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20/05/2011 | FRANCE | N°10NT00186

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 20 mai 2011, 10NT00186


Vu la requête, enregistrée le 29 janvier 2010, présentée pour la SARL AZ EQUIPEMENT, dont le siège est 8, rue Robert Schumann à Notre-Dame d'Oe (37390), représentée par sa gérante, par Me Laloum, avocat au barreau de Tours ; la SARL AZ EQUIPEMENT demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 08-2019 en date du 27 novembre 2009 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation du marché public de travaux de signalisation horizontale passé le 26 février 2008 par la commune de Tours avec le groupement Traceco-Lesourd et qu'il

a limité à la somme de 2 000 euros le montant de l'indemnité qui lui es...

Vu la requête, enregistrée le 29 janvier 2010, présentée pour la SARL AZ EQUIPEMENT, dont le siège est 8, rue Robert Schumann à Notre-Dame d'Oe (37390), représentée par sa gérante, par Me Laloum, avocat au barreau de Tours ; la SARL AZ EQUIPEMENT demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 08-2019 en date du 27 novembre 2009 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation du marché public de travaux de signalisation horizontale passé le 26 février 2008 par la commune de Tours avec le groupement Traceco-Lesourd et qu'il a limité à la somme de 2 000 euros le montant de l'indemnité qui lui est due par cette commune ;

2°) d'annuler ledit marché ;

3°) de condamner la commune de Tours à lui verser la somme de 123 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de sa demande de première instance, en réparation du préjudice résultant de son éviction illégale du marché ;

4°) d'enjoindre au maire de la commune de Tours de lancer une nouvelle procédure d'appel d'offres, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai ;

5°) subsidiairement, de prononcer la résiliation du contrat en cause, assortie de la même injonction que celle-ci-dessus ;

6°) de mettre à la charge de la commune de Tours le versement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2011 :

- le rapport de M. Gauthier, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Villain, rapporteur public ;

- et les observations de Me Benoit substituant Me Laloum, avocat de la SARL AZ EQUIPEMENT ;

Considérant que la commune de Tours a lancé, au mois de décembre 2007, un appel d'offres ouvert en vue de la passation d'un marché de travaux de signalisation horizontale pour les années 2008 à 2011 ; que, par un courrier du 14 février 2008, la SARL AZ EQUIPEMENT a été informée du rejet de son offre ; que, par un jugement en date du 27 novembre 2009, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation du marché attribué au groupement Traceco-Lesourd et limité à la somme de 2 000 euros le montant de l'indemnité que la commune de Tours a été condamnée à lui verser ; que la SARL AZ EQUIPEMENT interjette appel dudit jugement ; que, par la voie de l'appel incident, la commune de Tours demande à être déchargée de toute condamnation ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, d'une part, qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif d'Orléans n'a pas répondu au moyen invoqué par la SARL AZ EQUIPEMENT, qui n'était pas inopérant, tiré du caractère aberrant de certains prix proposés par le groupement Traceco-Lesourd ;

Considérant, d'autre part, que, dans son mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2008 au greffe du tribunal administratif d'Orléans, la commune de Tours a opposé aux conclusions indemnitaires présentées par la SARL AZ EQUIPEMENT une fin de non-recevoir tirée de l'absence de réclamation préalable à laquelle les premiers juges ont omis de répondre ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et qu'il doit être annulé ; que, par suite, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SARL AZ EQUIPEMENT devant le tribunal administratif d'Orléans ainsi que sur ses conclusions d'appel ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation et de résiliation du marché :

Considérant que selon l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), le bordereau des prix unitaires est une pièce constitutive du marché ; que ce bordereau comporte un prix n° 4, effacement de marquage existant par sablage basse pression ; que le règlement de la consultation a fixé les critères de jugement des offres, en prévoyant notamment que le prix des prestations représenterait 35 % de l'évaluation des offres ; qu'il résulte de l'instruction que le rapport de synthèse, établi par la commission d'appel d'offres, indique que le prix n° 4 a été volontairement retiré du détail estimatif car non représentatif, au motif d'une très grande disparité entre les candidats, et que les totaux n'ont pas tenu compte de ce prix ; qu'en procédant ainsi, cette commission a classé les offres en faisant application d'une méthode irrégulière ; que, toutefois, l'offre du groupement Traceco-Lesourd, réévaluée en intégrant le prix n° 4, aurait obtenu, en suivant la méthode de notation du prix détaillée dans le rapport d'analyse des offres et non contestée, la note pondérée de 2,93 au lieu de 3,08 pour ce qui concerne le prix, et la note globale de 9,29 au lieu de 9,44 ; qu'ainsi, cette offre serait demeurée la mieux classée ; que, par suite, l'irrégularité commise n'a pas eu d'incidence sur le classement des offres et n'est pas de nature à entacher la validité du contrat ;

Considérant que la SARL AZ EQUIPEMENT soutient que certains prix proposés par le groupement Traceco-Lesourd présentaient un caractère aberrant ; que, toutefois, les entreprises candidates à un marché déterminent librement leurs prix, sous réserve de la prohibition des prix abusivement bas ; que la fixation de prix élevés, voire excessifs, par le groupement retenu, pour les prestations nos 11 et 16 à 18 du bordereau des prix, n'était pas, dans les circonstances de l'espèce, de nature à faire regarder comme ayant été méconnus les principes de liberté d'accès à la commande publique et de transparence des procédures rappelés à l'article 1er du code des marchés publics ;

Considérant qu'il n'est pas établi que les quantités appliquées au prix n° 4 ne seraient pas représentatives de la réalité économique, ni que les quantités appliquées au prix n° 11 seraient manifestement sousestimées ; qu'il n'est, d'ailleurs, pas contesté que les quantités appliquées au prix n° 11, implantation et piquetage, sont adaptées à un marché portant essentiellement sur des travaux d'entretien de la signalisation horizontale ;

Considérant qu'à son article 6, le règlement de consultation a indiqué que les délais d'intervention proposés par les candidats seraient détaillés dans l'acte d'engagement et que ce critère entrerait à hauteur de 15 % dans la note totale ; que l'article 2 du CCAP a prévu que l'acte d'engagement est, avec son annexe se rapportant aux délais d'intervention, une pièce constitutive du marché ; que cette annexe imposait que le candidat précise le nombre de jours de délai d'intervention, nécessairement inférieur au délai maximum fixé par la commune, pour chacun des travaux d'entretien, neufs et d'urgence pour mise en sécurité ; que la commission d'appel d'offres s'est bornée, pour chacun des trois types de travaux, à attribuer une note inversement proportionnelle à la durée du délai d'intervention ; que la circonstance que cette méthode de notation n'aurait pas été portée à la connaissance des candidats lors de la procédure de consultation n'est pas de nature à affecter la validité du contrat ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation et de résiliation du marché litigieux présentées par la SARL AZ EQUIPEMENT doivent être rejetées ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ; que le litige se rattachant à des travaux publics, la SARL AZ EQUIPEMENT pouvait, en tout état de cause, en application de ces dispositions, saisir directement le tribunal administratif d'Orléans, sans être tenue de présenter préalablement une réclamation devant l'administration ;

Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce marché, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit, en principe, au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner qu'elle a subi ;

Considérant que si la SARL AZ EQUIPEMENT soutient que l'appel d'offres aurait dû mentionner l'ensemble des recours susceptibles d'être présentés à l'encontre du contrat, y compris celui ouvert aux tiers évincés devant le juge du contrat, que les motifs de rejet de son offre ne lui ont pas été communiqués avec suffisamment de précision et que le rapport de présentation était insuffisant, ces circonstances sont sans incidence sur la régularité de la procédure de passation du marché ; qu'il en est, de même, de l'absence de classement des offres par ordre décroissant, dès lors que les candidats ayant concouru ont bien fait l'objet d'un classement ;

Considérant que si la SARL AZ EQUIPEMENT a produit un constat d'huissier pour contester la valeur technique des prestations réalisées par le titulaire du marché, elle n'établit pas, par cette seule production, postérieure à la procédure d'appel d'offres, que l'appréciation portée par la commission d'appel d'offres sur la qualité des offres serait erronée ;

Considérant qu'à la suite du retrait irrégulier du prix n° 4, l'offre de la société requérante a été écartée par application d'une méthode irrégulière ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit plus haut, cette irrégularité n'a pas modifié le classement des offres ; que, dans ces conditions, la SARL AZ EQUIPEMENT n'était pas dépourvue de toute chance d'obtenir le marché, mais n'avait pas de chance sérieuse de l'emporter ; que, par suite, elle a droit à une indemnité correspondant aux frais qu'elle a inutilement exposés pour participer à l'appel d'offres ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en lui allouant une indemnité de 2 000 euros ; que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2008, date de l'enregistrement de sa demande de première instance ; que si la société AZ EQUIPEMENT a également demandé la capitalisation des intérêts à cette dernière date, ceux-ci n'étaient, toutefois, pas dûs alors au moins pour une année entière ; que, dès lors, cette demande prendra effet à compter du 5 juin 2009 ;

Considérant que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, les conclusions présentées par la commune de Tours et tendant à être déchargée de toute condamnation, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la requête aux fins d'annulation et de résiliation du marché, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions tendant à ce que la cour ordonne, sous astreinte, au maire de la ville de Tours de lancer une nouvelle procédure d'appel d'offres, ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de la SARL AZ EQUIPEMENT et de la commune de Tours les frais exposés par chacune d'elles et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 08-2019 du 27 novembre 2009 du tribunal administratif d'Orléans est annulé.

Article 2 : La commune de Tours est condamnée à payer la somme de 2 000 euros (deux mille euros) à la SARL AZ EQUIPEMENT, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2008. Les intérêts échus le 5 juin 2009 seront capitalisés à cette date, puis à chaque échéance annuelle, pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par la SARL AZ EQUIPEMENT devant le tribunal administratif d'Orléans, ensemble le surplus des conclusions de la requête, sont rejetés.

Article 4 : Les conclusions incidentes de la commune de Tours ainsi que celles présentées par celle-ci et tendant à ce que soit mis à la charge de la SARL AZ EQUIPEMENT le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL AZ EQUIPEMENT, à la commune de Tours et au groupement Traceco-Lesourd.

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N° 10NT00186

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10NT00186
Date de la décision : 20/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PIRON
Rapporteur ?: M. Eric GAUTHIER
Rapporteur public ?: M. VILLAIN
Avocat(s) : LALOUM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-05-20;10nt00186 ?
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