Vu la requête, enregistrée le 29 août 2008, présentée pour M. Patrick X, demeurant ..., par Me Graveleau, avocat au barreau de Paris ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 06-2378 en date du 7 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1998, 1999 et 2000 ainsi que des pénalités y afférentes, et des cotisations supplémentaires de contributions sociales mises à sa charge au titre des années 1999 et 2000 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 juin 2009 :
- le rapport de Mme Specht, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Hervouet, rapporteur public ;
Considérant que M. X, qui exerce l'activité indépendante de conseil en communication, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité de son activité portant sur les années 1998 et 1999, suivie d'un contrôle sur pièces au titre de l'année 2000, à l'issue desquels l'administration lui a adressé le 23 novembre 2001 une notification de redressements relative à l'année 1998, puis le 1er juillet 2002 deux notifications de redressements relatives respectivement à l'année 1999 et 2000 ; que, par ailleurs, M. et Mme X ont fait l'objet, au titre des mêmes années, d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, à l'issue duquel l'administration leur a notifié le 23 novembre 2001 des redressements sur leur revenu global au titre de l'année 1998 selon la procédure contradictoire et, le 1er juillet 2002, des redressements portant sur des revenus taxés d'office dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales au titre des années 1999 et 2000 ;
Sur la régularité des procédures d'imposition :
En ce qui concerne la vérification de comptabilité :
Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ; que ces dispositions ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit, en principe, se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée et que, dans ce cas, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ; que la vérification de comptabilité n'est toutefois pas entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle s'est déroulée dans les locaux de l'administration, dès lors que cette circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire soit offerte au représentant de l'entreprise vérifiée ;
Considérant qu'il est constant que M. X a demandé à ce que la vérification de comptabilité de son activité indépendante de conseil en communication se déroule dans les locaux de l'administration ; que s'il soutient que seuls deux entretiens ont eu lieu avec le vérificateur les 8 et 27 juin 2001 au cours desquels ont été remis des documents comptables sans qu'aucune discussion ne soit engagée, il résulte de l'instruction que le contribuable ne s'est pas présenté au troisième rendez-vous fixé d'un commun accord le 19 juillet 2001 et a décliné les propositions d'entretiens des 3 et 14 août 2001 pour des raisons de congé dont il n'a précisé les dates que le 9 août 2001 alors que le vérificateur l'avait informé par lettre du 3 août 2001 que les opérations de contrôle seraient clôturées le 14 août suivant ; que dans ces conditions il ne résulte de l'instruction ni que le vérificateur aurait fait preuve de déloyauté en clôturant les opérations de contrôle le 14 août 2001 ni que M. X aurait été privé de la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire ;
Considérant par ailleurs que, alors même que certains documents comptables ont été remis lors des entretiens des 8 et 27 juin 2001, le vérificateur était fondé à dresser un procès verbal de défaut de présentation de comptabilité dès lors que plusieurs documents fondamentaux comme le livre journal et le grand livre n'ont pas été présentés au titre des années 1999 et 2000 et n'ont pas été adressés par la suite ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition du fait d'une contradiction entre la remise de certains documents comptables et le procès verbal de défaut de présentation de comptabilité doit être écarté ;
Considérant en deuxième lieu, qu'en vertu de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, c'est la dernière intervention sur place du vérificateur qui marque l'achèvement de la vérification ; que si l'administration a sollicité par lettre du 26 octobre 2001, soit postérieurement à l'achèvement de la vérification de comptabilité fixé au 14 août 2001, des éléments d'information auprès de la société Jean Plante concernant les sommes versées à M. X au cours des années 1998 à 2000, il résulte de l'instruction que les redressements afférents à l'année 1998, notifiés au contribuable le 23 novembre 2001, ne sont pas fondés sur les renseignements obtenus auprès de cette société, mais sur le rapprochement des recettes déclarées et des crédits bancaires totalisés ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait poursuivi la vérification de comptabilité au-delà de la clôture des opérations de contrôle ;
Considérant en troisième lieu, que s'il incombe à l'administration d'informer le contribuable, dont elle envisage de rectifier les bases d'imposition dans le cadre d'une procédure de redressement contradictoire, de la teneur des renseignements qu'elle a pu recueillir dans l'exercice de son droit de communication ou à toute autre occasion afin que l'intéressé soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que ces documents soient mis à sa disposition, elle n'est tenue à cette obligation qu'en ce qui concerne ceux de ces renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements ;
Considérant que si, dans la notification de redressement du 23 novembre 2001 relative à l'année 1998, l'administration a fait état, en ce qui concerne l'existence de minorations de recettes, de renseignements recueillis auprès de la société Jean Plante, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit plus haut, que le redressement a été fondé sur la discordance constatée entre les crédits bancaires et les recettes hors taxes déclarées, soit une différence de 250 245 F, et non sur les informations recueillies auprès de cette société, lesquelles présentaient un caractère surabondant par rapport aux éléments susmentionnés retenus par le vérificateur ; que, par suite, la circonstance que l'administration n'ait pas donné suite à la demande de M. X d'obtenir communication des documents provenant de cette société n'a pas entaché d'irrégularité la procédure d'imposition ; que par ailleurs, en réponse à la demande de M. X, qui a été informé dans la notification du 1er juillet 2002 relative aux redressements de l'année 1999 de la nature et de la teneur des informations détenues par l'administration relatives aux sociétés AMDP et Synergie, une copie des documents justifiant les éléments en provenance de ces deux sociétés lui a été adressée le 5 septembre 2002, accompagnant la réponse de l'administration à ses observations ; que, par suite le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas transmis les documents demandés manque en fait ;
Considérant enfin, que si, eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification tout ou partie de la comptabilité tenue par l'entreprise vérifiée mais se trouvant chez un tiers, de soumettre l'examen des pièces obtenues à un débat oral et contradictoire avec le contribuable, il n'en est pas de même lorsque lui sont communiqués des documents ne présentant pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise vérifiée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les éléments obtenus par l'administration dans l'exercice de son droit de communication auprès de clients du contribuable ne présentaient pas le caractère de pièces comptables de son activité ; que, par suite l'administration n'était pas tenue de les soumettre à un débat oral et contradictoire ;
En ce qui concerne l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle :
Considérant, en premier lieu, que le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la notification de redressements qui, selon l'article L. 48, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir ; que toutefois, aucune disposition de la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié dans sa version applicable aux redressements en litige rendue opposable à l'administration par l'article L. 10 du livre des procédures fiscales n'impose au vérificateur d'engager un dialogue contradictoire portant sur les discordances qu'il s'apprête à relever avant l'envoi de la demande d'éclaircissements ou de justifications prévue par l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ; qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme X, informés de l'engagement d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle pour les années 1998 à 2000 par un avis du 14 août 2001, se sont vus proposer par trois courriers du vérificateur trois entretiens successifs pour le 23 novembre 2001, 18 décembre 2001 et 5 février 2002, qu'ils n'ont pas honorés ; qu'ils n'ont pas davantage pris contact avec le vérificateur pour lui adresser les informations et documents demandés ; qu'ainsi M. X n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé d'un débat contradictoire que l'administration a tenté d'établir avant même l'envoi le 17 mai 2002 d'une mise en demeure de justifier l'origine et le caractère non imposable de certains crédits bancaires ; que par ailleurs, M. X ne peut utilement invoquer la violation des dispositions de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l'Homme, qui n'est pas applicable à la procédure fiscale d'établissement des impositions en principal ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements (...) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés (...). ; qu'aux termes de l'article L. 16 A du même livre : (...) Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 69 dudit livre : ( ...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales permettent à l'administration de comparer les crédits figurant sur les comptes bancaires ou les comptes courants d'un contribuable au montant brut de ses revenus déclarés pour établir l'existence d'indices de revenus dissimulés l'autorisant à demander à l'intéressé des justifications, mais ne l'obligent pas à procéder à un examen critique préalable de ces crédits, quelles que soient les premières justifications que le contribuable a pu spontanément apporter postérieurement à l'engagement de la vérification, et qui peuvent être de nature à réduire le montant des crédits sur lesquels il sera effectivement interrogé ; que, par ailleurs, lorsque l'administration retient, comme premier terme de comparaison, les crédits figurant sur des comptes bancaires mixtes retraçant indistinctement des mouvements de fonds liés à l'activité professionnelle du contribuable et des opérations étrangères à cette activité, elle doit retenir, comme deuxième terme de comparaison, non le revenu net déclaré, mais le montant brut des recettes professionnelles de l'intéressé ;
Considérant que la demande d'éclaircissements et de justifications qui a été adressée à M. et Mme X le 21 février 2002 s'est limitée à l'examen des comptes bancaires identifiés par le contribuable comme personnels ; que l'administration n'avait pas connaissance à cette date que certains crédits se rapportaient à des recettes professionnelles ; qu'ainsi M. X n'est pas fondé à invoquer la mention, sur la notification de redressement du 1er juillet 2002 relative à la vérification de ses bénéfices non commerciaux de l'année 1999, de l'existence d'encaissements de recettes professionnelles sur son compte Caisse d'Epargne, examiné dans le cadre de l'examen de sa situation fiscale personnelle, pour soutenir que l'administration avait connaissance de l'utilisation de ce compte à usage mixte, un tel élément étant postérieur à l'envoi de la demande d'éclaircissement ; que le moyen tiré de ce que pour apprécier l'existence d'un écart entre les sommes portées au crédit de ses comptes bancaires et les revenus déclarés, l'administration devait tenir compte des recettes non commerciales brutes s'élevant à 878 845 F pour 1999 et 582 787 F pour l'année 2000, doit, par suite, être écarté ; qu'il résulte de l'instruction que les revenus déclarés au titre de l'année 1999 étaient nuls et ceux déclarés au titre de l'année 2000 consistaient en un déficit alors que les sommes portées sur les comptes bancaires retenus par l'administration s'élevaient à 1 274 295 F pour l'année 1999 et à 585 167 F pour l'année 2000 ; que, par suite, les différences constatées autorisaient l'administration à user de la procédure de demande de justifications prévue par l'article L. 16 du livre des procédures fiscale ;
Sur les pénalités :
Considérant que les redressements notifiés en matière de revenus taxés dans la catégorie de revenus d'origine indéterminée ont été assortis de la pénalité pour mauvaise foi en application de l'article 1729 du code général des impôts ;
Considérant que l'administration, qui s'est fondée sur l'importance des redressements notifiés, sur l'absence totale de pièces justificatives et sur le caractère évasif des réponses apportées par le contribuable, ne peut être regardée comme établissant que M. X ne pouvait ignorer le caractère imposable des sommes en litige ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen tiré de l'irrégularité du jugement en tant qu'il a statué sur les pénalités, M. X est fondé à soutenir que l'administration n'établit pas son intention délibérée d'éluder l'impôt, et, par suite, sa mauvaise foi et à demander la décharge des pénalités correspondantes ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté la totalité de sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, soit condamné à payer à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : M. X est déchargé au titre des années 1999 et 2000 des pénalités de mauvaise foi appliquées aux redressements relatifs aux revenus d'origine indéterminée.
Article 2 : Le jugement du 7 juillet 2008 du Tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Patrick X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
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N° 08NT024282
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