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13/07/2012 | FRANCE | N°10NT01780

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 13 juillet 2012, 10NT01780


Vu la requête, enregistrée le 5 août 2010, présentée pour M. et Mme Mirko X demeurant ..., représentée Me Fabre, avocat au barreau de Toulon ; M. et Mme X demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0804095 - 0804132 du 10 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 26 mai 2008 par laquelle le maire de Port-Louis a délivré à M. et Mme Y un permis tacite de démolir des bâtiments sur un terrain cadastré section AE nos 249, 250, 255 et 257 entre la ... et la ... sur le territoire de la co

mmune de Port-Louis ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décisio...

Vu la requête, enregistrée le 5 août 2010, présentée pour M. et Mme Mirko X demeurant ..., représentée Me Fabre, avocat au barreau de Toulon ; M. et Mme X demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0804095 - 0804132 du 10 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 26 mai 2008 par laquelle le maire de Port-Louis a délivré à M. et Mme Y un permis tacite de démolir des bâtiments sur un terrain cadastré section AE nos 249, 250, 255 et 257 entre la ... et la ... sur le territoire de la commune de Port-Louis ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 26 mai 2008 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Port-Louis une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du patrimoine ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu l'arrêté du 23 août 2006 par lequel le préfet du Morbihan a approuvé la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager de la commune de Port-Louis ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2012 :

- le rapport de Mme Grenier, premier conseiller,

- les conclusions de M. d'Izarn de Villefort, rapporteur public ;

- et les observations de Me Allaire, substituant M. Valadou, avocat de la commune de Port-Louis ;

Considérant que M. et Mme Y ont déposé, le 26 février 2008, une demande de permis de démolir des bâtiments annexes, deux garages et des murs sur un terrain cadastré section AE nos 249, 250, 255 et 257 d'une superficie de 3 362 m², situé au ... sur le territoire de la commune de Port-Louis ; qu'ils ont obtenu un permis de démolir tacite à compter du 26 mai 2008 ; que M. et Mme X, voisins du terrain d'assiette du projet litigieux, relèvent appel du jugement du 10 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Port-Louis :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge (...) " ;

Considérant que M. et Mme X ont présenté, dans le délai de recours, un mémoire d'appel devant la cour qui tend à l'annulation du jugement du 10 juin 2010 du tribunal administratif de Rennes et ne se borne pas à reproduire la demande formulée devant les juges de première instance ; qu'ainsi, la motivation de leur requête répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 précité ; que, par suite, la requête présentée par M. et Mme X est recevable ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : / (...) b) Permis de construire, permis d'aménager ou permis de démolir tacite " ; que par exception à cette règle, l'article R. 424-3 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, énonce que : " Par exception au b de l'article R. 424-1, le défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction vaut décision implicite de rejet lorsque la décision est soumise à l'accord de l'architecte des Bâtiments de France et que celui-ci a notifié, dans le délai mentionné à l'article R. 423-67, un avis défavorable ou un avis favorable assorti de prescriptions. " ; que l'article R. 423-24 du même code, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " Le délai d'instruction de droit commun prévu par l'article R. 423-23 est majoré d'un mois lorsque le projet est (...) situé dans un secteur sauvegardé dont le périmètre a été délimité " ; qu'il ressort des pièces du dossier, que l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le 26 mars 2008, au projet litigieux, situé dans le périmètre de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager de la commune de Port-Louis délimitée par un arrêté du 23 août 2006 du préfet du Morbihan ; que cet accord n'était assorti d'aucune prescription ; qu'il suit de là, que M. et Mme Y, qui ont déposé leur demande de permis de démolir le 26 février 2008, étaient titulaires d'un permis de démolir tacite le 26 mai 2008 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu de l'article R. 451-2 du code de l'urbanisme, le dossier joint à la demande de permis de démolir comprend : " (...) a) Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l'intérieur de la commune ; / b) Un plan de masse des constructions à démolir ou, s'il y a lieu, à conserver ; / c) Un document photographique faisant apparaître le ou les bâtiments dont la démolition est envisagée et leur insertion dans les lieux environnants. " ; qu'aux termes de l'article R. 451-4 du même code : " Lorsque le bâtiment est adossé à un immeuble classé au titre des monuments historiques, le dossier joint à la demande comprend en outre : / ( ...) b) La description des moyens mis en oeuvre dans la démolition pour éviter toute atteinte à l'immeuble classé. " ; qu'il ressort des pièces du dossier, que le dossier de demande de permis de démolir comportait l'ensemble des pièces requises par les dispositions précitées de l'article R. 451-2 du code de l'urbanisme ; qu'il est constant que les bâtiments dont la démolition est projetée n'étant pas adossés à un immeuble classé au titre des monuments historiques, les pièces prévues par le b) de l'article R. 451-4 précité n'avaient pas à être jointes au dossier ; que si le formulaire de demande de permis de démolir indiquait que le terrain était situé au ..., sans mentionner la ..., il renseignait avec précision les parcelles cadastrales permettant ainsi à l'autorité administrative d'avoir une connaissance précise du terrain d'assiette objet de la demande ; que le plan de masse joint à cette demande décrivait les constructions à démolir et celles qui seraient préservées ; que compte tenu de l'ensemble des éléments figurant au dossier, la seule circonstance, à la supposer établie, que deux des photographies jointes au dossier ne correspondraient pas à leur numérotation reportée sur le plan de masse et que la photographie de l'un des garages à démolir ne permettrait pas de l'identifier sans ambiguïté n'a pas été, en l'espèce, de nature à fausser l'appréciation de l'autorité administrative, s'agissant notamment de l'intérêt architectural du mur situé au droit de la ... dont la démolition était sollicitée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il est constant que le certificat de permis de démolir tacite accordé par le maire le 16 juillet 2008 mentionne qu'il consiste en la " démolition de bâtiments anciens pour construction de logements " au " ... - ... " ; qu'ainsi, la circonstance que les pétitionnaires ont indiqué que leur demande portait sur la " réhabilitation d'une maison d'habitation " sur un terrain situé au ..., n'a pas été de nature à induire l'autorité administrative en erreur quant à l'adresse et à l'objet de la demande de permis de démolir, dès lors que ces indications ont permis au service instructeur de la commune d'avoir une parfaite connaissance du projet des pétitionnaires consistant en la construction de logements et que les requérants étaient tenus de ne mentionner que les travaux portant sur les constructions existantes dans leur demande de permis de démolir ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 642-3 du code du patrimoine, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les travaux de construction, de démolition, de déboisement, de transformation et de modification de l'aspect des immeubles compris dans le périmètre de la zone de protection instituée en vertu de l'article L. 642-2 sont soumis à autorisation spéciale, accordée par l'autorité administrative compétente en matière de permis de construire après avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France. Le permis de construire et les autres autorisations d'utilisation du sol prévues par le code de l'urbanisme en tiennent lieu sous réserve de cet avis conforme, s'ils sont revêtus du visa de l'architecte des Bâtiments de France (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier, qu'ainsi qu'il a été dit, l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord au projet litigieux le 26 mars 2008 ; que, par suite, le moyen tiré du défaut d'accord de l'architecte des Bâtiments de France doit être écarté ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) b) Les dispositions de l'article R. 111-21 ne sont pas applicables dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager créées en application de l'article L. 642-1 du code du patrimoine (...) " ; que le terrain d'assiette, objet de la demande, étant situé, ainsi qu'il a été dit, dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme est inopérant ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme : " Les démolitions de constructions existantes doivent être précédées de la délivrance d'un permis de démolir lorsque la construction relève d'une protection particulière définie par décret en Conseil d'Etat ou est située dans une commune ou partie de commune où le conseil municipal a décidé d'instaurer le permis de démolir. " ; que l'article L. 421-6 du même code énonce que : " (...) Le permis de démolir peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les travaux envisagés sont de nature à compromettre la protection ou la mise en valeur du patrimoine bâti, des quartiers, des monuments et des sites (... ) " ; qu'en vertu de l'article R. 421-28 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Doivent en outre être précédés d'un permis de démolir les travaux ayant pour objet de démolir ou de rendre inutilisable tout ou partie d'une construction : (...) / c) Située (...) dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager créée en application de l'article L. 642-1 du code du patrimoine (...) " ; que le règlement de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager de la commune de Port-Louis précise que, dans le centre ancien dans lequel est situé le terrain d'assiette du projet litigieux, la conservation des murs, qui sont le plus souvent des murs hauts en moellons de schiste ou de granit, " participe à la volonté de préserver les continuités urbaines " ; que les prescriptions relatives aux clôtures et éléments annexes énoncent que : " Traditionnellement, la clôture d'une parcelle est matérialisée par un mur en moellons d'une hauteur minimale de 3 mètres sur rue et de 2 mètres sur les venelles. / Ce type de mur étant l'une des caractéristiques majeures de l'architecture de Port-Louis, toute modification visant ces ouvrages doit faire l'objet d'une autorisation préalable (permis de construire - permis de démolir). / Ils sont à conserver et à restaurer lorsqu'ils sont anciens, réalisés en moellons hourdés à la chaux et couronnés par un chaperon (...) " ;

Considérant que, conformément aux dispositions précitées du règlement de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager de la commune de Port-Louis, les murs anciens en moellons hourdés à la chaux et couronnés par un chaperon doivent être conservés ou restaurés ; que le mur situé au droit de la ..., qui présente de telles caractéristiques est mentionné comme " mur de pierres à conserver" sur le document graphique de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysage ; qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier, et n'est pas même allégué, que la démolition de ce mur, qui constitue une construction au sens de l'article R. 421-28 du code de l'urbanisme, aurait été demandée aux fins de le restaurer ; qu'ainsi, en donnant son accord au projet de démolition de ce mur ancien, qui, contrairement à ce que fait valoir la commune de Port-Louis, présente les caractéristiques des murs anciens protégés par les dispositions précitées, l'architecte des Bâtiments de France a méconnu ces prescriptions ; que, par suite, en délivrant, au vu de l'accord ainsi donné, un permis de démolir tacite portant sur le mur situé au droit de la ..., le maire de Port-Louis a méconnu les dispositions précitées du règlement de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager ; qu'il y a lieu par suite, d'annuler, dans cette mesure, la décision contestée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme X sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 26 mai 2008 par laquelle le maire de Port-Louis a délivré à M. et Mme Y un permis de démolir tacite en tant qu'il porte sur la démolition du mur situé au droit de la ... ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. et Mme X qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. et Mme X au titre des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 10 juin 2010 du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. et Mme X tendant à l'annulation de la décision du 26 mai 2008 par laquelle le maire de Port-Louis a délivré à M. et Mme Y un permis de démolir tacite en ce qu'il porte sur la démolition du mur situé au droit de la ....

Article 2 : La décision du 26 mai 2008 du maire de la commune de Port-Louis est annulée en tant qu'elle délivre à M. et Mme Y un permis tacite de démolir le mur situé au droit de la ....

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune de Port-Louis sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Mirko X, à la commune de Port-Louis et à M. et Mme Roland Y.

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N° 10NT01780

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10NT01780
Date de la décision : 13/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. D IZARN de VILLEFORT
Avocat(s) : FABRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-07-13;10nt01780 ?
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