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31/05/2012 | FRANCE | N°11NT02504

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 31 mai 2012, 11NT02504


Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2011, présentée pour M. Khalid X, élisant domicile ..., par Me Renard, avocat au barreau de Nantes ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 11-5774 du 17 juin 2011 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire en date du 24 mai 2011 décidant sa reconduite à la frontière à destination du Soudan ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre d

e séjour l'autorisant à travailler, ou, à tout le moins, de procéder au réexamen de sa sit...

Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2011, présentée pour M. Khalid X, élisant domicile ..., par Me Renard, avocat au barreau de Nantes ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 11-5774 du 17 juin 2011 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire en date du 24 mai 2011 décidant sa reconduite à la frontière à destination du Soudan ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler, ou, à tout le moins, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de le munir dans cette attente d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me Renard, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

...........................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2012 :

- le rapport de Mlle Wunderlich, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Specht, rapporteur public ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 776-2-1, inséré dans le chapitre VI, relatif au contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière, du titre VII du code de justice administrative par l'article 1er du décret n° 2004-789 du 29 juillet 2004, alors en vigueur : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il délègue peut, par ordonnance : (...) 3° Rejeter les recours entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance. " ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 512-2, alors applicable, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander l'annulation de cet arrêté au président du tribunal administratif. " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire a adressé le 24 mai 2011 à M. X, ressortissant soudanais, une " convocation envoyée en lettre recommandée avec demande d'accusé de réception " l'informant de ce que, sa demande d'asile ayant été rejetée le 31 mars 2011 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, une mesure d'éloignement avait été édictée à son encontre après examen de sa situation et le priant de " bien vouloir se présenter à l'accueil du bureau des étrangers, 7 bis rue Hanneloup à Angers, muni (...) de son passeport, le mercredi 15 juin 2011 à 14h00 " afin que lui soit notifié l'" arrêté préfectoral de reconduite à la frontière n° 2011-276 du 24 mai 2011 " ; que le préfet n'a produit aucun document établissant que ce courrier a été reçu par M. X, lequel ne s'est pas rendu audit entretien mais s'est présenté le lendemain à la préfecture où il est constant qu'une copie de l'arrêté litigieux lui a été remise ; qu'en admettant même que le recours à un tel procédé soit de nature à faire regarder le préfet de Maine-et-Loire comme ayant valablement tenté de procéder à la notification de son arrêté de reconduite à la frontière " par voie administrative " au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le fait pour l'étranger de ne pas s'être rendu à cette convocation est en tout état de cause insuffisant à établir que celui-ci s'est en réalité volontairement soustrait à la notification de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet ; que c'est par suite à tort que le premier juge a estimé que l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire en date du 24 mai 2011 décidant la reconduite à la frontière de M. X devait être " réputé " notifié à l'intéressé le 15 juin 2001 à 14h00, soit au jour et à l'heure de l'entretien auquel il ne s'était pas rendu et que sa demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nantes le 17 juin 2011 à 14h01 était tardive ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ordonnance attaquée doit être annulée ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire en date du 24 mai 2011 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1, alors applicable, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du même code : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d'asile la demande d'asile présentée dans une collectivité d'outre-mer s'il apparaît qu'une même demande est en cours d'instruction dans un autre Etat membre de l'Union européenne. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 de ce code : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Le I de l'article L. 511-1 est alors applicable. " ; et qu'aux termes de l'article L. 742-6 : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. / En cas de reconnaissance de la qualité de réfugié ou d'octroi de la protection subsidiaire, l'autorité administrative abroge l'arrêté de reconduite à la frontière qui a, le cas échéant, été pris. Il délivre sans délai au réfugié la carte de résident prévue au 8° de l'article L. 314-11 et au bénéficiaire de la protection subsidiaire la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 313-13. " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, qui a déclaré être entré irrégulièrement en France le 28 mars 2010, s'est présenté le 14 avril 2010 à la préfecture de Maine-et-Loire pour y déposer une demande de reconnaissance du statut de réfugié ; que le préfet, estimant que la demande d'asile de l'intéressé présentait un caractère frauduleux, a refusé son admission en France en application du 4° de l'article L. 741-4 précité par décision en date du 11 mai 2010 et ne lui a par conséquent pas délivré d'autorisation provisoire de séjour ; que M. X se trouvait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et susceptible comme tel de faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ; que, dans ces conditions, le préfet a pu légalement décider le 24 mai 2011, sur le fondement de ces dispositions, la reconduite à la frontière de l'intéressé, dont l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, statuant selon la procédure prioritaire prévue au second alinéa de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, avait rejeté la demande d'asile par décision en date du 31 mars 2011 notifiée le 13 avril 2011 ;

Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté en date du 31 décembre 2009, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet de Maine-et-Loire a donné à M. Alain Rousseau, secrétaire général de la préfecture, délégation permanente à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certains actes limitativement énumérés au nombre desquels ne figurent pas les décisions concernant l'éloignement des étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté contesté, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé ;

Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui (...) doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

Considérant que M. X soutient qu'il appartient à l'ethnie Tunjur et est originaire de Marla (Darfour méridional), que son père, avec lequel il tenait un commerce dans la banlieue de Khartoum, a été arrêté une première fois en 2004 puis en mai 2008 après l'attaque de la ville par le mouvement pour la justice et l'égalité, et qu'il a lui-même été interpellé et abusivement détenu pendant plus de dix mois à raison des liens supposés qu'il entretenait avec les rebelles, et a réussi à s'enfuir de l'hôpital dans lequel il avait été transféré puis à quitter le Soudan pour la Lybie puis l'Europe ; que les pièces qu'il produit sont insuffisantes à établir qu'il court personnellement des risques, dont l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'a d'ailleurs pas reconnu l'existence, en cas de retour dans son pays ; qu'ainsi, le moyen tiré de la violation de l'article L. 513-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comme de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ; qu'il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru lié par l'appréciation portée par l'Office sur les risques encourus par l'intéressé au Soudan ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire en date du 24 mai 2011 décidant sa reconduite à la frontière à destination du Soudan ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au profit de l'avocat de M. X, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nantes en date du 17 juin 2011 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Khalid X et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire et à Me Renard.

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N° 11NT02504


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11NT02504
Date de la décision : 31/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02-01-01 Étrangers. Reconduite à la frontière. Légalité interne. Étrangers ne pouvant faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière. Demandeurs d'asile.


Composition du Tribunal
Président : M. CHRISTIEN
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine WUNDERLICH
Rapporteur public ?: Mme SPECHT
Avocat(s) : RENARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-05-31;11nt02504 ?
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