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10/11/2009 | FRANCE | N°08NT02671

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 10 novembre 2009, 08NT02671


Vu la requête enregistrée le 17 septembre 2008, présentée pour l'ASSOCIATION MANCHE NATURE, représentée par son président en exercice, dont le siège est 83, rue Geoffroy de Montbray à Coutances (50200), M. Christophe X, demeurant ..., Mme Edmond X, demeurant ..., M. Alain X, demeurant ... et M. François-Xavier X, demeurant ..., par Me Busson, avocat au barreau de Paris ; l'ASSOCIATION MANCHE NATURE et autres demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-2353 du 15 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulatio

n de l'arrêté du préfet de la Manche du 19 octobre 2006 portant décl...

Vu la requête enregistrée le 17 septembre 2008, présentée pour l'ASSOCIATION MANCHE NATURE, représentée par son président en exercice, dont le siège est 83, rue Geoffroy de Montbray à Coutances (50200), M. Christophe X, demeurant ..., Mme Edmond X, demeurant ..., M. Alain X, demeurant ... et M. François-Xavier X, demeurant ..., par Me Busson, avocat au barreau de Paris ; l'ASSOCIATION MANCHE NATURE et autres demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-2353 du 15 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Manche du 19 octobre 2006 portant déclaration d'utilité publique des acquisitions de terrains et des travaux relatifs à l'aménagement de la route de transit entre Longueville et Avranches et des voies de desserte, et emportant mise en compatibilité des documents d'urbanisme de certaines communes ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et du département de la Manche une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 modifiée, d'orientation des transports intérieurs ;

Vu le décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 relatif aux grands projets d'infrastructures, aux grands choix technologiques et aux schémas directeurs d'infrastructures en matière de transports intérieurs ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 octobre 2009 :

- le rapport de M. Lainé, rapporteur ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- les observations de Me Busson, avocat de l'ASSOCIATION MANCHE NATURE et des consorts X ;

- et les observations de Me Pezin, substituant Me Cabanes, avocat du département de la Manche ;

Connaissance prise de la note en délibéré enregistrée le 13 octobre 2009, présentée pour l'ASSOCIATION MANCHE NATURE et les consorts X ;

Considérant que l'ASSOCIATION MANCHE NATURE et les consorts X interjettent appel du jugement du 15 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Manche du 19 octobre 2006 déclarant d'utilité publique les acquisitions de terrains et les travaux nécessaires à l'aménagement par le département de la Manche de la route de transit entre Longueville et Avranches et des voies de desserte, et emportant mise en compatibilité des documents d'urbanisme de certaines communes ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté contesté :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I. - Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : 1° Une notice explicative ; 2° Le plan de situation ; 3° Le plan général des travaux ; 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; 6° L'étude d'impact définie à l'article R. 122-3 du code de l'environnement, lorsque les ouvrages ou travaux n'en sont pas dispensés ou, s'il y a lieu, la notice exigée en vertu de l'article R. 122-9 du même code ; 7° L'évaluation mentionnée à l'article 5 du décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 pris pour l'application de l'article 14 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, lorsque les travaux constituent un grand projet d'infrastructures tels que défini à l'article 3 du même décret ; qu'aux termes de l'article 14 de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 : Les choix relatifs aux infrastructures, équipements et matériels de transport et donnant lieu à financement public, en totalité ou partiellement, sont fondés sur l'efficacité économique et sociale de l'opération. Ils tiennent compte des besoins des usagers, des impératifs de sécurité et de protection de l'environnement, des objectifs du plan de la Nation et de la politique d'aménagement du territoire, des nécessités de la défense, de l'évolution prévisible des flux de transport nationaux et internationaux, du coût financier et, plus généralement, des coûts économiques réels et des coûts sociaux dont ceux des atteintes à l'environnement. / Les grands projets d'infrastructures et les grands choix technologiques sont évalués sur la base de critères homogènes intégrant les impacts des effets externes des transports relatifs notamment à l'environnement, à la sécurité et à la santé et permettant de procéder à des comparaisons à l'intérieur d'un même mode de transport et entre différents modes ou combinaisons de modes. Ces évaluations sont rendues publiques avant l'adoption définitive des projets concernés (...) ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 17 juillet 1984 pris pour l'application de cet article 14 : Sont considérés comme grands projets d'infrastructures de transports : (...) 3. Les projets d'infrastructures de transport dont le coût est égal ou supérieur à 83 084 714,39 euros ; que l'article 4 du même décret dispose : L'évaluation des grands projets d'infrastructures comporte : 1° Une analyse des conditions et des coûts de construction, d'entretien, d'exploitation et de renouvellement de l'infrastructure projetée ; 2° Une analyse des conditions de financement et, chaque fois que cela est possible, une estimation du taux de rentabilité financière ; 3° Les motifs pour lesquels, parmi les partis envisagés par le maître d'ouvrage, le projet présenté a été retenu ; 4° Une analyse des incidences de ce choix sur les équipements de transport existants ou en cours de réalisation, ainsi que sur leurs conditions d'exploitation, et un exposé sur sa compatibilité avec les schémas directeurs d'infrastructures applicables ; (...) / L'évaluation des grands projets d'infrastructures comporte également une analyse des différentes données de nature à permettre de dégager un bilan prévisionnel, tant des avantages et inconvénients entraînés, directement ou non, par la mise en service de ces infrastructures dans les zones intéressées que des avantages et inconvénients résultant de leur utilisation par les usagers. Ce bilan comporte l'estimation d'un taux de rentabilité pour la collectivité calculée selon les usages des travaux de planification. Il tient compte des prévisions à court et à long terme qui sont faites, au niveau national ou international, dans les domaines qui touchent aux transports, ainsi que des éléments qui ne sont pas inclus dans le coût du transport, tels que la sécurité des personnes, l'utilisation rationnelle de l'énergie, le développement économique et l'aménagement des espaces urbain et rural. (...) / Les diverses variantes envisagées par le maître d'ouvrage d'un projet font l'objet d'évaluations particulières selon les mêmes critères. L'évaluation indique les motifs pour lesquels le projet présenté a été retenu ;

Considérant que le dossier soumis à l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, dans l'un ou l'autre des documents le composant, indique les conditions et coûts de construction de l'infrastructure routière, dont le montant total, voies de desserte comprises, s'élève à 170 millions d'euros, mentionne un coût d'entretien annuel au kilomètre, précise que le département de la Manche, en sa qualité de maître d'ouvrage, assumera seul la charge de cet équipement dans le cadre de ses programmes pluriannuels d'investissement, décrit le contexte des modes de transport existants en précisant l'incidence du projet routier en cause, analyse les avantages et inconvénients du projet en combinant une série de critères économiques, sociaux et environnementaux et en établissant un taux de rentabilité collective pour chacune des sections fonctionnelles de la nouvelle voie routière, et enfin compare les différentes variantes possibles à l'aide de tableaux multicritères en justifiant le choix du projet retenu ; que ledit dossier n'avait pas à exposer les motifs du choix du projet parmi les partis envisagés dès lors que, s'il faisait l'objet de plusieurs variantes, un seul parti avait été prévu ; que si, par ailleurs, le dossier ne précise pas le coût d'exploitation et de renouvellement de l'infrastructure projetée, ne comporte pas d'estimation du taux de rentabilité financière, ni un exposé sur sa compatibilité avec les schémas directeurs d'infrastructures applicables, de telles omissions n'ont pas, eu égard à la nature, à l'importance et au mode de financement de la construction prévue, privé le public de données essentielles à l'appréciation de l'intérêt et des conséquences du projet ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le dossier d'enquête publique aurait méconnu de manière substantielle les exigences de l'article 4 du décret du 17 juillet 1984 ;

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté contesté :

Considérant, en premier lieu, qu'une opération ne peut légalement être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social et les atteintes à d'autres intérêts publics qu'elle comporte, ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la voie Avranches - Longueville constitue en elle-même une infrastructure fonctionnellement autonome devant permettre d'améliorer les conditions de circulation entre le noeud routier d'Avranches et le pôle économique et touristique de Granville ; que les requérants ne sont ainsi pas fondés à soutenir que le projet aurait perdu toute utilité aux motifs qu'il constitue le tronçon sud d'une voie de liaison Coutances - Avranches et que les deux autres sections de cet ensemble ont été abandonnées ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du tableau des nombres moyens de véhicules par jour constatés chaque mois de 1997 à 2007, qu'en dépit d'une diminution du trafic de 2003 à 2006, l'actuelle route départementale 973 connaît de fortes pointes de circulation, entre 12 500 et 15 000 véhicules/jour, de juin à septembre, et un trafic soutenu de 9 800 à 12 000 véhicules/jour les autres mois, et atteint ainsi durant l'été la limite critique de saturation de l'itinéraire à partir de laquelle se multiplient les dysfonctionnements tels que des files d'attente de plusieurs kilomètres ; qu'outre l'importance du trafic, le manque de fluidité de la circulation est aussi imputable à la présence de nombreux véhicules lents, aux possibilités réduites de dépassement, et à la traversée de nombreuses communes, laquelle est également source de nuisances importantes pour les riverains ; que du fait de sa conception en deux fois deux voies séparées avec accès sécurisés, et du contournement des agglomérations, la nouvelle voie de transit permettra d'améliorer la sécurité et la fluidité de la circulation, d'absorber les pointes estivales et d'éliminer les nuisances pour les riverains ; qu'eu égard à l'intérêt général s'attachant à de tels objectifs, le coût de l'opération et les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement, lesquelles font d'ailleurs l'objet de mesures compensatoires décrites dans l'étude d'impact, ne sont pas de nature à lui faire perdre son caractère d'utilité publique ;

Considérant, en second lieu, que si, aux termes de l'article L. 229-1 du code de l'environnement La lutte contre l'intensification de l'effet de serre et la prévention des risques liés au réchauffement climatique sont reconnues priorités nationales, cette disposition ne comporte pas de règle dont la méconnaissance puisse être directement invoquée à l'encontre de la déclaration d'utilité publique d'un projet d'équipement routier ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSOCIATION MANCHE NATURE et les consorts X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par l'ASSOCIATION MANCHE NATURE et les consorts X doivent dès lors être rejetées ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge du département de la Manche les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION MANCHE NATURE, de Mme Edmond X, de M. Christophe X, de M. Alain X et de M. François-Xavier X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département de la Manche tendant à la condamnation de l'ASSOCIATION MANCHE NATURE et des consorts X au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'ASSOCIATION MANCHE NATURE, à M. Christophe X, à Mme Edmond X, à M. Alain X, à M. François Xavier X, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et au département de la Manche.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 08NT02671
Date de la décision : 10/11/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Laurent LAINE
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : CABANES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2009-11-10;08nt02671 ?
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