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26/07/2012 | FRANCE | N°12NT00241

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 26 juillet 2012, 12NT00241


Vu la requête, enregistrée le 2 février 2012, présentée pour M. Adjani X, demeurant ..., par Me Cheriff, avocat au barreau de Nantes ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1107598 et 1108613 en date du 23 décembre 2011 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté, d'une part, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 juin 2011 du préfet de la Loire-Atlantique portant rejet de sa demande d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile et, d'autre part, le surplus de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 août 201

1 du préfet de la Loire-Atlantique lui refusant la délivrance d'un titr...

Vu la requête, enregistrée le 2 février 2012, présentée pour M. Adjani X, demeurant ..., par Me Cheriff, avocat au barreau de Nantes ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1107598 et 1108613 en date du 23 décembre 2011 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté, d'une part, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 juin 2011 du préfet de la Loire-Atlantique portant rejet de sa demande d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile et, d'autre part, le surplus de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 août 2011 du préfet de la Loire-Atlantique lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de renvoi et l'informant de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

2°) d'annuler lesdits arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me Cheriff, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;

Vu la directive n° 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2012 :

- le rapport de Mme Coiffet, premier conseiller,

- et les observations de Me Poulard, substituant Me Cheriff, avocat de M. X ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est admis à séjourner en France en application des dispositions du chapitre Ier du présent titre, l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'office ne peut être saisi qu'après la remise de ce document au demandeur. Après le dépôt de sa demande d'asile, le demandeur se voit délivrer un nouveau document provisoire de séjour. Ce document est renouvelé jusqu'à ce que l'office statue et, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile, jusqu'à ce que la cour statue " ; qu'aux termes de l'article R. 742-1 du même code : " Dans un délai de quinze jours après qu'il a satisfait aux obligations prévues à l'article R. 741-2, l'étranger est mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour portant la mention " en vue de démarches auprès de l'OFPRA ", d'une validité d'un mois, pour autant qu'il ne soit pas fait application du 1° au 4° de l'article L. 741-4 sans préjudice des dispositions du premier alinéa de l'article L. 742-6 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 741-4, alors applicable, dudit code : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 dudit code : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Le I de l'article L. 511-1 est alors applicable " ; qu'aux termes de l'article 18-1 du règlement (CE) susvisé du 11 décembre 2000 concernant la création du système "Eurodac" pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin : " Toute personne visée par le présent règlement est informée par l'Etat membre d'origine : a) de l'identité du responsable du traitement et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle les données vont être traitées par Eurodac ; c) des destinataires des données ; d) dans le cas des personnes visées à l'article 4 [demandeurs d'asile] ou à l'article 8, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de l'existence d'un droit d'accès aux données la concernant et d'un droit de rectification de ces données. / Dans le cas de personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, les informations visées au premier alinéa sont fournies au moment où les empreintes digitales sont relevées. " ; et qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 10 de la directive du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié : " En ce qui concerne les procédures prévues au chapitre III, les Etats membres veillent à ce que tous les demandeurs d'asile bénéficient des garanties suivantes : / a) ils sont informés, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu'ils la comprennent, de la procédure à suivre et de leurs droits et obligations au cours de la procédure ainsi que des conséquences que pourrait avoir le non-respect de leurs obligations ou le refus de coopérer avec les autorités. Ils sont informés du calendrier, ainsi que des moyens dont ils disposent pour remplir leur obligation de présenter les éléments visés à l'article 4 de la directive 2004/83/CE. Ces informations leur sont communiquées à temps pour leur permettre d'exercer les droits garantis par la présente directive et de se conformer aux obligations décrites à l'article 11 ; (...) " ;

Considérant que M. X, ressortissant congolais, est entré irrégulièrement en France le 11 février 2011 ; que, le 30 mars 2011, il a sollicité auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile ; qu'il soutient que les informations prévues aux articles 18 du règlement du 11 décembre 2000 et 10 de la directive du 1er décembre 2005 n'ont pas été portées à sa connaissance dans une langue qu'il était susceptible de comprendre en méconnaissance de ces dispositions et qu'il n'a pu ainsi bénéficier des garanties instituées auxdits articles ; qu'il ressort des pièces du dossier que si le formulaire de demande d'admission au séjour au titre de l'asile renseigné et signé par M. X comporte au verso de la dernière page une notice d'information rédigée notamment en français, langue officielle de la République démocratique du Congo, concernant les règlements communautaires n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 et n° 343/2003 du 18 février 2003, il ne fait pas état des garanties décrites à l'article 10 de la directive du 1er décembre 2005 ; que la circonstance alléguée par le préfet de la Loire-Atlantique, à la supposer établie, que M. X aurait, dans ses diverses démarches, été assisté par l'association chargée d'assurer l'accueil, l'information et l'orientation des demandeurs d'asile (AIDA), ne suffit pas à elle seule à établir que l'intéressé se serait vu délivrer les informations prévues par les dispositions précitées de l'article 10 de la directive du 1er décembre 2005 ; que, dans ces conditions, M. X est fondé à soutenir que l'arrêté contesté du 8 juin 2011 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile a été pris au terme d'une procédure irrégulière, et par suite, à en demander l'annulation ; qu'il s'ensuit que le préfet ne pouvait, ainsi qu'il l'a fait, prendre à l'encontre de M. X un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français à destination de la République démocratique du Congo avant que la Cour nationale du droit d'asile ne se soit prononcée sur le recours dont l'intéressé l'avait saisi le 10 août 2011 à l'encontre de la décision du 26 juillet 2011 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui refusant la qualité de réfugié ; que, par suite, M. X est également fondé à soutenir que l'arrêté contesté du 5 août 2011 est entaché d'une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'une part, de l'arrêté du 8 juin 2011 du préfet de la Loire-Atlantique portant rejet de sa demande d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile et, d'autre part, de l'arrêté du 5 août 2011 du préfet de la Loire-Atlantique lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de renvoi et l'informant de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ; que, par voie de conséquence, les conclusions incidentes du préfet de la Loire-Atlantique tendant à l'annulation dudit jugement en tant qu'il a annulé son arrêté du 5 août 2011 en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, cette mesure assortie, le cas échéant, d 'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. - L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 96 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990. Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 511-3 du même code : " L'interdiction de retour sur le territoire français prononcée en application du troisième alinéa du III de l'article L. 511-1 est notifiée par voie administrative. Il en est de même de la décision de prolongation d'une interdiction de retour prévue au sixième alinéa du même III. / Les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour prise en application du III de l'article L. 511-1 sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010, aux cas d'extinction du motif d'inscription au fichier des personnes recherchées " ; qu'aux termes de l'article 7 du décret du 28 mai 2010 : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le fichier sont effacées sans délai en cas d'aboutissement de la recherche ou d'extinction du motif de l'inscription. Les données enregistrées au titre du 5° du IV de l'article 2 sont effacées, au plus tard, trois ans après la date à laquelle l'obligation de quitter le territoire français a été signée. / La mise à jour des données enregistrées est réalisée, à l'initiative de l'autorité ayant demandé l'inscription au fichier, par les services ayant procédé à l'enregistrement des données en application des dispositions de l'article 4. Des vérifications périodiques sont mises en oeuvre afin de garantir la fiabilité des données " ;

Considérant que l'exécution du présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de procéder à un nouvel examen de la situation de M. X dans le délai d'un mois à compter de la notification dudit arrêt et de prendre toute mesure utile afin qu'il soit procédé à l'effacement du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dont l'intéressé a fait l'objet ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le préfet de la Loire-Atlantique demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, M. X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Cheriff, avocat de M. X, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat de la somme de 1 200 euros ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement nos 1107598 et 1108613 du 23 décembre 2011 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a rejeté, d'une part, la demande de M. X tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 juin 2011 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile et, d'autre part, le surplus de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 août 2011 du même préfet portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.

Article 2 : Les décisions ci-dessus mentionnées du 8 juin 2011 et du 5 août 2011 du préfet de la Loire-Atlantique sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de procéder à un nouvel examen de la situation de M. X dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de prendre toute mesure utile afin qu'il soit procédé à l'effacement du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dont l'intéressé a fait l'objet.

Article 4 : L'Etat versera à Me Cheriff, avocat de M. X, la somme de 1 200 euros (mille deux cents euros) en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 6 : Les conclusions en appel incident et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative du préfet de la Loire-Atlantique sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. Adjani X et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

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N° 12NT002412


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12NT00241
Date de la décision : 26/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CHRISTIEN
Rapporteur ?: Mme Valérie COIFFET
Rapporteur public ?: Mme SPECHT
Avocat(s) : CHERIFF

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-07-26;12nt00241 ?
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