Vu la requête, enregistrée le 6 septembre 2011, présentée pour le département d'Ille-et-Vilaine, dont le siège est situé à l'Hôtel du Département 1, avenue de la Préfecture à Rennes Cedex (35042), représenté par son président, par Me Monflier, avocat au barreau de Montpellier ; le département d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 07-1915 du 15 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er mars 2007 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a fixé les modalités financières accompagnant le transfert de la compétence " transports scolaires " du département d'Ille-et-Vilaine à la communauté d'agglomération Vitré communauté à compter de la rentrée scolaire 2006-2007 et l'a condamné à verser à la communauté d'agglomération Vitré communauté la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
...................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 octobre 2012 :
- le rapport de M. Joecklé, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Martin, rapporteur public ;
- les observations de Me Monflier, avocat du département d'Ille-et-Vilaine ;
- et les observations de Me Collet, avocat de la communauté d'agglomération Vitré communauté ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 octobre 2012, présentée pour le département d'Ille-et-Vilaine ;
1. Considérant que la communauté d'agglomération Vitré communauté, créée le 1er janvier 2002, a succédé, à cette date, à la ville de Vitré pour l'organisation des transports urbains et est, à ce titre, compétente pour l'organisation des transports scolaires dans son périmètre de transports urbains ; que le département d'Ille-et-Vilaine demeure compétent pour l'organisation des transports scolaires hors du périmètre de transports urbains de la communauté d'agglomération ; que cette dernière n'ayant pas été matériellement en mesure d'organiser immédiatement les services de transports scolaires sur l'ensemble de son territoire, le département d'Ille-et-Vilaine a assuré la continuité du service jusqu'à la rentrée scolaire 2005-2006 ; que, dans l'attente d'un accord définitif sur le montant des ressources à transférer, la communauté d'agglomération Vitré communauté a conclu avec le département d'Ille-et-Vilaine, le 20 novembre 2006, une convention transitoire ; qu'en l'absence d'accord entre les parties sur l'évaluation du montant des dépenses effectuées par le département devant servir de base à la compensation financière du transfert, la communauté d'agglomération a saisi le préfet d'Ille-et-Vilaine d'une demande d'arbitrage en application du cinquième alinéa de l'article L. 213-11 du code de l'éducation dans sa rédaction alors applicable ; que, par un arrêté du 1er mars 2007, le préfet a fixé le montant de cette compensation financière à la somme de 2 001 044 euros ; que, par jugement du 15 juillet 2011, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande du département d'Ille-et-Vilaine tendant à l'annulation de cet arrêté et l'a condamné à verser à la communauté d'agglomération Vitré communauté la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que le département d'Ille-et-Vilaine relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que, lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision ; que, en dehors des hypothèses où il est tenu de rouvrir l'instruction à peine d'irrégularité de sa décision, c'est-à-dire de celles où cette note contient l'exposé soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou qu'il devrait relever d'office, le juge a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le département d'Ille-et-Vilaine a présenté, le 10 juin 2011, une note en délibéré ainsi qu'un mémoire distinct et motivé tendant à ce que le tribunal administratif de Rennes transmette au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 213-11 du code de l'éducation ; que ce mémoire, visé par les premiers juges sans être analysé, ne contenait l'exposé d'aucune circonstance de fait dont le requérant n'était en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pouvait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, ni d'aucune circonstance de droit nouvelle ou qu'il devait relever d'office ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y avait pas lieu, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction pour tenir compte de la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée et, par suite, de se prononcer sur la transmission au Conseil d'Etat de ladite question ; que, dans ces conditions, le tribunal administratif de Rennes n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en s'abstenant de surseoir à statuer dans l'attente d'une réponse expresse à la question prioritaire de constitutionnalité ;
4. Considérant qu'en écartant le moyen tiré de ce que le préfet d'Ille-et-Vilaine a " obéré les dispositions de l'article 72-2 de la Constitution (principe d'autonomie financière) et 72 alinéa 5 de la Constitution (principe d'indépendance des collectivités territoriales) en faisant reposer sur le département une charge injustifiée ", au motif qu'il n'était pas assorti de précisions suffisantes, le tribunal administratif de Rennes n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Considérant que, dans son dernier mémoire enregistré le 2 octobre 2012 au greffe, le département d'Ille-et-Vilaine a expressément abandonné les moyens tirés de l'absence de motivation de l'arrêté préfectoral du 1er mars 2007 et de l'erreur de droit qu'aurait commise les premiers juges en appliquant les dispositions de l'article L. 213-11 du code de l'éducation dans leur rédaction issue de la loi du 5 janvier 2006 ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 213-11 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue de l'article 28 de la loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 susvisée, applicable à la date de l'arrêté du 1er mars 2007 : " Les transports scolaires sont des services réguliers publics, au sens de l'article 29 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs. / Le département a la responsabilité de l'organisation et du fonctionnement de ces transports. (... ) / A l'intérieur des périmètres de transports urbains existant au 1er septembre 1984, cette responsabilité est exercée par l'autorité compétente pour l'organisation des transports urbains. / En cas de création ou de modification ultérieures d'un périmètre de transports urbains incluant le transport scolaire, une convention est passée entre l'autorité compétente pour l'organisation des transports urbains et le département. Cette convention fixe les conditions de financement des services de transports scolaires dans ce nouveau périmètre. / Un décret en Conseil d'Etat détermine les procédures d'arbitrage par le représentant de l'Etat dans le département en cas de litige. En ce qui concerne les modalités financières du transfert, l'arbitrage du représentant de l'Etat dans le département prend en compte le montant des dépenses effectuées par le département au titre des compétences transférées à l'autorité compétente pour l'organisation des transports urbains au cours de l'année scolaire précédant le transfert, de sorte que soit assurée la compensation intégrale des moyens nécessaires à l'exercice de la compétence transférée. (...) " ;
7. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'un périmètre de transports urbains est créé ou étendu postérieurement au 1er septembre 1984, le département est tenu de verser à l'autorité devenue compétente pour l'organisation des transports urbains en ses lieu et place, pour l'organisation et le fonctionnement des transports scolaires à l'intérieur du périmètre créé ou sur le territoire des communes incluses dans le périmètre étendu, une compensation financière au titre des charges transférées ; que lorsque, à défaut d'accord permettant la conclusion de la convention prévue par les dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 213-11 du code de l'éducation afin de déterminer les conditions de financement du service des transports scolaires à l'intérieur du nouveau périmètre de transports urbains, le préfet règle le différend, il lui appartient de prévoir la compensation intégrale des charges transférées, en se fondant sur le montant des dépenses exposées par le département, au titre de la compétence transférée, au cours de l'année scolaire précédant la prise en charge effective de la compétence par l'autorité organisatrice des transports urbains et en tenant compte, d'une part, des charges que le département continue de supporter pour la desserte du périmètre de transports urbains au titre de sa compétence en matière de transports scolaires interurbains, et, d'autre part, des économies qui découlent, à service constant et indépendamment de tout choix de gestion, de l'exercice de la compétence transférée par l'autorité organisatrice des transports urbains, eu égard notamment aux conditions de réglementation des transports publics de voyageurs à l'intérieur d'un périmètre de transports urbains ;
8. Considérant que le préfet d'Ille-et-Vilaine, saisi par la communauté d'agglomération Vitré communauté d'une demande d'arbitrage, a transmis le dossier au président de la chambre régionale des comptes de Bretagne ; que le conciliateur désigné par celui-ci, faute d'accord, a remis son rapport au préfet le 19 octobre 2006 ; qu'au vu notamment de ce rapport, cette autorité a fixé à la somme de 2 001 044 euros le montant des dépenses effectuées par le département d'Ille-et-Vilaine au titre de la compétence transférée à la communauté d'agglomération Vitré communauté à compter de la rentrée scolaire 2006-2007 et servant de base à la compensation financière du transfert ; qu'il est constant que cette somme correspond, pour un montant de 1 956 044 euros, aux dépenses nettes supportées par le département d'Ille-et-Vilaine au cours de l'année scolaire 2005-2006 pour transporter 3 374 élèves domiciliés et scolarisés dans le périmètre de transports urbains de Vitré communauté, sur les 4 701 élèves transitant par ledit périmètre que le département prenait en charge ; que, pour assurer la compensation intégrale des moyens nécessaires à l'exercice de la compétence transférée, cette somme a pu être majorée d'un montant de 45 000 euros au titre des frais de fonctionnement du service transféré ; qu'ainsi, en prenant en compte le montant des dépenses effectuées par le département d'Ille-et-Vilaine, au cours de l'année scolaire précédant le transfert effectif de compétence, au titre de la seule compétence transférée à la communauté d'agglomération Vitré communauté, à savoir le transport des élèves au sein du périmètre de transports urbains en cause, le préfet d'Ille-et-Vilaine s'est borné à appliquer les dispositions législatives précitées et n'a pas commis l'erreur de droit alléguée ;
9. Considérant que le département d'Ille-et-Vilaine soutient que l'arrêté contesté ne tient compte ni des dépenses qu'il continue de supporter pour la desserte du périmètre de transports urbains au titre de sa compétence en matière de transports scolaires interurbains, ni des moyens propres dont dispose la communauté d'agglomération Vitré communauté pour exercer sa compétence en matière de transport scolaire ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que, pour fixer le montant susmentionné des dépenses servant de base à la compensation financière, le préfet a tenu compte des charges conservées par le département, notamment pour le transport scolaire interurbain entrant ou sortant du périmètre de la communauté d'agglomération de Vitré ; que le département requérant n'établit pas que les charges qu'il a conservées auraient été effectivement sous-estimées, compte tenu de l'exigence de compensation intégrale du transfert de compétence résultant des dispositions précitées ; qu'en particulier, dès lors que le département d'Ille-et-Vilaine ne peut légalement imposer un choix de gestion à la communauté d'agglomération Vitré communauté, il ne peut utilement se prévaloir de la possibilité dont dispose ladite communauté de mettre en place le versement transport, de louer des espaces publicitaires et de recourir à l'utilisation de bus ; que, dans ces conditions, le préfet d'Ille-et-Vilaine ne peut être regardé comme ayant entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le département d'Ille-et-Vilaine n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté d'agglomération Vitré communauté, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par le département d'Ille-et-Vilaine et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du département d'Ille-et-Vilaine le versement à ladite communauté d'agglomération d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du département d'Ille-et-Vilaine est rejetée.
Article 2 : Le département d'Ille-et-Vilaine versera à la communauté d'agglomération Vitré communauté une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au département d'Ille-et-Vilaine, à la communauté d'agglomération Vitré communauté et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera, en outre, adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.
''
''
''
''
N° 11NT025082