 décembre 2009 par lequel le tribunal Administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. et Mme A... et autres, l'arrêté du 8 avril 2005 du préfet de la Vendée déclarant d'utilité publique les travaux d'aménagement de la déviation sud de Beauvoir-sur-Mer et de Saint-Gervais sur les communes de Beauvoir-sur-Mer, Saint-Gervais et Saint-Urbain et emportant mise en compatibilité du plan d'occupation des sols de Saint Gervais ;

2°) de mettre à la charge de M. et Mme A... et autres une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- il importe que la cour statue avant l'expiration, le 8 avril 2010, de l'arrêté déclaratif d'utilité publique contesté, alors qu'il existe des moyens sérieux et de nature à justifier le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par le tribunal, la reprise de l'ensemble de la procédure d'expropriation étant de nature à générer un préjudice important pour le département en raison de son coût et du retard occasionné ;

- la RD 948 est dangereuse dans la traversée de Beauvoir-sur-Mer et de Saint-Gervais en raison de l'importance de son trafic et d'un tracé largement urbanisé ; le taux d'accident y est supérieur à la moyenne nationale ; de plus, une partie des usagers se détournent sur de petites routes inadaptées ;

- toutes les variantes étudiées depuis 1990 pénètrent dans la zone Natura 2000 ; la variante A bis nécessite la démolition de dix habitations et a un fort impact acoustique, en outre elle est proche du haras des Presnes et traverse un site archéologique ; la variante D, qui est moins fluide que les autres, nécessite également des démolitions, fragmente l'habitat, empêche le développement urbanistique de Saint-Gervais et interdit l'accès au haras des Presnes ;

- la variante A retenue est la meilleure solution en tenant compte de l'ensemble des critères environnementaux et des paramètres socio-économiques ; c'est la moins chère, elle n'exige pas la destruction d'habitations, préserve les prairies d'élevage et limite au maximum les nuisances ; elle est à peine moins pénalisante pour la zone Natura 2000 que le tracé retenu par la direction régionale de l'environnement, la longeant certes sur la moitié de son tracé, mais réduisant à 7 hectares l'emprise réelle, soit 0,013 % de la surface de la zone ; en tout état de cause, les espèces protégées prioritaires ne seront pas touchées ; des mesures compensatoires appropriées sont prévues ;

- la protection de la sécurité et de la santé publique est aussi importante que celle de l'environnement ; le tracé retenu est justifié par "des raisons impératives d'intérêt public majeur" au sens de la directive 92-43 du conseil du 21 mai 1992 ; le tribunal devait procéder à un bilan des avantages et inconvénients de la solution retenue et notamment examiner les mesures compensatoires prévues ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2010, présenté pour M. et Mme A..., demeurant..., M. et Mme B..., demeurant ...et M. et Mme Gaschignard, demeurant..., par Me Gaschignard, avocat au conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; M. et Mme A... et autres concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du département de la Vendée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- aucune urgence ne justifie l'octroi du sursis dès lors que le délai de validité d'une déclaration d'utilité publique est suspendu jusqu'au prononcé de la décision juridictionnelle statuant de manière définitive sur la légalité de cet acte ; par ailleurs, le département n'a pas entrepris de travaux, démontrant encore ainsi l'absence d'urgence ;

- le tracé retenu traverse sur plusieurs kilomètres le marais breton classé comme zone Natura 2000, principal site français de nidification et site d'importance internationale pour les espèces animales rares et ampute de près de trois hectares le massif boisé dont ils sont propriétaires en lisière du château de La Bonnetière, seul massif boisé du canton ;

- la commission d'enquête jugeait préférable le contournement de Beauvoir-sur-Mer par le nord ; par ailleurs, les variantes A bis et D qui évitaient le marais ont été écartées dans le but principal d'éviter la zone d'aménagement différée projetée par les élus locaux ; en outre, l'atteinte au marais ne saurait être justifiée par le souci de ne pas exproprier dix maisons ;

- ils reprennent, par ailleurs, l'ensemble des moyens soulevés dans leur mémoire de première instance ;

Vu le mémoire enregistré le 28 juin 2010, présenté par le département de la Vendée qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes motifs qu'il développe ;

Il ajoute que :

- un des giratoires du projet est déjà réalisé, ce qui établit la volonté du département de mener à bien ce dernier et justifie l'urgence ;

- l'utilité publique de l'opération a été démontrée, alors que les requérants ne défendent que leur intérêt de propriétaire du bois de La Bonnetière lequel est en tout état de cause, de faible intérêt sylvicole ;

Vu la note en délibéré enregistré le 29 avril 2011 présenté par le département de la Vendée ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 2013 :

- le rapport de M. Villain, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Martin, rapporteur public ;

- et les observations de Me Viger-Rouhaud, avocat du département de la Vendée ;

1. Considérant que le recours n° 12NT02289, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et les requêtes n° 10NT02290 et n° 12NT02290 présentées par le département de la Vendée, sont dirigés contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et le département de la Vendée relèvent appel du jugement du 4 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. et Mme A... et autres, l'arrêté du 8 avril 2005 du préfet de la Vendée déclarant d'utilité publique les travaux d'aménagement de la déviation sud de Beauvoir-sur-Mer et de Saint-Gervais sur le territoire des communes de Beauvoir-sur-Mer, Saint-Gervais et Saint-Urbain et emportant mise en compatibilité du plan d'occupation des sols de Saint Gervais ; que par un arrêt du 20 avril 2011, la cour a rejeté les requêtes du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territorialeset du département de la Vendée tendant à l'annulation de ce jugement ; que par la décision susvisée du 6 juillet 2012, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nantes ;

Sur les requêtes n° 12NT02289 et n° 12NT02290 :

3. Considérant qu'eu égard aux difficultés résultant de l'importante circulation sur la route départementale (RD) n° 948, dans la traversée de Beauvoir-sur-Mer et de Saint-Gervais, notamment en période estivale, le département de la Vendée a décidé la création d'une voie de contournement ; que le tribunal administratif, estimant que le tracé retenu méconnaissait les dispositions du III de l'article L. 414-4 du code de l'environnement a annulé l'arrêté du 8 avril 2005 du préfet de la Vendée déclarant l'utilité publique de l'opération ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement dans sa rédaction alors en vigueur : " I - Les programmes ou projets de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement soumis à un régime d'autorisation ou d'approbation administrative, et dont la réalisation est de nature à affecter de façon notable un site Natura 2000, font l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site. (...) II - L'autorité compétente ne peut autoriser ou approuver un programme ou projet mentionné au premier alinéa du I s'il résulte de l'évaluation que sa réalisation porte atteinte à l'état de conservation du site. III - Toutefois, lorsqu'il n'existe pas d' autre solution que la réalisation d'un programme ou projet qui est de nature à porter atteinte à l'état de conservation du site, l'autorité compétente peut donner son accord pour des raisons impératives d'intérêt public. Dans ce cas, elle s'assure que des mesures compensatoires sont prises pour maintenir la cohérence globale du réseau Natura 2000. (...) IV. - Lorsque le site abrite un type d'habitat naturel ou une espèce prioritaires qui figurent, au titre de la protection renforcée dont ils bénéficient, sur des listes arrêtées dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, l'accord mentionné au III ne peut être donné que pour des motifs liés à la santé ou à la sécurité publique ou tirés des avantages importants procurés à l'environnement (...) " ; que l'article R. 414-21 du même code précise que : " I. - Le dossier d'évaluation d'incidences, établi par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage, comprend : (...) 2° Une analyse des effets notables, temporaires ou permanents, que les travaux, ouvrages ou aménagements peuvent avoir (...) sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites. II. - S'il résulte de l'analyse mentionnée au 2° du I que les travaux, ouvrages ou aménagements peuvent avoir des effets notables dommageables, pendant ou après la réalisation du programme ou du projet, sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites, le maître d'ouvrage ou le pétitionnaire complète le dossier d'évaluation en indiquant les mesures de nature à supprimer ou réduire ces effets dommageables, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes. (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que pour déterminer si un projet entre dans le champ des prescriptions du III ou du IV de l'article L. 414-4 du code de l'environnement, il convient d'apprécier si sa réalisation est de nature à porter atteinte à l'état de conservation d'un site "Natura 2000", une fois pris en compte l'impact des mesures de nature à supprimer ou réduire ses effets dommageables prévues au II de l'article R. 414-21 de ce code ;

6. Considérant qu'il résulte de l'étude d'impact et du document d'incidences, établi en vertu de l'article L. 414-4 du code de l'environnement, que plusieurs tracés possibles ont été envisagés entre 1990 et 2002 pour le contournement routier litigieux ; qu'en raison de l'urbanisation présente au nord de Beauvoir-sur-Mer, les cinq variantes présentées à l'enquête publique passent au sud de la commune, étant ainsi appelées à traverser ou à longer le Marais breton, partie du site d'intérêt communautaire Natura 2000 "Marais breton, baie de Bourgneuf, Ile de Noirmoutier et forêt de Monts" ; que la variante dite A déclarée d'utilité publique traverse l'extrémité de ce site sur une longueur de 2 300 mètres, mais sur une emprise limitée à 7 hectares sur les 53 300 hectares que comporte le site Natura 2000 concerné et préserve notamment les prairies d'élevage nécessaires à la conservation de l'intérêt ornithologique de la zone ; que n'est pas de nature à faire apparaître que le projet aurait un impact significatif sur l'état de conservation du site Natura 2000, et sur les espèces qu'il abrite, la seule circonstance que, dans le but de contrebalancer l'impact résiduel du projet sur le site, des mesures compensatoires spécifiques ont été prévues, telles la réhabilitation en prairies de parcelles agricoles afin de restaurer les biotopes détruits par le projet, le rétablissement de corridors de déplacement pour la faune, l'enfouissement des réseaux, l'adoption d'un profil en travers adapté et la réalisation d'un revêtement routier apte à diminuer le bruit de roulement des véhicules ; qu'ainsi, le projet ne peut être regardé comme portant atteinte à l'état de conservation du site au sens des dispositions du II de l'article L. 414-4 du code de l'environnement précité et, par suite, ne relevait pas des III et IV dudit article ;

7. Considérant que dès lors que le contournement routier litigieux ne porte pas atteinte à l'état de conservation du site, c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes, en déduisant qu'il existerait des solutions alternatives de nature à porter une atteinte moindre au site Natura 2000 en cause, s'est fondé sur le III de l'article L. 414-4 du code de l'environnement pour annuler l'arrêté du 8 avril 2005 du préfet de la Vendée ;

8. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme A... et autres devant le tribunal administratif de Nantes ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 alors en vigueur : " Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement. (...) 6° Pour les infrastructures de transport, l'étude d'impact comprend en outre une analyse des coûts collectifs des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité ainsi qu'une évaluation des consommations énergétiques résultant de l'exploitation du projet, notamment du fait des déplacements qu'elle entraîne ou permet d'éviter " ;

10. Considérant que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces du dossier que l'étude d'impact jointe au dossier de l'enquête publique ne comporte aucune analyse du coût des pollutions et nuisances et des avantages induits résultant du contournement routier projeté, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 2 du décret du 12 octobre 1977, dès lors que sur ces points elle se borne d'une part à considérer que "compte tenu des améliorations sur les véhicules, du relief de la zone d'étude et de son caractère rural, il est probable que la qualité de l'air le long de la voie nouvelle soit améliorée dans l'avenir", et d'autre part à énoncer, en ce qui concerne l'évaluation des consommations énergétiques, "que globalement le bilan est positif du fait des déplacements en milieu urbain (traversée de Beauvoir-sur-mer et Saint-Gervais) qui sont évités" ; qu'eu égard à l'objet et aux conditions de réalisation des travaux déclarés d'utilité publique, ces éléments trop lacunaires n'ont pas permis une information complète du public ; que cette insuffisance de l'étude d'impact présente ainsi un caractère substantiel et constitue, par suite, un vice de procédure de nature à entrainer l'illégalité de l'arrêté préfectoral contesté du 8 avril 2005 portant déclaration d'utilité publique, pris au vu de ladite étude ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu' il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la demande, que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et le département de la Vendée ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 8 avril 2005 du préfet de la Vendée ;

Sur la requête n° 12NT02291 :

12. Considérant que, dès lors que le présent arrêt statue sur les requêtes à fin d'annulation du jugement attaqué, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement, présentées par le département de la Vendée dans sa requête enregistrée sous le n° 12NT02291, sont devenues sans objet ; qu'il n'y a, par suite, pas lieu de statuer sur cette dernière requête ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge solidaire du département de la Vendée et de l'Etat une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A..., M. et Mme B...et M. et Mme Gaschignard et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme A..., M. et Mme B... et M. et Mme Gaschignard, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département de la Vendée demande au titre des frais de même nature qu'il a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours n° 12NT02289 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territorialeset la requête n° 12NT02290 du département de la Vendée sont rejetés.

Article 2 : Le département de la Vendée et l'Etat verseront solidairement à M. et Mme A..., M. et Mme B...et M. et Mme Gaschignard une somme globale de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 12NT02291 du département de la Vendée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au département de la Vendée et à M. et Mme A..., M. et Mme B...et M. et Mme Gaschignard.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Villain, premier conseiller,

- Mme Tiger, premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 janvier 2013.

Le rapporteur,

J.-F. VILLAIN Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

S. BOYÈRE

La république mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Nos 12NT02289...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02289
Date de la décision : 25/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Jean-Francis VILLAIN
Rapporteur public ?: M. MARTIN
Avocat(s) : GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-01-25;12nt02289 ?
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