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29/07/2008 | FRANCE | N°07NT03483

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 29 juillet 2008, 07NT03483


Vu la requête enregistrée le 22 novembre 2007, présentée pour la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE (SCI) GRAND LARGE, représentée par son gérant en exercice, dont le siège est Route de Caen à Ouistreham (14150), par Me Foussard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la SCI GRAND LARGE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-128 du 21 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 octobre 2005 par lequel le préfet du Calvados a déclaré d'utilité publique, en vue de l'applicat

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Vu la requête enregistrée le 22 novembre 2007, présentée pour la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE (SCI) GRAND LARGE, représentée par son gérant en exercice, dont le siège est Route de Caen à Ouistreham (14150), par Me Foussard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la SCI GRAND LARGE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-128 du 21 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 octobre 2005 par lequel le préfet du Calvados a déclaré d'utilité publique, en vue de l'application de servitudes, les travaux d'établissement de la canalisation destinée à alimenter en gaz naturel la société Gastronomie des Fjords ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) de condamner la société Gaz de France à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu la loi du 15 juin 1906 ;

Vu la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 ;

Vu le décret n° 70-492 du 11 juin 1970 ;

Vu l'arrêté ministériel du 22 juin 1998 relatif aux réservoirs enterrés de liquides inflammables et à leurs équipements annexes ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2008 :

- le rapport de M. Degommier, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par jugement du 21 septembre 2007, le Tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE (SCI) GRAND LARGE tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 octobre 2005 par lequel le préfet du Calvados a déclaré d'utilité publique, en vue de l'application de servitudes, les travaux d'établissement de la canalisation destinée à alimenter en gaz naturel la société Gastronomie des Fjords ; que la SCI GRAND LARGE interjette appel de ce jugement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, pour écarter le moyen tiré, par la SCI GRAND LARGE, de ce que l'arrêté contesté méconnaîtrait les stipulations de l'article 1er du protocole n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le tribunal administratif a relevé que l'entreprise destinée à être desservie par la canalisation litigieuse est enclavée et ne peut être desservie que par les parcelles dont la SCI GRAND LARGE est propriétaire, que l'institution des servitudes litigieuses ne donne lieu à aucune dépossession et que l'opération, réalisée par la société Gaz de France dans le cadre de sa mission de service public, n'est pas dépourvue d'utilité publique ; qu'il a, ce faisant, suffisamment motivé son jugement ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté ;

Sur la légalité de l'arrêté déclaratif d'utilité publique du 4 octobre 2005 :

Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 susvisée, sur les distributions d'énergie : “La déclaration d'utilité publique investit le concessionnaire ou titulaire d'une autorisation de transport de gaz naturel, pour l'exécution des travaux dépendant de la concession ou autorisation de transport de gaz naturel, de tous les droits que les lois et règlements confèrent à l'administration en matière de travaux publics. Le concessionnaire ou titulaire d'une autorisation de transport de gaz naturel demeure en même temps soumis à toutes les obligations qui dérivent, pour l'administration, de ces lois et règlements. (...) La déclaration d'utilité publique d'une distribution d'énergie confère, en outre, au concessionnaire ou titulaire d'une autorisation de transport de gaz naturel le droit : (...) 3° D'établir à demeure des canalisations souterraines, ou des supports pour conducteurs aériens, sur des terrains privés non bâtis, qui ne sont pas fermés de murs ou autres clôtures équivalentes. L'exécution des travaux (...) n'entraîne aucune dépossession ; la pose d'appuis sur les murs ou façades ou sur les toits ou terrasses des bâtiments ne peut faire obstacle au droit du propriétaire de démolir, réparer ou surélever. La pose des canalisations ou supports dans un terrain ouvert et non bâti ne fait pas non plus obstacle au droit du propriétaire de se clore ou de bâtir (...)” ; qu'aux termes de l'article 35 de la loi du 8 avril 1946 susvisée, sur la nationalisation de l'électricité et du gaz : “Les servitudes d'ancrage, d'appui, de passage, d'abattage d'arbres, d'aqueduc, de submersion et d'occupation temporaire s'appliquent dès la déclaration d'utilité publique des travaux. Un décret déterminera les formes de la déclaration d'utilité publique des travaux qui ne nécessitent que l'établissement de servitudes et n'impliquent aucun recours à l'expropriation. Ce décret fixera également les conditions d'établissement desdites servitudes” ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 11 juin 1970 susvisé, pris pour l'application de l'article 35 précité de la loi du 8 avril 1946 : “Les demandes ayant pour objet la déclaration d'utilité publique des ouvrages d'électricité et de gaz en vue de l'établissement de servitudes sans recours à l'expropriation sont instruites dans les conditions déterminées respectivement : 1° Par les dispositions du chapitre Ier en ce qui concerne : - les ouvrages de distribution publique d'électricité et de gaz (...)” ; qu'aux termes de l'article 4 dudit décret : “La déclaration d'utilité publique est prononcée par arrêté préfectoral (...)” ;

Considérant, en premier lieu, que si la SCI GRAND LARGE soutient que l'arrêté du 4 octobre 2005 contesté ne donne aucune précision sur les parcelles sur lesquelles seraient autorisés les travaux d'établissement de la canalisation litigieuse, elle n'invoque, à l'appui de ce moyen, la méconnaissance d'aucune disposition législative ou réglementaire ; qu'au demeurant, il résulte des dispositions des articles 11 et suivants du décret du 11 juin 1970 susvisé que l'arrêté déclarant d'utilité publique les travaux d'établissement de la canalisation de gaz doit être suivi d'un arrêté instituant les servitudes sur les parcelles qu'il désigne, au vu des résultats d'une enquête publique ; que l'arrêté du 30 septembre 2006 du préfet du Calvados, instituant les servitudes de passage de la canalisation litigieuse, désigne avec précision le tracé de la canalisation et les parcelles concernées par lesdites servitudes ; que, dans ces conditions, la circonstance que l'arrêté déclaratif d'utilité publique contesté ne désigne pas les parcelles concernées ne saurait entacher la procédure d'irrégularité ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée ou à des intérêts généraux, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social qu'elle comporte ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les travaux d'établissement d'une canalisation, en vue de l'institution de servitudes, autorisés par l'arrêté contesté en application des dispositions précitées, sont destinés à permettre l'alimentation en gaz naturel de la société Gastronomie des Fjords, dont la parcelle est enclavée, et présentent, en eux-mêmes, un caractère d'utilité publique ; que cet arrêté n'emporte aucune privation du droit de propriété, mais se borne à instituer des servitudes ; que si la requérante soutient que la canalisation aurait pu emprunter un autre tracé, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur l'opportunité du tracé choisi par l'administration ; qu'il ressort, également, des pièces du dossier que le tracé de la canalisation de gaz litigieuse est distant de plusieurs mètres des cuves et installations de distribution de carburant installées sur les parcelles dont la SCI GRAND LARGE est propriétaire et respecte, ce faisant, les dispositions de l'arrêté ministériel du 22 juin 1998 susvisé imposant une distance minimale de 0,50 mètres entre les canalisations de gaz et les réservoirs enterrés de liquides inflammables ; que l'allégation selon laquelle “la présence de deux produits inflammables est susceptible, en cas d'accident, de créer une explosion beaucoup plus importante qu'à l'ordinaire” n'établit pas la réalité d'un risque d'explosion induit par la présence, dans les conditions sus-relatées, de la canalisation litigieuse ; qu'il n'est pas davantage établi que le passage de la canalisation, qui n'empiète que de façon limitée un angle de la parcelle cadastrée à la section AW sous le n° 200 appartenant à la société requérante, est de nature à nuire à l'exploitation de la station service installée sur cette parcelle et, ce faisant, à l'activité économique de l'exploitant ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que les inconvénients limités présentés par le projet litigieux seraient excessifs au regard des avantages qu'il comporte et, en conséquence, de nature à le priver de son caractère d'utilité publique ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : “Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.” ; qu'il résulte des développements qui précèdent relatifs à l'utilité publique du projet que l'arrêté contesté n'a pas été pris en méconnaissance de ces stipulations ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI GRAND LARGE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que la société Gaz réseau distribution de France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la SCI GRAND LARGE la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner la SCI GRAND LARGE à verser à la société Gaz réseau distribution de France une somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature exposés par cette dernière ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI GRAND LARGE est rejetée.

Article 2 : La SCI GRAND LARGE versera à la société Gaz réseau distribution de France une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE GRAND LARGE, au ministre de l'intérieur, de l'outre mer et des collectivités territoriales et à la société Gaz réseau distribution de France.

N° 07NT03483

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 07NT03483
Date de la décision : 29/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: M. Sébastien DEGOMMIER
Rapporteur public ?: M. ARTUS
Avocat(s) : FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2008-07-29;07nt03483 ?
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