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25/11/2011 | FRANCE | N°11NT02013

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre b, 25 novembre 2011, 11NT02013


Vu la requête enregistrée le 22 juillet 2011 présentée pour la COMMUNE DE POULDOURAN, représentée par son maire en exercice, par Me Lahalle, avocat au barreau de Rennes ; la COMMUNE DE POULDOURAN demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 10-4335 du 8 juillet 2011 par laquelle le président du Tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser à M. X une indemnité provisionnelle de 108 287,50 euros à valoir sur la réparation des préjudices résultant de la délivrance le 18 janvier 2008 par son maire d'un certificat d'urbanisme positif illégal ;

2°)

de rejeter la demande présentée par M. X devant le juge des référés du Tribunal ...

Vu la requête enregistrée le 22 juillet 2011 présentée pour la COMMUNE DE POULDOURAN, représentée par son maire en exercice, par Me Lahalle, avocat au barreau de Rennes ; la COMMUNE DE POULDOURAN demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 10-4335 du 8 juillet 2011 par laquelle le président du Tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser à M. X une indemnité provisionnelle de 108 287,50 euros à valoir sur la réparation des préjudices résultant de la délivrance le 18 janvier 2008 par son maire d'un certificat d'urbanisme positif illégal ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge de M. X une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral ;

Vu le décret n° 2004-311 du 29 mars 2004 fixant la liste des communes riveraines des estuaires et des deltas considérés comme littorales en application de l'article L. 321-2 du code de l'environnement et la liste des estuaires les plus importants au sens du IV de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 2011 :

- le rapport de M. Millet, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Buffet, rapporteur public ;

- les observations Me Thomas-Tinot, substituant Me Lahalle, avocat de la COMMUNE DE POULDOURAN ;

- et les observations de Me Leroux, avocat de M. X ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ; qu'aux termes de l'article R. 541-3 du même code : L'ordonnance rendue par le président du tribunal administratif ou par son délégué est susceptible d'appel devant la cour administrative d'appel dans la quinzaine de sa notification ;

Considérant que, par une ordonnance du 8 juillet 2011, le président du Tribunal administratif de Rennes, statuant comme juge des référés, a condamné la commune de Pouldouran à verser à M. X une somme provisionnelle de 108 287,50 euros, à valoir sur la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à raison de l'illégalité du certificat d'urbanisme positif délivré le 18 janvier 2008 relatif à un terrain lui appartenant désormais, ... ; que la COMMUNE DE POULDOURAN relève appel de cette ordonnance ;

Sur l'existence d'une obligation non sérieusement contestable :

En ce qui concerne le principe de la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral : Sont considérées comme communes littorales, au sens de la présente loi, les communes (...) : (...) / - riveraines des estuaires et des deltas (...) La liste de ces communes est fixée par décret en Conseil d'Etat, après consultation des conseils municipaux intéressés. ; qu'aux termes de l'article L. 146-1 du code de l'urbanisme : Les dispositions du présent chapitre déterminent les conditions d'utilisation des espaces terrestres, maritimes et lacustres : / - dans les communes littorales définies à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral ; / - dans les communes qui participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux, lorsqu'elles en font la demande auprès du représentant de l'Etat dans le département. La liste de ces communes est fixée par décret en Conseil d'Etat (...) ; qu'aux termes du décret du 29 mars 2004 fixant la liste des communes riveraines des estuaires et des deltas considérées comme littorales en application de l'article L. 321-2 du code de l'environnement et la liste des estuaires les plus importants au sens du IV de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme : Sont considérées comme communes littorales au sens de l'article L. 321-2 du code de l'environnement les communes riveraines d'un estuaire ou d'un delta désignées ci-après : / - dans le département des Côtes-d'Armor : (...) Pouldouran (...) ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, applicable aux communes littorales : L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement (...) ; et qu'aux termes de l'article L. 410-1 dudit code : Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété (...) applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération (...) / Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la parcelle n° A 364 située ... a fait l'objet d'un certificat d'urbanisme positif, délivré par le maire de la COMMUNE DE POULDOURAN le 18 janvier 2008 ; que M. X s'est porté acquéreur de ladite parcelle le 22 février 2008 pour y édifier une construction à usage d'habitation ; qu'à l'occasion de la revente envisagée de cette parcelle, deux certificats d'urbanisme négatifs ont été délivrés les 12 août 2009 et 20 janvier 2010 pour ce même terrain au motif que le projet, qui constituait une extension de l'urbanisation qui n'est pas en continuité avec un village ou une agglomération, n'était pas conforme aux dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; qu'en indiquant dans le certificat d'urbanisme du 18 janvier 2008 que le terrain en cause pouvait être utilisé pour la réalisation de l'opération projetée par M. X et que la construction devrait être implantée dans la partie de terrain située en zone U, alors qu'il n'est pas contesté que les dispositions précitées de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme s'opposaient à ce qu'une construction pût y être autorisée, le maire de la COMMUNE DE POULDOURAN a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. X, qui n'est pas un professionnel de l'immobilier, n'a pas commis d'imprudence fautive en accordant crédit au certificat erroné délivré par la commune, attestant de la faisabilité de son projet, et sur la base duquel il a acquis la parcelle susmentionnée en vue d'y construire une maison d'habitation ; que la circonstance que ledit certificat d'urbanisme positif comportait la mention selon laquelle Le terrain est soumis à l'application de la Loi Littoral n'est pas de nature à exonérer, même partiellement, la commune de sa responsabilité, dès lors que le certificat en question comportait, également, les mentions selon lesquelles le terrain peut être utilisé pour la réalisation de l'opération projetée, la construction devra être implantée dans la partie de terrain situé en zone U, et que l'intéressé pouvait, ainsi, légitimement penser qu'aucune de ces mentions ne rendait ce terrain inconstructible ; que, dans ces conditions, la COMMUNE DE POULDOURAN ne saurait, pour se soustraire à sa responsabilité, se prévaloir de la faute qu'aurait commise M. X en n'ayant pas subordonné l'acquisition de la parcelle litigieuse à la condition suspensive de l'obtention d'un permis de construire ; que, si en vertu des dispositions précitées de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, les effets d'un certificat d'urbanisme à l'égard d'une demande ultérieure d'autorisation sont limités à une période de dix-huit mois, ces dispositions ne sauraient avoir pour effet de s'opposer, au-delà de ce délai, à la mise en cause de la responsabilité de l'autorité administrative compétente à raison de l'illégalité de ce certificat ; que la circonstance que M. X pourrait éventuellement exercer une action en nullité devant le juge judiciaire, pour erreur substantielle sur les qualités de l'objet de la vente, n'est, en tout état de cause, pas exclusive d'une action en responsabilité dirigée contre la commune devant la juridiction administrative, en raison de la faute consistant à avoir délivré un certificat d'urbanisme positif erroné ; qu'enfin, pour se soustraire à sa responsabilité à l'égard de M. X, la commune ne saurait se prévaloir de ce que c'est la direction départementale de l'équipement (DDE) qui a instruit, dans le cadre d'une mise à disposition de ses services, la demande de certificat d'urbanisme dont elle était saisie ;

Considérant enfin, que dès lors qu'il résulte de l'instruction que le terrain a été acquis sur le fondement du certificat d'urbanisme erroné concluant à la faisabilité de l'opération envisagée, un lien de causalité direct et certain est établi entre ce certificat fautif et le dommage subi par M. X du fait de l'achat de la parcelle qu'il a cru, à tort, constructible ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'obligation de la COMMUNE DE POULDOURAN présente, dans son principe, un caractère non sérieusement contestable, au sens des dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ;

En ce qui concerne les préjudices :

Considérant qu'eu égard aux conditions dans lesquelles est intervenu l'achat par M. X du terrain susmentionné, les préjudices correspondant à la différence entre la valeur réelle de cette propriété et les coûts exposés pour son acquisition en vue d'y construire, y compris les frais d'acquisition, les frais d'acte et les frais financiers y afférents, doivent être regardés comme directement liés à l'illégalité fautive commise par la COMMUNE DE POULDOURAN ;

Considérant, en premier lieu, que l'acte de vente authentique du terrain stipule un prix de 80 000 euros et que M. X produit une attestation de son notaire, non contestée par la commune, d'où il ressort que le terrain non constructible peut être évalué à 3 000 euros ; que, par suite, la perte de valeur vénale de ce bien doit être évaluée à 77 000 euros ;

Considérant, en second lieu, que les frais d'acquisition exposés et résultant de la prise en compte des 6 627,50 euros de frais d'acte et 7 150 euros de frais d'agence, tels qu'ils ressortent respectivement du décompte du notaire et de l'acte de vente, s'élèvent à 13 777,50 euros ; qu'il convient cependant de déduire de cette somme les frais, d'un montant non contesté de 5 470 euros, qui auraient dû être normalement exposés pour l'acquisition d'un terrain non constructible ; que, par suite, lesdits frais d'acquisition peuvent être évalués à la somme de 8 307,50 euros ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que M. X a contracté un prêt de 80 000 euros pour acquérir le terrain à bâtir litigieux et peut prétendre à l'indemnisation des frais financiers directement liés à son remboursement ; que si le tableau prévisionnel d'amortissement joint au dossier indique un coût total de financement de ce prêt pour un montant de 22 980,40 euros, à raison de 120 échéances mensuelles, seuls les frais financiers effectivement supportés entre le 12 mars 2008, date de la première échéance, et la date de la condamnation prononcée par le présent arrêt, présentent un caractère certain, M. X ayant désormais la possibilité de procéder au remboursement anticipé de son emprunt ; qu'à la date du présent arrêt, M. X justifie s'être acquitté du paiement d' intérêts pendant 44 mois ; qu'il y a lieu, dès lors, de ramener le montant de la provision accordée à ce titre de 22 980,40 euros à 11 736,21 euros, hors frais d'assurances ; que la cour ne disposant pas, par ailleurs, des éléments lui permettant de déterminer le montant du capital restant dû à la date d'un remboursement anticipé du prêt, M. X ne saurait prétendre être indemnisé des frais bancaires liés à un tel remboursement ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE POULDOURAN est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser à M. X une provision d'un montant global de 108 287,50 euros, et à demander que le montant de sa créance non sérieusement contestable soit ramenée à 97 043,71 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. X, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, la somme que la COMMUNE DE POULDOURAN demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en vertu de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la COMMUNE DE POULDOURAN le versement à M. X de la somme de 2 000 euros qu'il demande au titre des frais de même nature qu'il a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme provisionnelle que la COMMUNE DE POULDOURAN a été condamnée à verser à M. X est ramenée de 108 287,50 euros à 97 043,71 euros.

Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rennes du 8 juillet 2011 est réformée en ce qu'elle a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE POULDOURAN est rejeté.

Article 4 : La COMMUNE DE POULDOURAN versera à M. X une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE POULDOURAN et à M. Patrick X.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre b
Numéro d'arrêt : 11NT02013
Date de la décision : 25/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés MINDU
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: Mme BUFFET
Avocat(s) : LAHALLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-11-25;11nt02013 ?
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