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03/02/2012 | FRANCE | N°11NT02540

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre b, 03 février 2012, 11NT02540


Vu la requête enregistrée le 6 septembre 2011 présentée pour M. Jean X, demeurant ..., par Me Lahalle, avocat au barreau de Rennes ; M. X demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement 09-4820 du 5 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes, à la demande du préfet d'Ille-et-Vilaine qui a déféré le procès-verbal de contravention de grande voirie dressé à son encontre le 16 septembre 2009, l'a condamné à payer une amende de 500 euros et lui a enjoint de procéder à la remise en état du domaine public maritime sur lequel il a édif

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Vu la requête enregistrée le 6 septembre 2011 présentée pour M. Jean X, demeurant ..., par Me Lahalle, avocat au barreau de Rennes ; M. X demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement 09-4820 du 5 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes, à la demande du préfet d'Ille-et-Vilaine qui a déféré le procès-verbal de contravention de grande voirie dressé à son encontre le 16 septembre 2009, l'a condamné à payer une amende de 500 euros et lui a enjoint de procéder à la remise en état du domaine public maritime sur lequel il a édifié des bassins et locaux d'exploitation de cultures marines dans un délai de 6 mois à compter de la notification dudit jugement, sous astreinte de 200 euros par mois de retard, en autorisant par ailleurs l'administration à procéder d'office à l'enlèvement de ses bassins et locaux d'exploitation à ses frais et risques, en cas d'inexécution passé ce délai ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'édit de Moulins de février 1566 ;

Vu l'ordonnance royale sur la marine d'août 1681 ;

Vu le décret du 10 janvier 1962 ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le décret n° 2003-172 du 25 février 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant que M. X demande que soit prononcé le sursis à exécution du jugement en date du 5 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes l'a, en son article premier, condamné à une amende de 500 euros et, en ses articles 2 et 3, lui a enjoint de procéder à la remise en état des parcelles du domaine public maritime sur lesquelles il a édifié des bassins et locaux d'exploitation de cultures marines dans un délai de six mois, sous astreinte de 200 euros par mois de retard, l'administration étant autorisée, passé ce délai, à procéder d'office aux travaux de réaménagement du site ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, seul applicable en matière de contravention de grande voirie : le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés paraissent sérieux en l'état de l'instruction. ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ; qu'aux termes de l'article L. 2132-2 du même code : Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative mentionnée à l'article L. 2131-1. Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie administrative ; qu'aux termes de l'article L. 2132-3 du même code : Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende (...) ;

Considérant que M. X a construit des bassins et locaux d'exploitation de cultures marines ... sur les parcelles cadastrées section B nos 203 et 204 qu'il a acquises de M. et Mme Y le 27 mars 1969 ; qu'il ressort de la mise en demeure adressée à l'intéressé le 2 avril 2009 que l'administration s'est fondée, pour estimer que les constructions litigieuses se situaient sur le domaine public maritime, sur la délimitation réalisée dans l'estuaire de la Rance le 17 mars 1957 et entérinée par décret du 10 janvier 1962 portant délimitation du rivage de la mer dans ledit estuaire, et notamment sur le littoral de la commune de Saint Suliac ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis

par les premiers juges, que les plus hautes eaux de mars 1957 ont recouvert la totalité des parcelles portées au titre de propriété de M. X et que si EDF n'intervenait pas pour réguler les hauteurs d'eau en amont du barrage de la Rance, les eaux de mer pourraient submerger la digue du Moulin de Beauchet et envahir la partie située en amont de la digue dudit moulin, comme cela a été le cas en 1957 ; que, par suite, ne sont susceptibles de faire échec à la règle d'inaliénabilité du domaine public maritime résultant de cette constatation que des droits fondés en titre résultant de ventes de biens domaniaux effectuées, soit au titre des biens nationaux, soit antérieurement à l'Edit de Moulins de 1566 ;

Considérant, d'une part, que dans son chapitre consacré à l'origine de propriété , le contrat de vente conclu entre M. et Mme Y et M. et Mme X le 27 mars 1969 stipule que l'Etang et le moulin de Beauchet, objets du litige, faisaient autrefois partie de la Seigneurie de Chateauneuf érigée en Marquisat en 1704 par Louis XIV ; qu'un aveu et dénombrement du 1er mai 1542 décrit les maisons, terres, héritages, rentes, droits héritels des appartenances de la seigneurie Châtellenie et juridiction de Chateauneuf que la haute et puissante dame Suzanne de Bourbon, dame de Rieux, de Rochefort, et d'Ancenis, comtesse d'Harcourt, vicomtesse de Donge (...) dit et advoue tenir noblement et prochement à devoir de foy et hommages et rachapt de Monseigneur le Dauphin duc de Bretagne ; qu'au nombre de ces dépendances figurent les moulins à mer scituez en ladite paroisse de St Père au dit baillage de Poullet , qui ne peuvent correspondre qu'aux deux anciens moulins à marée du site de Beauchet à l'embouchure de la Goutte ; que la chambre des comptes de Bretagne a reçu le 16 août 1543 l'aveu et dénombrement susmentionné concernant la seigneurie de Chateauneuf présentée comme tenue du Roy ; que, par suite, le moyen présenté par M. X à l'appui de sa requête n° 11NT02489, et tiré de ce qu'étant fondé en titre antérieurement à l'Edit de Moulins de février 1566, les principes de la domanialité publique maritime n'ont pas vocation à s'appliquer aux parcelles dont il est propriétaire ..., présente, en l'état de l'instruction, un caractère sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement ;

Considérant, d'autre part, que l'exécution des articles 2 et 3 du jugement, qui implique la démolition de l'établissement aquacole qu'il exploite sur les parcelles litigieuses, risque d'entrainer pour M. X des conséquences difficilement réparables ; que tel n'est pas, en revanche, le cas de l'article 1er du jugement qui se borne à condamner M. X à une amende de 500 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a seulement lieu d'ordonner, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête au fond, qu'il soit sursis à l'exécution des articles 2 et 3 du jugement du 5 juillet 2011 du tribunal administratif de Rennes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête n° 11NT02489 de M. X, il sera sursis à l'exécution des articles 2 et 3 du jugement n° 09-4820 du 5 juillet 2011 du tribunal administratif de Rennes.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean X, et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Copie en sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.

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N° 11NT02540 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre b
Numéro d'arrêt : 11NT02540
Date de la décision : 03/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

24-01-03-01-01 DOMAINE. DOMAINE PUBLIC. PROTECTION DU DOMAINE. CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE. FAITS CONSTITUTIFS. - 1) DOMAINE PUBLIC MARITIME - INALIÉNABILITÉ ET IMPRESCRIPTIBILITÉ - EXCEPTION À LA RÈGLE. 2) DROITS ANTÉRIEURS À L'EDIT DE MOULINS DE FÉVRIER 1566, ÉMANANT D'ACTES DU ROI, OU AVANT 1532, DU DUC DE BRETAGNE- « AVEU ET DÉNOMBREMENT » DES BIENS DE LA SEIGNEURIE DE CHATEAUNEUF REÇU EN 1543 EN LA CHAMBRE DES COMPTES DE BRETAGNE - EXISTENCE DE DROITS FONDÉS EN TITRE - MOYEN SÉRIEUX EN L'ESPÈCE DE NATURE À JUSTIFIER LE SURSIS À EXÉCUTION DU JUGEMENT CRITIQUÉ. [RJ1] [RJ2].

24-01-03-01-01 a ) Il ressort du rapport de l'expert désigné par les premiers juges, que le requérant a édifié des bassins et locaux d'exploitation de cultures marines sur le domaine public maritime, tel que délimité dans l'estuaire de la Rance par le décret du 10 janvier 1962, au regard « des plus hautes eaux » qui ont recouvert les parcelles portées à son titre de propriété le 17 mars 1957 ; par suite, ne sont susceptibles de faire échec à la règle d'inaliénabilité du domaine public maritime que des droits fondés en titre résultant de ventes de biens domaniaux effectuées antérieurement à l'Edit de Moulins de février 1566 ;,,,b) En l'espèce, il résulte de l'acte de propriété du requérant que l'Etang et le Moulin de Beauchet, en litige, faisaient autrefois partie de la Seigneurie de Chateauneuf d'Ille et Vilaine ; un « aveu et dénombrement » du 1er mai 1542 décrit précisément les biens de la Seigneurie de Chateauneuf que Suzanne de Bourbon, dame de Rieux, de Rochefort, « dit et advoue tenir noblement et prochement à devoir de foy et hommages de Monseigneur le Dauphin, duc de Bretagne » ; au nombre de ces dépendances figurent les moulins à mer situés en la paroisse de St Père, « baillage de Poullet », qui ne peuvent correspondre qu'aux deux anciens moulins à marée du site de Beauchet ; la Chambre des comptes de Bretagne a, en outre, reçu le 16 août 1543 « l'aveu et dénombrement » concernant la Seigneurie de Chateauneuf comme émanant du Roi ; par suite, le moyen tiré de ce que l'intéressé serait fondé en titre antérieurement à l'Edit de Moulins est sérieux et de nature, en l'état de l'instruction, et compte tenu des conséquences difficilement réparables d'une remise en état des lieux, à justifier le sursis à exécution des articles 2 et 3 du jugement critiqué, en tant qu'ils concernent l'action domaniale.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Section, 13 octobre 1967, Cazeaux, n° 58332, p. 368 ;

Section, 10 juillet 1970, Société civile du Domaine de Suroit et Quenot, n° 78339, p. 481 ;,,,

[RJ2]

Comp. CAA Nantes, 29 mai 1996, René Le Blouch, n° 94NT00309 ;

CAA Nantes, 10 novembre 2009, Ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire c/ M. Pierre Calmels, n° 09NT00379.


Composition du Tribunal
Président : M. le Prés MINDU
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: M. VILLAIN
Avocat(s) : LAHALLE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-02-03;11nt02540 ?
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