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14/12/2012 | FRANCE | N°11NT00100

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 14 décembre 2012, 11NT00100


Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2011, présentée pour la société Aérodis, dont le siège est 2, rue Jacques Daguerre à Rueil Malmaison Cedex (92565), représentée par son représentant légal, par Me Elfassi, avocat au barreau de Paris ; la société Aérodis demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 09-2008, 09-2027 du 12 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande, d'une part, de M. et Mme C et, d'autre part, de l'association "Vent de Colère entre Monts et Marais" et autres, les deux arrêtés du 21 avril 2009 du pré

fet de la Manche lui accordant respectivement les permis de construire six éo...

Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2011, présentée pour la société Aérodis, dont le siège est 2, rue Jacques Daguerre à Rueil Malmaison Cedex (92565), représentée par son représentant légal, par Me Elfassi, avocat au barreau de Paris ; la société Aérodis demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 09-2008, 09-2027 du 12 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande, d'une part, de M. et Mme C et, d'autre part, de l'association "Vent de Colère entre Monts et Marais" et autres, les deux arrêtés du 21 avril 2009 du préfet de la Manche lui accordant respectivement les permis de construire six éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Saint-Symphorien-le-Valois et huit éoliennes sur le territoire de la commune de Montgardon ;

2°) de mettre à la charge de chacun des intimés une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2012 :

- le rapport de M. Sudron, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;

- les observations de Me Cambus, substituant Me Elfassi, avocat de la société Aérodis ;

- et les observations de Me Meylan, avocat de l'association "Vent de Colère entre Monts et Marais", de M. B et de M. A ;

1. Considérant que la société Aérodis interjette appel du jugement du 12 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande, d'une part, de M. et Mme C et, d'autre part, de l'association "Vent de Colère entre Monts et Marais" et autres, les deux arrêtés du 21 avril 2009 du préfet de la Manche lui accordant les permis de construire respectivement six éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Saint-Symphorien-le-Valois et huit éoliennes sur le territoire de la commune de Montgardon ; que l'association "Vents de colère entre Monts et Marais" et autres demandent, par la voie de l'appel incident, l'annulation de l'article 4 du même jugement rejetant leur demande en ce qu'elle émane de M. A ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que si la société Aérodis soutient que la copie du jugement attaqué notifiée aux parties ne comporte pas l'intégralité des visas des mémoires, il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment de la minute dudit jugement, que celui-ci contient l'analyse des conclusions et des moyens de l'ensemble des mémoires produits devant le tribunal, conformément aux dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

Sur les fins de non recevoir opposées à la demande de première instance :

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'association "Vent de Colère entre Monts et Marais" a présenté conjointement avec M. A et M. B une demande tendant à l'annulation des permis de construire litigieux ; que M. A, qui réside à Montgardon dans une maison située à 1100 mètres des premières éoliennes, disposait ainsi, compte-tenu de la hauteur et de l'importance du projet, d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre ces permis ; qu'il en est de même de M. B qui justifie être propriétaire d'une maison d'habitation au lieu-dit ..., située à 600 mètres de l'éolienne la plus proche ; que si la société Aérodis oppose à la demande de l'association " Vent de Colère entre Monts et Marais " les dispositions de l'article L600-1-1 du code de l'urbanisme qui précisent qu'une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation des sols que si le dépôt de ses statuts en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire, il ressort des pièces du dossier qu'aucune attestation d'affichage n'a été produite s'agissant du permis relatif à l'implantation des huit éoliennes situées à Montgardon mais qu'en revanche le permis relatif aux six éoliennes implantées sur le territoire de la commune de St-Symphorien a été régulièrement affiché le 17 février 2006, avant la constitution de l'association ;que dans ces conditions la demande de cette dernière dirigée contre ce permis n'était pas recevable ;

Sur la légalité des arrêtés du 21 avril 2009 du préfet de la Manche :

4.Considérant qu'aux termes de l'article L. 553-2 du code de l'environnement : "I. - L'implantation d'une ou plusieurs installations produisant de l'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent dont la puissance installée totale sur un même site de production (...) excède 2,5 mégawatts, est subordonnée à la réalisation préalable : / a) De l'étude d'impact définie à la section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier du présent code ; / b) D'une enquête publique soumise aux prescriptions du chapitre III du titre II du livre Ier du présent code (...)" ; qu'aux termes de l'article L. 123-10 du même code : "Le rapport et les conclusions motivées du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête sont rendus publics (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 123-22 dudit code : "(...) Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête entend toute personne qu'il lui paraît utile de consulter ainsi que le maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande. Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération (...)" ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur, qui n'était pas tenu de répondre à chacune des observations qui lui avaient été soumises, a analysé l'ensemble des observations formulées lors de l'enquête en les classant par thèmes, dont celles émises par l'association "Vent de Colère entre Monts et Marais" ; que, s'il a indiqué que les éléments concernant l'impact éloigné du projet avaient été pris en compte lors de l'étude environnementale, que les organismes et collectivités territoriales consultés s'étaient prononcés favorablement au classement en Zone de Développement Eolien du site d'implantation des éoliennes et qu'il "fallait en prendre acte", il a toutefois émis, sans faire preuve de partialité, un avis personnel et motivé sur le projet conformément aux dispositions précitées des articles L. 123-10 et R. 123-22 du code de l'environnement ;

6. Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : "Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales" ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux consiste en l'implantation de deux groupes de sept éoliennes d'une hauteur de 80 mètres au moyeu et de 121 mètres en bout de pale, disposées en grappe, et espacées de 300 mètres, dans la cuvette géologique formée par les "cinq montagnes" du Cotentin qui constitue une unité paysagère caractéristique du bocage de la Manche centrale, caractérisée par la présence de haies bocagères et de prés, parsemée de bâtiments agricoles et de corps de ferme ; qu'il ressort des conclusions de l'architecte urbaniste de l'Etat, présentées lors de la réunion de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites du 29 novembre 2006 que, depuis la route traversant les deux groupes de machines, "le paysage existant sera très fortement modifié" et qu'entre 500 mètres et 5 kilomètres du projet deux points majeurs d'observation et une vue rémanente verront leur paysage environnant "considérablement modifié" ; qu'ainsi la vue sur le projet sera particulièrement marquée depuis le Mont de Doville, où se situent l'ancien corps de garde inscrit au titre des monuments historiques et la chapelle Saint-Martin, et où est aménagée une table d'orientation qui permet de découvrir, avec un panorama à 360 degrés, le littoral et les îles anglo-normandes ; que la vue sur les monts et le bocage sera "très fortement perturbée" depuis le village de Montgardon, plus précisément depuis l'église et le cimetière, d'où les éoliennes produisent un effet de gigantisme accentué ; que le projet modifie enfin profondément la vue de l'église de Surville depuis la route qui mène au havre du même nom, en raison de l'implantation du projet dans l'axe du clocher qui détermine l'échelle du paysage environnant ; que cette impression de gigantisme sera par ailleurs accentuée, depuis le village de La Haye-du-Puits, situé 35 mètres en contrebas ; que, dans ces conditions, et alors même que les arrêtés litigieux ont prévu la plantation de haies bocagères et la réalisation d'une étude environnementale des diverses plantations arborées 5 à 6 ans après les travaux, le préfet de la Manche, en délivrant les permis de construire litigieux, a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Aérodis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé les arrêtés préfectoraux contestés ;

Sur l'appel incident de l'Association Vent de Colère entre Monts et Marais et autres :

9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, M A disposait d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre les permis litigieux ; que par suite, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en tant que, par son article 4, il a rejeté comme irrecevable la demande de l'association Vent de Colère entre Monts et Marais et autres en ce qu'elle émanait de M A et doit être dans cette mesure annulé ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de M. et Mme C et de l'association "Vent de Colère entre Monts et Marais" et autres, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes que la société Aérodis demande au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en application de ces mêmes dispositions et dans les circonstances de l'espèce, de mettre, d'une part, à la charge de la société Aérodis le versement à M. et Mme C de la somme de 1 500 euros, et, d'autre part, à la charge conjointe de la société Aérodis et de l'Etat le versement de la somme globale de 1 500 euros, à l'association " Vent de Colère entre Monts et Marais ", à M. A et à M. B ;

DÉCIDE :

.

Article 1er : La requête de la société Aérodis est rejetée.

Article 2 : L'article 4 du jugement du 12 novembre 2010 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 3 : La société Aérodis versera à M. et Mme C une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La société Aérodis et l'Etat verseront conjointement une somme globale de 1 500 euros à l'association " Vent de Colère entre Monts et Marais ", à M. A et à M. B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Aérodis, à M. et Mme C, à l'association "Vent de Colère entre Monts et Marais", à M. Thierry B, à M. Alain A et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

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N° 11NT00100


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT00100
Date de la décision : 14/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Alain SUDRON
Rapporteur public ?: M. POUGET
Avocat(s) : ELFASSI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-12-14;11nt00100 ?
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