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05/05/2009 | FRANCE | N°06NT01954

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 05 mai 2009, 06NT01954


Vu la requête enregistrée le 17 novembre 2006, présentée pour l'ASSOCIATION BRETAGNE VIVANTE SEPNB, représentée par son président en exercice, dont le siège est 186, rue Anatole France BP 63121 à Brest (29231 cedex 03), l'ASSOCIATION LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX, délégation de Loire-Atlantique (LPO 44), représentée par son président en exercice, dont le siège est 13, rue d'Angleterre à Nantes (44000) et l'ASSOCIATION SOS LOIRE VIVANTE, représentée par son président en exercice, dont le siège est 8, rue Crozatier au Puy-en-Velay (43000), par Me Mechinaud, avocat au b

arreau de Nantes ; l'ASSOCIATION BRETAGNE VIVANTE SEPNB et autres d...

Vu la requête enregistrée le 17 novembre 2006, présentée pour l'ASSOCIATION BRETAGNE VIVANTE SEPNB, représentée par son président en exercice, dont le siège est 186, rue Anatole France BP 63121 à Brest (29231 cedex 03), l'ASSOCIATION LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX, délégation de Loire-Atlantique (LPO 44), représentée par son président en exercice, dont le siège est 13, rue d'Angleterre à Nantes (44000) et l'ASSOCIATION SOS LOIRE VIVANTE, représentée par son président en exercice, dont le siège est 8, rue Crozatier au Puy-en-Velay (43000), par Me Mechinaud, avocat au barreau de Nantes ; l'ASSOCIATION BRETAGNE VIVANTE SEPNB et autres demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 03-3611 du 19 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 février 2003 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a autorisé le Port autonome de Nantes-Saint-Nazaire à réaliser un aménagement portuaire sur le site de Donges-est ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 1 500 euros chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le décret n° 93-742 du 29 mars 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 avril 2009 :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort, rapporteur ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- les observations de Me Benech, substituant Me Huglo, avocat du Grand Port maritime de Nantes-Saint-Nazaire ;

- et les observations de M. Jacquet, directeur départemental de l'équipement et de l'agriculture ;

Considérant que l'ASSOCIATION BRETAGNE VIVANTE SEPNB, l'ASSOCIATION LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX, délégation de Loire-Atlantique (LPO 44) et l'ASSOCIATION SOS LOIRE VIVANTE interjettent appel du jugement du 19 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 13 février 2003 autorisant le Port autonome de Nantes-Saint-Nazaire à réaliser les travaux d'extension de ce port sur le site de Donges-est ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par le Grand Port maritime de Nantes-Saint-Nazaire :

Considérant qu'en l'absence, dans les statuts d'une association ou d'un syndicat, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l'organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter en justice cette association ou ce syndicat ;

Considérant, d'une part, qu'en vertu des statuts de l'ASSOCIATION BRETAGNE VIVANTE SEPNB, les actions en justice sont décidées par le conseil d'administration ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'une délibération du 13 septembre 2003 de cet organe autorise le président à représenter l'association en justice "pour obtenir l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique", "devant toute juridiction compétente" ; que l'ASSOCIATION LPO 44 est représentée par son président, lequel détient des statuts de l'association le pouvoir d'agir en justice au nom de l'association ; que les statuts de l'ASSOCIATION SOS LOIRE VIVANTE stipulent que le bureau autorise le président à agir en justice ; qu'en l'espèce, le conseil d'administration, dont émane le bureau a, le 10 octobre 2003, autorisé le président à agir "devant toute juridiction compétente", et le bureau de l'association a, le 19 octobre 2006, autorisé son président à ester en justice ; qu'ainsi, les présidents des associations requérantes ont qualité pour interjeter appel du jugement attaqué au nom de celles-ci ;

Considérant, d'autre part, que pour les mêmes motifs, les présidents desdites associations requérantes avaient qualité pour former, au nom de ces organisations, un recours contre l'arrêté du 13 février 2003 du préfet de la Loire-Atlantique ; que l'absence d'agrément de ces associations, à la supposer avérée, ne les privait pas de la possibilité de former une action en justice ; qu'en outre, la circonstance que l'élection des présidents desdites associations serait intervenue en méconnaissance des règles fixées par leurs statuts ne peut être utilement invoquée pour contester la qualité pour agir desdits présidents ;

Sur la légalité de l'arrêté du 13 février 2003 du préfet de la Loire-Atlantique :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 214-3 du code de l'environnement : "Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter atteinte gravement à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique (...). Les prescriptions nécessaires à la protection des principes mentionnés à l'article L. 211-1, les moyens de surveillance, les modalités de contrôles techniques et les moyens d'intervention en cas d'incident ou d'accident sont fixés par l'arrêté d'autorisation et, éventuellement, par des actes complémentaires pris postérieurement à cette autorisation" ; qu'aux termes de l'article L. 414-4 du même code : "I. Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après "Evaluation des incidences Natura 2000" : (...) 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations (...) VII. - Lorsqu'une évaluation conclut à une atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000 et en l'absence de solutions alternatives, l'autorité compétente peut donner son accord pour des raisons impératives d'intérêt public majeur. Dans ce cas, elle s'assure que des mesures compensatoires sont prises pour maintenir la cohérence globale du réseau Natura 2000. Ces mesures compensatoires sont à la charge de l'autorité qui a approuvé le document de planification ou du bénéficiaire du programme ou projet d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations, de la manifestation ou de l'intervention. La Commission européenne en est tenue informée." ; qu'aux termes de l'article 13 du décret du 29 mars 1993 susvisé, actuellement codifié à l'article R. 214-15 du code de l'environnement : "Les conditions de réalisation, d'aménagement et d'exploitation des ouvrages ou installations, d'exécution des travaux ou d'exercice de l'activité doivent satisfaire aux prescriptions fixées par l'arrêté d'autorisation et, le cas échéant, par les arrêtés complémentaires. / Ces prescriptions tiennent compte, d'une part, des éléments énumérés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement, explicités par les schémas directeurs et les schémas d'aménagement et de gestion des eaux mentionnés aux articles L. 212-1 et L. 212-2, L. 212-3 à L. 212-17 du même code et, le cas échéant, des objectifs de qualité définis par le décret du 19 décembre 1991 susvisé et, enfin, de l'efficacité des techniques disponibles et de leur économie." ;

Considérant que, par l'arrêté contesté du 13 février 2003, le préfet de la Loire-Atlantique a autorisé le Port autonome de Nantes-Saint-Nazaire, aux droits duquel vient le Grand Port maritime de Nantes-Saint-Nazaire, à construire un linéaire de quai de 500 mètres et un terre-plein de 51 hectares sur le site de Donges-est pour constituer un terminal portuaire complet ; que les aménagements nécessaires comportent des accès routier et ferroviaire, quatre digues destinées à contenir les remblais et un poste sablier ; que la création du terre-plein nécessite le remblayage de la surface correspondante de 51 hectares, représentant un volume de 2,5 millions de mètres cubes environ ; qu'il résulte de l'instruction que le site choisi pour ces travaux est inclus dans la zone de protection spéciale désignée en 1997 au titre de la directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages, ainsi que dans le site d'intérêt communautaire "estuaire de la Loire" désigné en 2004 au titre de la directive communautaire du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ; que la zone de protection spéciale susmentionnée a justifié la désignation, par arrêté ministériel du 26 avril 2006, des espaces concernés comme "site Natura 2000 estuaire de la Loire" ;

Considérant qu'il ressort de l'étude d'impact, valant document d'incidence au titre de l'article L. 414-4 du code de l'environnement, que la réalisation du projet litigieux conduirait à la disparition de 26 hectares de vasières et de 22 hectares de roselières, à la perte de mares et de sites de nidification de certains oiseaux ; que, comme le confirme le rapport établi en 1991 par le groupe de travail présidé par M. Marion sur lequel l'étude se fonde, le secteur de l'estuaire de la Loire le plus riche du point de vue écologique se situe à Donges-est à l'endroit même où doivent être réalisés les travaux autorisés par le préfet de la Loire-Atlantique ; que, notamment, les vasières assurent une fonction de nourricerie pour les poissons de mer et que les oiseaux y trouvent, ainsi que dans la vaste roseraie, leur nourriture et un emplacement de repos ; que, dans ces conditions, le projet sus-décrit porte une atteinte majeure aux objectifs de conservation du site Natura 2000 estuaire de la Loire ;

Considérant que l'arrêté préfectoral du 13 février 2003 autorisant l'extension des aménagements portuaires à Donges-est impose des mesures compensatoires tenant en la création dans le site de la percée du Carnet de vasières intertidales et subtidales, d'une surface proche des vasières concernées par le projet, l'extension d'une roselière sur les prés de Loire de l'île Chevalier sur une trentaine d'hectares, la création de mares et de nichoirs artificiels, dont le coût total s'élève à 4,73 millions d'euros ; que la reconstitution des vasières doit être réalisée avant le démarrage des travaux d'extension du port ; que l'arrêté prévoit, en outre, la mise en place d'un fonds d'intervention doté d'une somme de 76 200 euros par an ;

Considérant, sur ce point, qu'il résulte de l'instruction, notamment du compte-rendu des travaux du comité scientifique et technique chargé du suivi et de l'évaluation des mesures compensatoires, prévu par l'article 4 de l'arrêté contesté du 13 février 2003 et effectivement institué par la décision ministérielle d'autorisation des travaux du 5 octobre 2006, que comme le ministre le reconnaît lui-même dans ses mémoires les plus récents, le site du Carnet choisi pour recréer une vasière est éloigné de près de 8 km de celle qui serait supprimée par la réalisation du projet et que la pérennité et la qualité d'une vasière recréée à cet endroit éloigné très en amont de l'estuaire de la Loire ne peut être garantie ; que l'intérêt de l'extension d'une roselière sur l'île Chevalier, qui serait soustraite à l'action des marées et ne se distinguerait pas des roselières banales qui se trouvent sur les rives de Loire, n'est pas davantage établi ; que, dans ces conditions, à supposer même que soient établies l'absence de solutions alternatives et les raisons impératives d'intérêt public majeur justifiant de localiser le projet autorisé dans un secteur dépendant d'un site Natura 2000, les mesures compensatoires prévues par l'article 4 de l'arrêté du 13 février 2003, qui ne permettent pas de recréer des zones humides dans des conditions permettant de garantir le respect des principes mentionnés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement, ne peuvent être regardées comme suffisantes et, en particulier, ne sont pas de nature à maintenir la cohérence globale du réseau Natura 2000, comme l'exigent les dispositions précitées du VII de l'article L. 414-4 du code de l'environnement ; qu'ainsi, eu égard à la situation existante devant être prise en considération à la date du présent arrêt, l'arrêté préfectoral du 13 février 2003 est entaché d'illégalité ;

Considérant, il est vrai, que le ministre fait valoir que le comité scientifique et technique a émis à l'issue de ses travaux le 9 juillet 2008 de nouvelles propositions quant à la teneur des mesures compensatoires, qui ont été transmises à la Commission européenne en réponse à l'avis motivé émis par celle-ci le 5 juin 2008 ; qu'il fait part de l'abandon des mesures compensatoires portant sur la percée du Carnet et la roselière de l'île Chevalier et de l'intention de créer un chenal secondaire au sud du banc de Bilho, une vasière de 37 hectares latéralement à la Loire sur le site des Pierres Rouges à l'ouest du site destiné à accueillir les nouvelles installations, ainsi qu'une phragmitaie de 20 hectares le long de ladite vasière vers l'intérieur des terres ; que, toutefois, les mesures compensatoires initiales prévues par l'article 4 de l'arrêté contesté n'ont pas été abrogées et remplacées par ces nouvelles mesures ; que les propositions susmentionnées sont donc sans incidence sur la légalité de cet arrêté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSOCIATION BRETAGNE VIVANTE SEPNB et autres sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat, qui est partie perdante dans la présente instance, à verser à l'ASSOCIATION BRETAGNE VIVANTE SEPNB et autres une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que ces associations, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, soient condamnées à verser au Grand Port maritime de Nantes-Saint-Nazaire la somme que celui-ci réclame au titre des frais de même nature qu'il a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes du 19 septembre 2006 et l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 13 février 2003 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à l'ASSOCIATION BRETAGNE VIVANTE SEPNB et autres une somme globale de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par le Grand Port maritime de Nantes-Saint-Nazaire sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'ASSOCIATION BRETAGNE VIVANTE SEPNB, à l'ASSOCIATION LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX (LPO 44), à l'ASSOCIATION SOS LOIRE VIVANTE, au Grand Port maritime de Nantes-Saint-Nazaire et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 06NT01954
Date de la décision : 05/05/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: M. Sébastien DEGOMMIER
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : MECHINAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 09/08/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2009-05-05;06nt01954 ?
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