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07/06/2012 | FRANCE | N°10NT01751

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 07 juin 2012, 10NT01751


Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2010, présentée pour Mme Nicole X, demeurant ..., pour Mlle Natacha X, demeurant à la même adresse, et pour M. Maxime X, demeurant ..., par Me Lataillade, avocat au barreau de La Rochelle ; les CONSORTS X demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 07-5104 du tribunal administratif de Nantes en date du 27 mai 2010 en tant qu'il a limité l'indemnisation du préjudice propre de Jean-Louis X à la somme de 5 000 euros, l'indemnisation du préjudice de Mme Nicole X à la somme de 4 200 euros et l'indemnisation des préjudices de M

. Maxime X et de Mlle Natacha X à la somme de 2 100 euros chacun ;

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Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2010, présentée pour Mme Nicole X, demeurant ..., pour Mlle Natacha X, demeurant à la même adresse, et pour M. Maxime X, demeurant ..., par Me Lataillade, avocat au barreau de La Rochelle ; les CONSORTS X demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 07-5104 du tribunal administratif de Nantes en date du 27 mai 2010 en tant qu'il a limité l'indemnisation du préjudice propre de Jean-Louis X à la somme de 5 000 euros, l'indemnisation du préjudice de Mme Nicole X à la somme de 4 200 euros et l'indemnisation des préjudices de M. Maxime X et de Mlle Natacha X à la somme de 2 100 euros chacun ;

2°) de condamner l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM) à leur verser 150 000 euros au titre des préjudices propres de Jean-Louis X, 30 000 euros au titre du préjudice de Mme Nicole X, 15 000 euros au titre du préjudice de M. Maxime X et 15 000 euros au titre du préjudice de Mlle Natacha X, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable et capitalisées ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2002- 303 du 4 mars 2002 ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;

Vu l'arrêté du 29 novembre 2011 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2012 :

- le rapport de M. Pouget, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Rioufol, avocat de la SMACL ;

Considérant que Jean-Louis X a appris le 24 avril 1999, à l'occasion d'un examen de contrôle, qu'il était porteur du virus de l'hépatite C ; qu'il a saisi en 2004 le tribunal de grande instance de Nantes d'une requête en référé expertise afin de faire déterminer si, et dans quelles conditions, sa contamination avait pu survenir à l'occasion d'une intervention de chirurgie cardiaque pratiquée en octobre 1979 au centre hospitalier régional de Nantes, qui avait donné lieu à la transfusion de produits sanguins ; qu'à la suite du dépôt du rapport d'expertise, et après le décès de Jean-Louis X survenu le 1er décembre 2006 par infarctus du myocarde, son épouse et ses enfants ont saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la condamnation de l'Etablissement Français du Sang (EFS) à leur verser des indemnités d'un montant global de 210 000 euros en réparation des préjudices personnels subis par le défunt et par eux-mêmes ; qu'ils relèvent appel du jugement du tribunal administratif en date du 27 mai 2010 en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à leur demande et a limité aux sommes de 5 000 euros, 4 200 euros et 2 100 euros le montant des indemnités attribuées respectivement au titre des préjudices subis par Jean-Louis X, Mme X et chacun de leurs deux enfants ; que l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM), substitué à l'EFS, de même que la Société Mutuelle d'Assurances des Collectivités Locales (SMACL), assureur du centre régional de transfusion sanguine de Nantes, demandent par la voie de l'appel incident l'annulation du jugement attaqué et le rejet des demandes indemnitaires des requérants ; que la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Charente-Maritime sollicite pour sa part le versement par l'ONIAM du montant réactualisé de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 susvisée relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. / Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable " ;

Considérant que la présomption prévue par les dispositions précitées est constituée dès lors qu'un faisceau d'éléments confère à l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l'ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que tel est normalement le cas lorsqu'il résulte de l'instruction que le demandeur s'est vu administrer, à une date où il n'était pas procédé à une détection systématique du virus de l'hépatite C à l'occasion des dons du sang, des produits sanguins dont l'innocuité n'a pas pu être établie, à moins que la date d'apparition des premiers symptômes de l'hépatite C ou de révélation de la séropositivité démontre que la contamination n'a pas pu se produire à l'occasion de l'administration de ces produits ; qu'eu égard à la disposition selon laquelle le doute profite au demandeur, la circonstance que l'intéressé a été exposé par ailleurs à d'autres facteurs de contamination, résultant notamment d'actes médicaux invasifs ou d'un comportement personnel à risque, ne saurait faire obstacle à la présomption légale que dans le cas où il résulte de l'instruction que la probabilité d'une origine transfusionnelle est manifestement moins élevée que celle d'une origine étrangère aux transfusions ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Jean-Louis X, qui souffrait d'une communication inter-auriculaire du coeur, a fait l'objet d'un cathétérisme cardiaque pratiqué le 13 septembre 1979, puis d'une intervention sous circulation extracorporelle le 2 octobre 1979 ; qu'il a reçu à l'occasion de ces interventions 2 culots globulaires ; que si le diagnostic de la contamination par le virus de l'hépatique C n'a été posé qu'en 1999, à la suite de la découverte d'une augmentation des transaminases, l'intéressé a commencé à présenter des signes d'asthénie dès 1980 ; que l'expert judiciaire relève que Jean-Louis X n'avait aucun antécédent pathologique et que rien dans son comportement ni aucun évènement antérieur ou postérieur aux interventions pratiquées en 1979 n'a pu être constitutif d'un risque de contamination ; que si le rapport d'expertise mentionne que le génotype de virus B1 identifié chez le patient est celui le plus fréquemment rencontré tant après une contamination transfusionnelle qu'après une contamination nosocomiale due à des actes chirurgicaux invasifs, et que la transmission du virus a pu résulter en l'espèce de l'une ou l'autre de ces sources sans qu'il soit possible de favoriser l'une des hypothèses, il ne résulte pas de ces mentions que la probabilité d'une origine transfusionnelle de la contamination de Jean-Louis X serait manifestement moins élevée et vraisemblable que celle d'une origine nosocomiale ; que, par ailleurs, il est constant que les donneurs des produits sanguins transfusés n'ont pu être identifiés et que l'EFS n'a donc pas été en mesure d'apporter la preuve de l'innocuité de ces produits ; qu'il y a donc lieu de considérer que c'est à l'occasion de la transfusion des culots globulaires que s'est produite la contamination ; que, par suite, en application des dispositions précitées de l'article 102 de la loi susvisée du 4 mars 2002, l'ONIAM, substitué à l'EFS depuis le 1er juin 2010 en vertu de l'article 67 de la loi susvisée du 17 décembre 2008, doit être regardé comme responsable des conséquences dommageables de la contamination de Jean-Louis X ;

Sur les préjudices :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Jean-Louis X, dont l'hépatite chronique a été qualifiée de modérée avec fibrose septale sans cirrhose, de stade F3, a commencé à ressentir peu de temps après l'intervention chirurgicale de 1979 une asthénie à l'origine de plusieurs arrêts de travail annuels ; qu'il a dû subir deux ponctions pour biopsie hépatique en 1999 et 2001 ; qu'il a fait l'objet de divers troubles articulaires, oculaires ou thyroïdiens associés à la pathologie considérée et a notamment souffert de douleurs rhumatismales ; que les souffrances endurées, y compris les répercussions psychologiques tenant à la crainte d'une évolution de l'hépatite vers des pathologies graves, ont été globalement évaluées à 3,5 sur 7 par l'expert ; que les effets de la contamination ont dans une certaine mesure affecté les activités de loisir de l'intéressé ainsi que ses relations familiales ; que, dans ces conditions, il sera fait une plus juste appréciation de l'ensemble des préjudices personnels de Jean-Louis X transmissibles à ses héritiers en évaluant ceux-ci à la somme globale de 15 000 euros ;

Considérant qu'en allouant la somme de 4 200 euros à Mme X et la somme de 2 100 euros à chacun des enfants de Jean-Louis X au titre de leur préjudice moral le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte appréciation de ce préjudice ;

Considérant que la CPAM de la Charente-Maritime, à l'égard de laquelle l'ONIAM est également substitué à l'EFS dès lors que le présent litige était en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, justifie des débours qu'elle a exposés entre le 10 avril 1999 et le 14 septembre 2001 pour Jean-Louis X à raison de sa contamination à hauteur de la somme de 26 100,24 euros que l'EFS a été condamné à lui verser par le jugement attaqué, lequel doit être confirmé sur ce point ; que la CPAM a également droit à l'indemnité forfaitaire de gestion régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dont le montant doit être fixé à 997 euros en vertu de l'arrêté du 29 novembre 2011 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les CONSORTS X sont fondés à soutenir que les sommes que l'EFS, auquel est désormais substitué l'ONIAM, a été condamné à leur verser par le jugement du 27 mai 2010 du tribunal administratif de Nantes, doivent être majorées dans les limites précisées ci-dessus ; que la CPAM de la Charente-Maritime est également fondée à solliciter que l'indemnité qui lui est due par l'ONIAM au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion soit portée à 997 euros ; que les conclusions d'appel incident de l'ONIAM et de la SMACL doivent en revanche être rejetées ;

Sur les intérêts et la capitalisation :

Considérant que les CONSORTS X ont droit aux intérêts sur la somme susmentionnée de 15 000 euros à compter du 14 septembre 2007, date d'introduction de leur demande devant le tribunal administratif ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 5 novembre 2008 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'ONIAM le versement aux CONSORTS X de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la CPAM de la Charente-Maritime sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 5 000 euros (cinq mille euros) que l'EFS a été condamné à verser aux CONSORTS X par le jugement du 27 mai 2010 du tribunal administratif de Nantes en leur qualité d'ayants droit de Jean-Louis X est portée à 15 000 euros (quinze mille euros). Cette somme, qui sera supportée par l'ONIAM, portera intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2007. Les intérêts échus à la date du 5 novembre 2008 seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : L'indemnité de 966 euros (neuf cent soixante-six euros) que l'EFS a été condamné par le même jugement à verser à la CPAM de la Charente-Maritime au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion est portée à 997 euros (neuf cent quatre-vingt-dix-sept euros), somme qui sera supportée par l'ONIAM.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 27 mai 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 ci-dessus.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions d'appel incident présentées par l'ONIAM et par la SMACL sont rejetés.

Article 5 : L'ONIAM versera au CONSORTS X la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les conclusions présentées par la CPAM de la Charente-Maritime sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Nicole X, à Mlle Natacha X, à M. Maxime X, à l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime, à la Société Mutualiste d'Assurance des Collectivités Locales.

Une copie sera adressée à l'Etablissement Français du Sang.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 10NT01751
Date de la décision : 07/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : DE LATAILLADE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-06-07;10nt01751 ?
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