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20/07/2012 | FRANCE | N°11NT00788

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 20 juillet 2012, 11NT00788


Vu la requête enregistrée le 9 mars 2011, présentée pour Mme Marie-Pierre X Y, dont le siège est ..., par Me Affane, avocat au barreau de Paris; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 07-3939 du 31 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à ce que la communauté urbaine de Nantes Métropole soit condamnée à lui verser la somme de 1 615 euros au titre des frais engagés pour la présentation de son offre et 80 000 euros au titre du manque à gagner né de son éviction illégale d'un marché d'assistance et de c

onseil juridique ;

2°) de condamner la dite communauté urbaine à lui verse...

Vu la requête enregistrée le 9 mars 2011, présentée pour Mme Marie-Pierre X Y, dont le siège est ..., par Me Affane, avocat au barreau de Paris; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 07-3939 du 31 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à ce que la communauté urbaine de Nantes Métropole soit condamnée à lui verser la somme de 1 615 euros au titre des frais engagés pour la présentation de son offre et 80 000 euros au titre du manque à gagner né de son éviction illégale d'un marché d'assistance et de conseil juridique ;

2°) de condamner la dite communauté urbaine à lui verser ladite somme de 80 000 euros au titre de l'indemnisation de son manque à gagner, subsidiairement que cette somme soit substituée aux sommes perçues par l'attributaire du marché, à titre infiniment subsidiaire que lui soit allouée la somme de 1 600 euros au titre des frais engagés pour la constitution du dossier d'offre ;

3°) de mettre à la charge de cette communauté urbaine, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 4 000 euros au titre de la procédure d'appel, de 1 500 euros au titre de la procédure de première instance et de condamner le dit établissement public intercommunal à lui rembourser la somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes frais mis à sa charge par les premiers juges ;

.................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services ;

Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 2012 :

- le rapport de M. Villain, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Martin, rapporteur public ;

- et les observations de Me Gourdain, substituant Me Marchand, avocat de la communauté urbaine Nantes Métropole ;

Considérant que par un avis publié le 12 avril 2006, la communauté urbaine de Nantes Métropole a, sur le fondement des dispositions de l'article 30 du code des marchés publics alors applicable, lancé un appel d'offres en vue de la passation d'un marché ayant pour objet des prestations d'assistance et de conseil juridique, comportant 8 lots ; que la candidature de Mme X Y a été retenue pour le lot n° 6 relatif au droit de la fonction publique ; que, toutefois, après analyse des offres, ce lot a été attribué à deux cabinets concurrents le 13 mars 2007 ; que Mme X relève appel du jugement du 31 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté urbaine de Nantes Métropole à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de son éviction illégale de ce marché d'assistance et de conseil juridique ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de la minute du jugement attaqué, jointe au dossier de première instance, que celui-ci a été régulièrement signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur, et le greffier ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en indiquant que " le fait de répondre à un avis d'appel à la concurrence par la passation d'un marché ne méconnait pas le principe de la libre négociation des honoraires des avocats posé par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ", les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement sur le moyen tiré de l'incompatibilité entre la notion de marché public et le principe de la liberté de fixation des honoraires des avocats ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la requérante a obtenu communication de toutes les pièces qu'elle a demandées en première instance ; qu'elle n'a pas demandé la production du tableau d'analyse des offres ; qu'ainsi, en s'abstenant de demander communication de l'intégralité des pièces dudit marché, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de motiver l'usage qu'ils faisaient de leur pouvoir d'instruction, n'ont méconnu ni les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni le principe du contradictoire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que contrairement à ce que soutient la requérante, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ;

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce marché, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; que, dans le cas où l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché, elle a droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner qu'elle a subi ;

Considérant qu'aux termes de l'article 76 du code des marchés publics dans sa rédaction alors en vigueur : " Dès qu'elle a fait son choix sur les candidatures ou sur les offres, la personne publique avise tous les autres candidats du rejet de leurs candidatures ou de leurs offres. Un délai d'au moins dix jours doit être respecté entre la date à laquelle la décision est notifiée aux candidats dont l'offre n'a pas été retenue et la date de signature du marché.(...) " ; que l'article 77 du même code dispose : " La personne responsable du marché communique, dans un délai de quinze jours à compter de la réception d' une demande écrite, à tout candidat écarté les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre et, à tout candidat dont l'offre n'a pas été rejetée en application du I de l'article 53, les caractéristiques et les avantages relatifs à l'offre retenue ainsi que le montant du marché attribué et le nom de l'attributaire " ; qu'aux termes de l'article 28 du code des marchés publics dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I - Les marchés passés selon la procédure adaptée sont des marchés passés selon des modalités de publicité et de mise en concurrence déterminées par la personne responsable du marché en fonction de leur objet et de leurs caractéristiques. - Ces marchés sont soumis aux seules règles prévues par le titre Ier, le titre II, à l'exception du chapitre 5, les I, II, III, IV, VI et VII de l'article 40 et l'article 79 du présent titre ainsi que les titres IV à VI (...) II - Pour les marchés de fournitures et de services, les seuils en dessous desquels la procédure adaptée est possible sont de 150 000 euros HT pour l'Etat et de 230 000 euros HT pour les collectivités territoriales " ; que l'article 30 du même code dispose : " I - Les marchés publics de service, dont le montant estimé est égal ou supérieur à 4 000 euros HT, qui ont pour objet des prestations de service qui ne sont pas mentionnées à l'article 29 peuvent être passés selon une procédure adaptée librement définie par la personne responsable du marché dans les conditions prévues par le présent article. (...) Lorsque la procédure définie au présent article est mise en oeuvre, les dispositions de l'article 6 ne sont applicables qu'aux marchés dont le montant est égal ou supérieur à 230 000 euros HT et la personne publique n'est pas tenue d'appliquer les dispositions du chapitre V du titre II et des chapitres III à VI du titre III. Toutefois, les articles 43 à 45 et 51, ainsi que, pour les marchés d'un montant égal ou supérieur à 230 000 euros HT, les articles 76, 78 et 80 sont applicables " ; qu'il résulte de ces dispositions que les articles 76 et 77 précités du code des marchés publics, alors en vigueur, ne sont pas applicables aux marchés publics de services passés selon la procédure adaptée prévue à l'article 30 dudit code, ayant pour objet des prestations d'assistance juridique, lesquelles ne sont pas mentionnées à l'article 29 de ce code, lorsque le montant du marché est inférieur à 230 000 euros HT ; que le pouvoir adjudicateur n'était donc pas tenu de notifier à Mme X le rejet de son offre ; que cette absence de notification, contrairement à ce que soutient l'appelante, n'a pas eu pour effet de la priver d'un recours effectif devant le juge du contrat ;

Considérant que les marchés passés en application du code des marchés publics sont soumis, en vertu du II de l'article 1er dudit code, aux principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ; que si Mme X soutient que le principe de transparence prévu par les dispositions sus rappelées a été méconnu dès lors que le pouvoir adjudicateur ne lui pas communiqué les motifs du rejet de son offre, il est constant que la requérante n'a formulé aucune demande en ce sens auprès de la personne responsable du marché ; que sa demande indemnitaire ne peut être assimilée à une telle demande de communication ; que, dans ces conditions, Mme X ne saurait, en tout état de cause, soutenir que l'un des principes posés à l'article 1er du code des marchés publics aurait été méconnu ;

Considérant que si la requérante soutient que la communauté urbaine Nantes Métropole aurait choisi les attributaires du marché hors du délai de validité des offres, elle n'établit pas la réalité de cette allégation ;

Considérant que Mme X n'est pas fondée à soutenir que la définition préalable du prix des prestations méconnaîtrait le principe de libre fixation des honoraires des avocats prévu par l'article 10 de la loi susvisée du 31 décembre 1971 et la directive 2004-18/CE dès lors que les stipulations du cahier des clauses administratives particulières des marchés litigieux instituent des modalités de présentation et d'acceptation de devis permettant aux parties de définir le montant de la commande en fonction de la nature et de la difficulté de chaque affaire ;

Considérant que le règlement de la consultation mentionnait deux critères classés par ordre décroissant pour le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse : la valeur technique de l'offre et le prix ; que le critère de la valeur technique s'appréciait au regard d'une part de l'adéquation des compétences du candidat au domaine juridique concerné et d'autre part de la méthode de travail proposée ; que Mme X soutient que la communauté urbaine de Nantes Métropole aurait fait usage d'un sous-critère illégal, car non mentionné dans le document de la consultation, relatif à la taille du cabinet ; que toutefois le pouvoir adjudicateur en attribuant la meilleure note de valeur technique aux cabinets qui ont exposé avec le plus de détails leur méthode de travail et qui ont prévu d'affecter un plus grand nombre de collaborateurs disposant de qualifications professionnelles en adéquation avec ses besoins, n'a pas eu recours à un sous-critère illégal pour l'attribution du marché, mais s'est borné à faire application des éléments d'appréciation qu'il s'était fixé dans le règlement de la consultation ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que si Mme X était classée en tête sur le critère du prix, celle-ci arrivait en dernière position sur le critère de la valeur technique, lequel était prédominant ; que la note technique de Mme X décrivait avec moins de précisions la méthodologie qu'elle emploierait et le nombre de collaborateurs qu'elle pouvait mobiliser pour satisfaire aux prestations du marché était inférieur à celui de ses concurrents ; que dès lors, la communauté urbaine de Nantes Métropole a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, rejeter l'offre présentée par Mme X, alors même que cette dernière était la moins-disante ;

Considérant que Mme X, n'ayant pas été illégalement évincée de ce marché de prestations juridiques de la communauté urbaine de Nantes Métropole, elle ne saurait donc être indemnisée ni de la perte de son manque à gagner, ni des frais de présentation de ses offres ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes demandées par Mme X au titre des frais exposés, tant en première instance qu'en appel, et non compris dans les dépens, soient mises à la charge de la communauté urbaine de Nantes Métropole, qui n'a pas la qualité de partie perdante ; que, pour les mêmes raisons, elle ne peut prétendre, d'autre part, au remboursement des sommes qu'elle a été condamnée à verser à la communauté urbaine de Nantes Métropole en première instance sur ce même fondement ; qu'enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme X Y le versement à la communauté urbaine de Nantes Métropole de la somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

Article 2 : Mme X Y versera la somme de 1 500 euros à la communauté urbaine de Nantes Métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marie-Pierre X Y et à la communauté urbaine de Nantes Métropole.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT00788
Date de la décision : 20/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MILLET
Rapporteur ?: M. Jean-Francis VILLAIN
Rapporteur public ?: M. MARTIN
Avocat(s) : AFFANE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-07-20;11nt00788 ?
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