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05/01/2012 | FRANCE | N°10NT00999

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 05 janvier 2012, 10NT00999


Vu la requête, enregistrée le 17 mai 2010, présentée pour M. Belgacem X et Mme Jalila X, agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, Donia, Dalinda, Akid, Wyded et Wyhem, demeurant ..., par Me Scharr, avocat au barreau de l'Essonne ; M. et Mme X demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 09-2950 du 25 mars 2010 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a limité respectivement à 42 000, 5 000 et 4 800 euros les sommes que le centre hospitalier de l'agglomération montargoise a été condamné à leu

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Vu la requête, enregistrée le 17 mai 2010, présentée pour M. Belgacem X et Mme Jalila X, agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, Donia, Dalinda, Akid, Wyded et Wyhem, demeurant ..., par Me Scharr, avocat au barreau de l'Essonne ; M. et Mme X demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 09-2950 du 25 mars 2010 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a limité respectivement à 42 000, 5 000 et 4 800 euros les sommes que le centre hospitalier de l'agglomération montargoise a été condamné à leur verser en réparation des préjudices résultant du retard de diagnostic et de traitement de leur fils Akid ;

2°) de condamner cet établissement à leur verser la somme globale de 396 800,34 euros en leur qualité de représentants légaux de leur fils Akid, la somme de 120 000 euros en réparation de leur propre préjudice moral ainsi que la somme de 48 000 euros en réparation du préjudice moral subi par leurs quatre autres enfants mineurs ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de l'agglomération montargoise la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 décembre 2011 :

- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Boizard, avocat du centre hospitalier de l'agglomération montargoise ;

Considérant que l'enfant Akid X, qui est né le 18 avril 1998, est atteint depuis sa naissance d'une alphamannosidose diagnostiquée en octobre 1999 à l'hôpital Necker ; que le 4 décembre 1999, alors qu'il souffrait d'une forte fièvre et de vomissements, il a été admis au centre hospitalier de l'agglomération montargoise ; que compte tenu de la persistance de ces symptômes, il a été placé sous antibiotique le 7 décembre ; que l'enfant a présenté plusieurs crises convulsives le jour même puis le lendemain ; que le 10 décembre 1999, une ponction lombaire avec recherche d'ADN du virus de l'herpès a été pratiquée ; que l'enfant a été immédiatement placé sous traitement anti-viral herpétique puis transféré à l'hôpital Necker dans un état comateux de stade I ; qu'au vu des résultats de la ponction lombaire, le diagnostic de l'encéphalite herpétique a été confirmé ; qu'afin de poursuivre sa prise en charge médicale le jeune Akid a été transféré à la pouponnière de Clairefontaine à compter du 24 janvier 2000 ; que l'enfant, qui ne parle pas, éprouve des difficultés de préhension volontaire et présente une tétraplégie spastique, reste atteint de séquelles neurologiques lourdes, lesquelles ne cessent de s'aggraver ; que le professeur Y, désigné par une ordonnance du président du tribunal administratif d'Orléans du 10 janvier 2006 a remis son rapport le 2 octobre 2006 ; que par un jugement du 19 juin 2008, devenu définitif, le tribunal administratif d'Orléans a reconnu la responsabilité du centre hospitalier de l'agglomération montargoise en raison du retard de diagnostic et de traitement de l'encéphalite herpétique de l'enfant et a fixé à 10 % la perte de chance subie par ce dernier, qui compte tenu de l'aggravation de ses séquelles neurologiques n'a pu bénéficier de la greffe de la moelle osseuse envisagée initialement lors du diagnostic de l'alphamannosidose dont il était atteint à sa naissance ; que les premiers juges ont condamné cet établissement à rembourser les débours de la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret mais ont rejeté la demande indemnitaire présentée par M. et Mme X pour défaut de réclamation préalable ; qu'après avoir satisfait à cette obligation, ces derniers ont présenté une nouvelle demande auprès du tribunal administratif d'Orléans ; que, par un jugement du 25 mars 2010, le centre hospitalier de l'agglomération montargoise a été condamné à verser aux intéressés les sommes de 42 000 euros, en leur qualité de représentants légaux de leur fils Akid, de 5 000 euros au titre de leur propre préjudice moral et de 4 800 euros en réparation du préjudice moral subi par les soeurs de l'enfant ; que les époux X ainsi que leur fille Donia, devenue majeure en cours d'instance, interjettent appel de ce jugement ; que le centre hospitalier doit être regardé comme demandant la réformation du jugement et la réduction des indemnités ainsi accordées ;

Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que la responsabilité du centre hospitalier de l'agglomération montargoise a été reconnue ; que la perte de chance subie par l'enfant a été évaluée à la fraction non contestée de 10 % par les premiers juges ;

Considérant que lorsque, au nombre des conséquences dommageables d'un accident engageant la responsabilité d'une personne publique, figure la nécessité pour la victime de recourir à l'assistance d'une tierce personne à domicile pour les actes de la vie courante, la circonstance que cette assistance serait assurée par un membre de sa famille est, par elle-même, sans incidence sur le droit de la victime à en être indemnisée ; qu'il résulte toutefois des pièces produites en appel que l'enfant Akid est placé de manière continue en institution spécialisée depuis le 24 janvier 2000 ; que les CONSORTS X ne justifient d'aucune dépense liée à cette hospitalisation ; que par suite, leurs conclusions tendant à l'allocation d'un capital pour l'assistance d'une tierce personne ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant que si les CONSORTS X ont omis, par une erreur purement matérielle, de réduire à due concurrence de la perte de chance évaluée par les premiers juges à 10 % le montant des sommes qu'ils sollicitent au titre des préjudices patrimoniaux de leur fils, de leur propre préjudice moral et celui de leurs filles, il est constant qu'ils ne contestent ni le fondement de la responsabilité du centre hospitalier, ni le montant du pourcentage de perte de chance retenu ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, ils doivent être regardés, malgré les erreurs de présentation contenues dans leur requête, comme sollicitant seulement la réparation de leurs préjudices dans la limite du pourcentage de perte de chance ainsi fixé ;

Considérant qu'il est constant que les séquelles dont reste atteint le jeune Akid présentent un caractère irréversible et que son pronostic vital est engagé à plus ou moins brève échéance ; que le certificat médical en date du 25 octobre 2011 atteste de la dégradation de l'état de santé de l'enfant, lequel est gravement handicapé, totalement dépendant et nécessite des soins importants et une surveillance constante, rendant son placement en institution spécialisée obligatoire ; qu'ainsi, et en dépit de l'absence de consolidation de l'état de santé du jeune Akid, ses souffrances physiques ou morales ainsi que les troubles de toute nature qu'il a subis doivent être regardés comme permanents ; que l'expert désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a reconnu que l'incapacité permanente partielle de l'enfant était d'au moins 90 % ; que les souffrances endurées par celui-ci ont été fixées à 4 sur une échelle de 7 par l'expert, qui a également estimé son préjudice esthétique à 7 sur une même échelle ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste évaluation de l'ensemble des préjudices personnels de l'enfant en les fixant à 250 000 euros ; que compte tenu du pourcentage de perte de chance retenu, il sera alloué au titre de ces préjudices la somme de 25 000 euros, somme à laquelle il y aura lieu de ramener l'indemnité allouée par le tribunal administratif d'Orléans au même titre ;

Considérant enfin, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le jeune Akid, qui est né le 18 avril 1998, était atteint depuis sa naissance d'une alphamannosidose, pathologie grave dont les conséquences ne sont pas imputables à la faute commise par le centre hospitalier ; que l'enfant a été placé en institution spécialisée dès la fin de son hospitalisation le 24 janvier 2000 et n'a pas vécu au domicile de ses parents ; que dans ces circonstances, et compte tenu du pourcentage de perte de chance retenu, il sera fait une appréciation suffisante des souffrances endurées par son entourage en les évaluant à 1 600 euros pour chacun de ses parents et à 1 000 euros pour chacune de ses soeurs ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les CONSORTS X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a limité la réparation de leurs préjudices à la somme globale de 51 800 euros ; qu'en revanche, le centre hospitalier de l'agglomération montargoise est fondé à demander, dans la limite des sommes énoncées ci-dessus, la réformation du jugement attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le centre hospitalier de l'agglomération montargoise, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, voit mettre à sa charge une somme au titre des frais exposés par les CONSORTS X ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de cet établissement la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que le centre hospitalier de l'agglomération montargoise a été condamné par le tribunal administratif d'Orléans à verser à M. et Mme X, en leur qualité de représentants légaux de leur fils Akid, est ramenée à 25 000 euros.

Article 2 : La somme que le centre hospitalier de l'agglomération montargoise a été condamné par le tribunal administratif d'Orléans à verser à M. et Mme X, en réparation de leur préjudice moral est ramenée à 1 600 euros chacun.

Article 3 : La somme que le centre hospitalier de l'agglomération montargoise a été condamné par le tribunal administratif d'Orléans à verser à M. et Mme X, en leur qualité de représentants légaux de leur trois filles mineures, en réparation de leur préjudice moral est ramenée à 1 000 euros chacune.

Article 4 : La somme que le centre hospitalier de l'agglomération montargoise a été condamné par le tribunal administratif d'Orléans à verser à M. et Mme X, en leur qualité de représentants légaux de leur fille Donia, en réparation de son préjudice moral est ramenée à 1 000 euros.

Article 5 : Le jugement n° 09-2950 du 25 mars 2010 du tribunal administratif d'Orléans est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 6 : La requête présentée par les CONSORTS X ainsi que le surplus des conclusions présentées par le centre hospitalier de l'agglomération montargoise sont rejetés.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. Belgacem X, à Mme Jalila X en leur nom personnel et en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, Akid, Dalinda, Wyded et Wyhem, à Mlle Donia X, au centre hospitalier de l'agglomération montargoise et à la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 10NT00999
Date de la décision : 05/01/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : SCHARR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-01-05;10nt00999 ?
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