Vu la requête, enregistrée le 13 mai 2011, présentée pour l'EARL Le Diouron, dont le siège social est " Landeillou " à Plévin (22340), par Me Le Blanc, avocat au barreau de
Saint-Brieuc ; l'EARL Le Diouron demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 08-1971, 08-3155 du 15 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté en date du 22 octobre 2007 du préfet des Côtes-d'Armor autorisant M. Z à exploiter 49ha 04a situés sur la commune de Plévin, auquel s'est substitué l'arrêté du 21 février 2008, d'autre part, la décision du 21 février 2008 de la même autorité lui refusant d'exploiter les mêmes terres, ensemble la décision du 22 juin 2008 portant rejet implicite de son recours gracieux ;
2°) d'annuler les décisions précitées du 21 février 2008 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Côtes-d'Armor de prendre une nouvelle décision sur les demandes d'autorisation d'exploiter dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens et la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu le schéma directeur des structures agricoles des Côtes-d'Armor arrêté le 21 mars 2007 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2012 :
- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;
- et les observations de Me Subilotte, avocat de l'EARL Le Diouron ;
1. Considérant que par un arrêté du 22 octobre 2007, auquel s'est substitué un arrêté du 21 février 2008, le préfet des Côtes-d'Armor a autorisé M. Z à exploiter une surface de
49 hectares 4 ares de terres situées sur le territoire de la commune de Plévin précédemment mises en valeur en qualité de locataire par sa mère Mme Annie Z ; que, le 31 octobre 2007, l'EARL Le Diouron avait présenté une demande concurrente en vue de l'exploitation d'une partie des terres en cause pour une superficie de 30 hectares 95 ares ; que, par une décision également prise le 21 février 2008, le préfet des Côtes-d'Armor a refusé à cette entreprise l'autorisation d'exploiter sollicitée aux motifs du caractère prioritaire de la demande présentée par M. Z, destinée à permettre une installation de jeune agriculteur, alors que la demande présentée par l'EARL Le Diouron relevait d'un simple agrandissement ; que l'EARL relève appel du jugement du 15 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, des arrêtés des 22 octobre 2007 et 21 février 2008, d'autre part, de la décision du 21 février 2008, ensemble la décision du 22 juin 2008 portant rejet implicite de son recours gracieux ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées par M. Z et le ministre de l'agriculture et de l'agroalimentaire ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-1 du code rural, devenu code rural et de la pêche maritime : " L'objectif prioritaire du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive. " ; que selon l'article L. 331-2 du même code : " Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures. Ce seuil est compris entre une et deux fois l'unité de référence définie à l'article L. 312-5. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 331-3 du code précité : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; (...) L'autorisation peut n'être délivrée que pour une partie de la demande, notamment si certaines des parcelles sur lesquelles elle porte font l'objet d'autres candidatures prioritaires. Elle peut également être conditionnelle ou temporaire. " ; que l'article 3A-I du schéma directeur des structures agricoles des Côtes-d'Armor prévoit pour les biens disponibles constituant une exploitation viable comprenant soit " * des bâtiments ou installations spécialisées * des terres et (ou) des bâtiments et (ou) installations spécialisés à reprendre en l'état ou après aménagement * des terres sans bâtiment disponible mais avec possibilité d'en créer. Dans ces cas, l'ordre de priorité est le suivant : a) Installation en l'état d'un ou plusieurs jeunes agriculteurs à titre individuel ou en société. Les jeunes agriculteurs s'installant avec les aides prévues à l'article R. 343-3 du Code Rural sont prioritaires par rapport à ceux s'installant sans les aides b) Réinstallation d'un agriculteur exproprié ou évincé c) Installation individuelle ou en société d'un ou plusieurs jeunes agriculteurs par regroupement de l'exploitation ainsi apportée avec celle des parents ou du conjoint ou d'un tiers, dans la limite de cinq kilomètres. d) L'agrandissement d'une ou plusieurs exploitations pour favoriser en priorité celles dont les dimensions sont les plus modestes au regard des critères fixés à l'article 2 du présent arrêté " ; que l'article 3A-II du schéma directeur des structures agricoles des Côtes-d'Armor prévoit pour les biens disponibles ne constituant pas une exploitation viable : " 1°) Les biens comprennent des terres et (ou) des bâtiments et (ou) des installations : Dans ce cas l'ordre de priorité est le suivant : a) Installation d'un agriculteur disposant, immédiatement ou à court terme, d'une possibilité de regroupement d'exploitation ou d'un agrandissement suffisant, pour obtenir ainsi une exploitation ayant des dimensions économiques suffisantes par rapport à l'exploitation de référence décrite à l'article 2, ou installation progressive d'un agriculteur qui pourra conforter son projet à moyen terme pour tendre vers l'exploitation de référence. Les jeunes agriculteurs s'installant avec les aides prévues à l'article R. 343-3 du code rural sont prioritaires par rapport à ceux s'installant sans les aides. b) L'agrandissement d'une ou plusieurs exploitations pour favoriser, en priorité celles dont les dimensions sont les plus modestes au regard des critères fixés à l'article 2 du présent arrêté ; 2°) Les biens ne comprennent que des terres : " a) contribution à l'installation d'un agriculteur proposant la mise en oeuvre d'un système de production susceptible de déboucher sur une exploitation viable. Les jeunes agriculteurs s'installant avec les aides prévues à l'article R. 343-3 du code rural sont prioritaires par rapport à ceux s'installant sans les aides. b) conforter l'installation d'un agriculteur s'installant à court terme ou déjà installé depuis moins de 5 ans sur une exploitation dont la dimension économique est inférieure à l'exploitation de référence définie à l'article 2.(...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que, pour réaliser son projet de développer une activité d'élevage de vaches allaitantes limousines, M. Z a, d'une part, acquis les bâtiments et 29 ha 70 de terres dont M. Y était propriétaire pour une entrée en jouissance au 21 mars 2008 et, d'autre part, pris en location le surplus des terres que celui-ci exploitait en qualité de locataire ; qu'il a par ailleurs repris, par le biais d'une cession de bail prenant effet au 1er mai 2008, 49 ha 04 de terres sans référence laitière que sa mère, Mme Annie Z exploitait jusqu'alors en qualité de locataire ; qu'il a également repris le cheptel et les stocks qui appartenaient à M. Y ; que, par un arrêté du 3 avril 2007, le préfet des Côtes-d'Armor a autorisé M. Z à exploiter les terres précédemment mises en valeur par
M. Y ; qu'il a ensuite accordé à l'intéressé, par un arrêté du 22 octobre 2007, l'autorisation d'exploiter les 49 ha 04 de terres précédemment mises en valeur par Mme Z, autorisation confirmée par l'arrêté contesté du 21 février 2008 ;
4. Considérant, d'une part, que le préfet des Côtes-d'Armor n'a, contrairement à ce que soutient l'EARL requérante, nullement estimé dans les arrêtés contestés que les biens objet des demandes concurrentes présentées par elle et par M. Z constituaient déjà des unités de production viables au sens de l'article 3A I du schéma directeur des structures agricoles des Côtes-d'Armor, mais s'est borné à vérifier, pour appliquer l'ordre de priorité fixé par les dispositions précitées de l'article 3A-II-2°de ce schéma directeur, que le système de production envisagé dans le projet de M. Z était susceptible de déboucher pour l'avenir sur une exploitation viable ; qu'ainsi il ne peut être reproché à cette autorité de ne pas s'être placée, alors surtout qu'aucun des éléments du dossier ne permet d'affirmer que l'exploitation de M. Z était viable en l'état, sur le terrain des dispositions de l'article 3A I précité ;
5. Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les parcelles objet de l'autorisation accordée à M. Z le 21 février 2008, représentant une surface de
49 hectares 4 ares précédemment mise en valeur par sa mère en qualité de locataire, comporteraient également des bâtiments, de sorte que le préfet des Côtes-d'Armor aurait dû faire application du 1°) et non du 2°) de l'article 3A-II du schéma directeur des structures agricoles des Côtes-d'Armor pour en déduire que l'EARL Le Diouron était en réalité prioritaire pour obtenir l'autorisation d'exploiter ; que si M. Z a indiqué dans ses écritures que " l'exploitation disposait d'une salle de traite et d'une stabulation ", cette précision se référait, ainsi qu'il a été décrit plus haut, à l'acquisition des bâtiments de M. Y nécessaires à la viabilité du projet soumis à autorisation ; que, par suite, le moyen tiré par l'EARL requérante de l'inexacte application par le préfet des dispositions du schéma directeur des structures agricoles ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant, enfin, qu'il n'est établi par aucun élément du dossier, et notamment pas les clichés et constats d'huissier produits par la requérante, qu'à la date du 21 février 2008 des deux décisions contestées M. Z aurait, comme le soutient l'EARL le Diouron, constitué avec sa mère une société de fait regroupant les moyens de production de l'un et de l'autre en une seule exploitation, de sorte que sa demande d'autorisation d'exploiter n'aurait pu s'inscrire dans le cadre d'un projet d'installation en qualité de jeune agriculteur visant à constituer une exploitation viable ; qu'ainsi, et en définitive, la demande présentée par M. Z relevait du premier rang de priorité défini par les dispositions précitées du a) de l'article 3A-II-2° du schéma directeur des Côtes-d'Armor alors que la demande de l'EARL Le Diouron, qui avait débuté son activité au mois de janvier 2007, Mlle A s'étant vue reconnaître, ainsi qu'elle l'indique elle-même, la qualité de jeune agriculteur par une décision préfectorale du 28 décembre 2006, avait pour objet d'agrandir une exploitation existante et relevait du deuxième rang de priorité énoncé au b) de l'article 3-A-II- 2° précité ; que, par suite le préfet des Côtes-d'Armor, en accordant à M. Z l'autorisation d'exploiter contestée et en rejetant la demande présentée par l'EARL Le Diouron, n'a pas fait une inexacte application des dispositions rappelées ci-dessus ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EARL Le Diouron n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet des Côtes-d'Armor, sous astreinte, de prendre une nouvelle décision sur les demandes d'autorisation d'exploiter qu'elle a présentées ne peuvent qu'être rejetées, de même que ses conclusions tendant à ce que les dépens, constitués des frais de constats d'huissier missionnés par elle, soient mis à la charge de l'Etat ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande l'EARL Le Diouron au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EARL Le Diouron le versement à M. Z de la somme de 1 000 euros et à l'Etat de la somme de 1 320 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EARL Le Diouron est rejetée.
Article 2 : L'EARL Le Diouron versera à M. Z la somme de 1 000 euros et à l'Etat la somme de 1 320 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL Le Diouron, à M. Gilles Z et au ministre de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
Copie sera adressée au préfet des Côtes-d'Armor.
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N° 11NT01402 2
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