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06/10/2011 | FRANCE | N°11NT00666

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 06 octobre 2011, 11NT00666


Vu le recours, enregistré le 28 février 2011, présenté par le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE ; le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 10-4630 du 3 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes annulant son arrêté du 13 octobre 2010 portant à l'encontre de Mme Altun X refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, et l'enjoignant de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, au réexamen de sa situation ;

) de rejeter la demande de Mme X ;

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Vu le recours, enregistré le 28 février 2011, présenté par le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE ; le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 10-4630 du 3 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes annulant son arrêté du 13 octobre 2010 portant à l'encontre de Mme Altun X refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, et l'enjoignant de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, au réexamen de sa situation ;

2°) de rejeter la demande de Mme X ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 septembre 2011 :

- le rapport de M. Hervouet, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Le Bourhis, substituant Me Le Strat, avocat de Mme X ;

Considérant que le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE relève appel du jugement du 3 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a, faisant droit à la demande présentée par Mme X, annulé son arrêté du 13 octobre 2010 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français, au motif qu'il était intervenu à la suite d'une procédure irrégulière, l'avis du médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales d'Ille-et-Vilaine du 28 juillet 2010 ne comportant pas d'indication sur la possibilité pour l'intéressée de voyager sans risque vers la Turquie ;

Considérant, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. (...) ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : Pour l'application du 11º de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...). L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ; que l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions impose au médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales d'émettre un avis, pris sur le fondement d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays, quelle est la durée prévisible du traitement, et indiquant si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers le pays de renvoi ;

Considérant que l'avis du médecin inspecteur de santé publique du 28 juillet 2010, au vu duquel le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE a pris l'arrêté contesté, mentionne que l'état de santé de Mme X nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il ne ressort ni des termes de cet avis, ni des autres pièces du dossier que l'état de santé de Mme X pouvait susciter des interrogations sur sa capacité à supporter le voyage ; qu'en outre, le médecin-inspecteur de santé public n'est tenu d'indiquer la durée prévisible du traitement que dans le cas où l'intéressé ne peut suivre un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, dès lors, une telle obligation ne s'imposait pas en l'espèce ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du PREFET D'ILLE-ET-VILAINE du 16 février 2010, le tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur le motif tiré de ce que ledit arrêté, dans son entier, était intervenu à la suite d'une procédure irrégulière ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par Mme X en première instance et en appel ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le PREFET d'ILLE-ET-VILAINE n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de la requérante ;

Considérant, en deuxième lieu, que si Mme X soutient que la Turquie ne dispose pas des structures que nécessite la prise en charge de sa maladie psychiatrique, ainsi que l'aurait admis le médecin inspecteur de santé publique à deux reprises avant d'émettre un avis contraire, les pièces qu'elle produit, constituées d'ordonnances et certificats médicaux faisant état de désordres métaboliques et d'une surveillance thyroïdienne, n'établissent pas que l'intéressée ne pourrait bénéficier effectivement du traitement nécessaire dans son pays d'origine ; que, par suite, en prenant l'arrêté contesté du 13 octobre 2010, le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que si Mme X est entrée irrégulièrement en France le 25 juin 2008 et s'est mariée avec un ressortissant turc en situation régulière le 18 avril 2009, il est constant qu'elle ne justifie d'aucune communauté de vie avec son époux, dont elle est séparée, et qui vit seul en Allemagne ; qu'elle prétend sans l'établir être bien intégrée en France ; qu'elle ne soutient pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et alors même qu'elle suit des cours de français à l'Université, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour porterait au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par cette décision et méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que Mme X soutient que son arrière grand-oncle a été, au cours des années 1936 à 1938, une des figures de la lutte entre kurdes et turcs, que des membres de sa famille ont été emprisonnés et maltraités par la police turque en raison de leur appartenance à la résistance kurde, et qu'elle-même aurait été arrêtée en 2007 et relâchée le jour même ; que, toutefois, la requérante dont la demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 30 septembre 2008, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 12 mai 2009, ne produit à l'appui de ses affirmations aucun justificatif susceptible d'établir qu'elle courrait personnellement des risques en cas de retour dans son pays ; que, par suite, en fixant la Turquie comme pays de renvoi, le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait estimé lié par les décisions précitées du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 13 octobre 2010 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui annule le jugement attaqué et rejette les conclusions de la demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif de Rennes, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET D 'ILLE-ET-VILAINE de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse au conseil de Mme X la somme qui est demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 10-4630 en date du 3 février 2011 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif de Rennes ainsi que ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et à Mme Altun X.

Une copie sera transmise au PREFET D'ILLE-ET-VILAINE.

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N° 11NT00666 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT00666
Date de la décision : 06/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. Christophe HERVOUET
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : LE STRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-10-06;11nt00666 ?
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