Vu le recours, enregistré le 21 juin 2011, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 09-03040 du 20 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. Braik A, la décision du 23 mars 2009 du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire rejetant sa demande de naturalisation ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Nantes ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret du 24 juin 1950 relatif à la délégation de pouvoirs propres aux préfets, sous-préfets et secrétaires généraux de préfecture ;
Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993;
Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2012 :
- le rapport de Mme Buffet, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;
- et les observations de Me Deniau, avocat de M. A ;
1. Considérant que le ministre de l'intérieur interjette appel du jugement du 20 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A, la décision du 23 mars 2009 du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire rejetant la demande de naturalisation présentée par l'intéressé ;
Sur la légalité de la décision du 23 mars 2009 du ministre :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. " ; qu'aux termes de l'article 49 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;
3. Considérant que le ministre chargé des naturalisations a rejeté la demande de naturalisation de M. A au motif, notamment, que ce dernier est animateur culturel et professeur de langue arabe à la mosquée Tariq Ibn Ziyad ..., de mouvance salafiste, dont les valeurs sont contraires aux valeurs républicaines françaises de liberté, d'égalité, de fraternité et au principe de laïcité ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour prendre cette décision, le ministre chargé des naturalisations s'est fondé sur une note du 24 décembre 2008 du ministre de l'intérieur, faisant état, de façon circonstanciée, de ce que M. A a exercé, jusqu'en 1996, les fonctions de président de l'association culturelle islamique " Tariq Ibn Zyad " dont l'objectif principal est d'assurer l'exercice du culte religieux au sein de la mosquée du même nom ; que cette note se réfère à une première note rédigée, le 3 août 2006, qui précise que cette mosquée est à l'origine du développement du mouvement salafiste dans le département des Yvelines et a abrité, en 1999 et 2000, deux congrès de la mouvance salafiste ; que M. A qui admet avoir été imam à la mosquée " Tariq Ibn Zyad " lorsque ces deux congrès ont eu lieu, n'apporte pas d'éléments de nature à remettre en cause les énonciations susmentionnées ; que, dans ces conditions, alors même que l'intéressé aurait exercé d'autres fonctions au sein de l'association " Tariq Ibn Zyad " à la date de la décision contestée, qu'il réside en France depuis de nombreuses années, que son épouse exerce une activité professionnelle, que ses enfants sont nés en France et y ont été scolarisés, et que plusieurs membres de sa famille ont la nationalité française, le ministre a pu, sans commettre ni erreur de droit, ni erreur de fait, ni erreur manifeste d'appréciation, rejeter, pour le motif susmentionné, sa demande de naturalisation ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision du ministre au motif qu'elle était entachée d'une erreur de fait ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le tribunal administratif de Nantes ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 susvisé : " A compter du jour suivant la publication au Journal Officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre (...) et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 2° (...)les sous-directeurs (...) " ;
7. Considérant que par arrêté du 17 septembre 2008 du premier ministre et du ministre de l'immigration de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, publié au Journal Officiel de la République Française du 18 septembre 2008, M. Audinet a été nommé sous-directeur de l'accès à la nationalité française à l'administration centrale du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. Audinet n'aurait pas été compétent pour signer la décision du 23 mars 2009 litigieuse manque en fait ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 43 du décret du 30 décembre 1993 susvisé, dans sa version alors applicable: "Le postulant se présente en personne devant un agent désigné nominativement par le préfet ou l'autorité consulaire. Après un entretien individuel, cet agent établit un compte rendu constatant le degré d'assimilation du postulant à la communauté française ainsi que, selon sa condition, son niveau de connaissance des droits et devoirs conférés par la nationalité française et, sous réserve des dispositions de l'article 21-24-1 du code civil, sa connaissance de la langue française. (...)" ;
9. Considérant qu'il n'est pas contesté qu'un entretien individuel a été organisé avec M. A, au cours de la procédure d'instruction de sa demande de naturalisation, conformément aux dispositions de l'article 43 précité ; que la circonstance que par jugement du 31 janvier 2008, devenu définitif, le tribunal administratif de Nantes a annulé la première décision d'ajournement opposée le 22 novembre 2006 par le ministre à la demande de naturalisation de M. A au motif que l'avis rendu par le préfet des Yvelynes sur sa demande n'était pas motivé, n'imposait pas à l'administration de reprendre l'instruction de ladite demande de naturalisation en procédant à un nouvel entretien de l'intéressé ;
10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 44 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Dans les six mois suivant la délivrance du récépissé prévu à l'avant-dernier alinéa de l'article 37, l'autorité auprès de laquelle le dépôt de la demande a été effectué transmet au ministre chargé des naturalisations le dossier assorti de son avis motivé, tant sur la recevabilité de la demande que sur la suite qu'elle lui paraît devoir comporter. " ; qu'aux termes du 2 de l'article 1er du décret du 24 juin 1950 susvisé : "En cas de vacance momentanée d'une préfecture, d'absence ou d'empêchement d'un préfet, sans que ce dernier ait délégué l'exercice de ses fonctions dans les conditions prévues à l'article précédent, le secrétaire général de la préfecture assure l'administration du département " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le secrétaire général de la préfecture des Yvelynes a émis, le 20 juin 2008, un avis défavorable à la demande de naturalisation présentée par M. A ;
11. Considérant, d'une part, qu'alors même qu'à la date à laquelle il a signé cet avis, il n'avait pas encore reçu délégation de signature du préfet nouvellement nommé mais dont il ressort des pièces du dossier qu'il n'avait pas encore été installé dans le département, M. Vignes, secrétaire général de la préfecture des Yvelines, était compétent pour ce faire en application des dispositions précitées du décret du 24 juin 1950 ;
12. Considérant, d'autre part, que dans son avis, ce dernier propose d'ajourner à trois ans la demande de naturalisation présentée par M. A au motif qu'il est animateur culturel et professeur de lange arabe à la mosquée " Tariq Ibn Ziyad, " qui appartient à la mouvance salafiste dont les valeurs sont incompatibles avec les principes fondamentaux de la République française ; que, par suite, ledit avis est suffisamment motivé ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A, sa décision du 23 mars 2009 ; ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Considérant que le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. A demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 20 avril 2011 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande de M. A présentée devant le tribunal administratif de Nantes, ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. Braik A.
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N° 11NT01694 2
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