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05/03/2009 | FRANCE | N°08NT00613

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 05 mars 2009, 08NT00613


Vu la requête, enregistrée le 4 mars 2008, présentée pour Mme Jacqueline X, demeurant ..., par la SCP Créance, Ferretti, Hurel, avocats au barreau de Caen ; Mme Jacqueline X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-1605 du 27 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang (EFS) à lui verser la somme de 21 380,23 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis et qu'elle impute à sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condam

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Vu la requête, enregistrée le 4 mars 2008, présentée pour Mme Jacqueline X, demeurant ..., par la SCP Créance, Ferretti, Hurel, avocats au barreau de Caen ; Mme Jacqueline X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-1605 du 27 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang (EFS) à lui verser la somme de 21 380,23 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis et qu'elle impute à sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamner l'EFS à lui verser la somme de 18 000 euros au titre de ses préjudices personnels pour la période allant de l'année 1993 au mois d'août 2006, la somme de 3 321,90 euros au titre des frais d'expertise, ainsi qu'une somme de 58,33 euros au titre des dépens afférents à l'instance civile de référé, et de réserver le cas échéant l'indemnisation de ses préjudices en cas d'aggravation et de consolidation de son état ;

3°) de mettre à la charge de l'EFS une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959, modifiée, relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 février 2009 :

- le rapport de Mme Dorion, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Geffray, rapporteur public ;

Considérant que Mme X a constaté sa contamination par le virus de l'hépatite C le 8 novembre 1993 ; qu'elle recherche la responsabilité de l'Etablissement français du sang (EFS) du fait de sa contamination qu'elle impute à des transfusions reçues au centre hospitalier de Caen en décembre 1981, lors de l'accouchement de son deuxième enfant, et en janvier 1985, à l'occasion d'une fracture du fémur ; qu'elle relève appel du jugement du 27 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que, lorsque la victime d'un accident est un agent de l'Etat, l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959, relative aux actions en réparation civile de l'Etat, crée pour le juge administratif l'obligation de mettre en cause l'Etat en vue de l'exercice par celui-ci, de l'action subrogatoire qui lui est ouverte de plein droit par l'article 1er de la même ordonnance, contre le tiers responsable de l'accident ;

Considérant que, dans sa requête présentée au Tribunal administratif de Caen, Mme X a indiqué sa qualité d'agent de l'Etat ; que les premiers juges se sont abstenus de mettre régulièrement en cause l'Etat en communiquant la demande au garde des sceaux, ministre de la justice ; qu'ainsi, le tribunal administratif ayant méconnu les dispositions précitées de l'ordonnance du 7 janvier 1959, le jugement attaqué doit être annulé ;

Considérant que la Cour ayant communiqué la requête au garde des sceaux, ministre de la justice, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions des parties ;

Sur la responsabilité :

Considérant que les établissements qui élaborent les médicaments ou produits dérivés du sang sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité de ces médicaments ou produits ; que l'EFS est substitué dans les droits et obligations des centres de transfusion sanguine ;

Considérant que l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé dispose que : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. (...) ; qu'il incombe donc au demandeur d'établir l'existence de la transfusion qu'il prétend avoir subie, selon les règles de droit commun gouvernant la charge de la preuve devant le juge administratif ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de la lettre adressée le 12 août 1993 par le professeur Y, chef du service de gynécologie obstétrique du centre hospitalier de Caen, au docteur Z, médecin traitant de Mme X, suite à sa demande, que celle-ci a subi une transfusion sanguine le 9 décembre 1981 au décours de l'accouchement de son deuxième enfant ; que Mme X doit, par conséquent, être regardée comme rapportant la preuve de l'existence de cette transfusion ; que, dès lors que l'EFS ne rapporte pas la preuve de l'innocuité des produits sanguins reçus par la requérante lors de cette transfusion, le lien de causalité entre cette transfusion et la contamination de Mme X doit être regardé comme établi en vertu des dispositions susrappelées de la loi du 4 mars 2002, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'hypothèse d'une contamination par voie nosocomiale ne peut être formellement exclue ; que Mme X est, par suite, fondée à soutenir que l'EFS doit être condamné à l'indemniser des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

Sur l'évaluation des préjudices :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du III de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006, applicable aux événements ayant occasionné des dommages survenus antérieurement à son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une décision passée en force de la chose jugée, le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;

Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode sus-décrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;

En ce qui concerne les dépenses de santé :

Considérant qu'au titre des dépenses de santé, la caisse primaire d'assurance maladie

(CPAM) du Calvados produit sa créance portant sur des frais médicaux et pharmaceutiques, des frais d'hospitalisation et des frais de transport, pour un montant total de 22 970,65 euros ; que toutefois, il y a lieu de limiter l'évaluation de ce poste de préjudice à la somme demandée par la CPAM du Calvados de 22 878,20 euros ;

En ce qui concerne les autres préjudices patrimoniaux :

Considérant qu'au titre des autres dépenses liées au dommage corporel, Mme X peut prétendre au remboursement des frais d'expertise judiciaire exposés dans le cadre de l'instance civile par ordonnance de référé du 6 novembre 2003 pour la somme de 3 321,90 euros ; qu'en revanche, les dépens afférents à cette instance, dont le montant s'élève à la somme de 58,33 euros sont dépourvus de liens direct avec la relation de cause à effet existant entre les transfusion et contamination dont s'agit ; que Mme X ne peut donc prétendre au remboursement de cette somme ;

En ce qui concerne les préjudices personnels :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X, âgée de quarante-cinq ans à la date à laquelle a été posé le diagnostic de sa contamination par le virus de l'hépatite C, a souffert d'une hépatite chronique évolutive ; qu'elle a dû subir deux ponctions biopsies hépatiques en 1994 et 1999 ; que son état de santé s'est aggravé postérieurement au rapport d'expertise déposé le 7 juillet 2004 par le professeur A avant d'évoluer vers une apparente guérison, ainsi qu'un traitement par bithérapie ayant nécessité son placement en congé de longue maladie du 7 juin 2006 au 7 septembre 2007, puis la reprise de son activité professionnelle à mi-temps thérapeutique durant six mois ; qu'à l'issue de ce traitement, l'état virologique de la requérante est stabilisé en dessous du seuil de détection ; que, compte tenu des souffrances physiques endurées par Mme X, évaluées à 1,5 sur une échelle de 1 à 7, de son préjudice moral et des troubles qu'elle subit dans ses conditions d'existence, incluant son préjudice d'agrément caractérisé par une grande fatigabilité et une diminution de ses activités, il sera fait une juste appréciation des préjudices personnels qu'elle a subis, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires, en évaluant ce chef de préjudice, à la somme qu'elle demande de 18 000 euros ;

Sur les droits de Mme X :

Considérant que Mme X a droit à l'indemnisation des frais restés à sa charge et de ses préjudices personnels, soit la somme de 21 321,90 euros ;

Sur les droits de la CPAM du Calvados :

Considérant que la CPAM du Calvados, qui a supporté des débours au titre du poste dépenses de santé pour la somme qu'elle demande de 22 878,20 euros, a droit au remboursement, par l'EFS, de cette somme ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EFS, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme X et non compris dans les dépens et une somme de 800 euros au titre des frais exposés par la CPAM du Calvados ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 27 décembre 2007 du Tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : L'EFS est condamné à verser à Mme X la somme de 21 321,90 euros (vingt et un mille trois cent vingt et un euros et quatre-vingt-dix centimes).

Article 3 : L'EFS est condamné à verser à la CPAM du Calvados la somme de 22 878,20 euros (vingt-deux mille huit cent soixante-dix-huit euros et vingt centimes).

Article 4 : L'EFS versera à Mme X la somme de 2 000 (deux mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : L'EFS versera à la CPAM du Calvados la somme de 800 (huit cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Jacqueline X, à la CPAM du Calvados et à l'EFS.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 08NT00613
Date de la décision : 05/03/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LOOTEN
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. GEFFRAY
Avocat(s) : HUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2009-03-05;08nt00613 ?
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