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29/07/2008 | FRANCE | N°07NT03351

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 29 juillet 2008, 07NT03351


Vu le recours enregistré le 12 novembre 2007, présenté par le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES ; le ministre d'Etat demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 04-4682 du 11 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de la société à responsabilité limitée (SARL) Energie Eolienne, l'arrêté du 29 octobre 2004 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de l'édification de quatre éoliennes au lieudit “Kermenguy” sur le t

erritoire de la commune de Beuzec-Cap-Sizun ;

2°) de rejeter la demande de l...

Vu le recours enregistré le 12 novembre 2007, présenté par le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES ; le ministre d'Etat demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 04-4682 du 11 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de la société à responsabilité limitée (SARL) Energie Eolienne, l'arrêté du 29 octobre 2004 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de l'édification de quatre éoliennes au lieudit “Kermenguy” sur le territoire de la commune de Beuzec-Cap-Sizun ;

2°) de rejeter la demande de la société Energie Eolienne présentée devant le Tribunal administratif de Rennes ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le décret n° 98-865 du 23 septembre 1998 fixant les missions, la composition, le mode de désignation et les modalités de fonctionnement des commissions départementales des sites, perspectives et paysages et de la commission supérieure des sites, perspectives et paysages ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2008 :

- le rapport de Mme Buffet, rapporteur ;

- les observations de M. Fouquat, gérant de la société Energie Eolienne ;

- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par jugement du 11 septembre 2007, le Tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de la société à responsabilité limitée (SARL) Energie Eolienne, l'arrêté du 29 octobre 2004 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de l'édification de quatre éoliennes au lieudit “Kermenguy” sur le territoire de la commune de Beuzec-Cap-Sizun ; que le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES interjette appel de ce jugement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée au recours du MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES par la société Energie Eolienne :

Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article R. 600-3 du code de l'urbanisme : “En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d'aménager ou de démolir. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif (...)” ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un refus de permis de construire ne constitue pas une décision entrant dans le champ d'application de l'article R. 600-3 du code de l'urbanisme ; que, par suite, l'appel dirigé contre un jugement ayant statué sur la légalité d'une décision de refus de permis de construire n'est pas assujetti au respect des formalités de notification prévues à l'article R. 600-3 du code de l'urbanisme ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir opposée par la société Energie Eolienne et tirée de ce que le recours du ministre tendant à l'annulation du jugement du 11 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 29 octobre 2004 du préfet du Finistère refusant de délivrer à ladite société un permis de construire, n'a pas été précédé des formalités prévues à l'article R. 600-3 du code de l'urbanisme, doit être écartée ;

Sur la légalité de l'arrêté du 29 octobre 2004 du préfet du Finistère :

Considérant que pour annuler l'arrêté du 29 octobre 2004 par lequel le préfet du Finistère a refusé de délivrer à la société Energie Eolienne un permis de construire en vue de l'édification de quatre éoliennes au lieudit “Kermenguy” sur le territoire de la commune de Beuzec-Cap-Sizun, le Tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur ce que cet arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : “Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales.” ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de la société Energie Eolienne consiste en l'édification de quatre éoliennes culminant à une hauteur variant entre 168 et 174 mètres NGF, dotées de pâles mesurant 64 mètres de diamètre, sur le territoire de la commune de Beuzec-Cap-Sizun, à proximité immédiate du site du Cap Sizun, classé en “zone de protection spéciale” (ZPS FR53110055) au titre du réseau Natura 2000, le long de la route conduisant à la pointe du Raz, sur une ligne de crête de 85 mètres d'altitude, dans un secteur à dominante naturelle répertorié parmi les “unités paysagères emblématiques” du littoral breton, dominant la baie de Douarnenez distante de seulement 1 200 mètres ; que si la société requérante fait valoir qu'il existe déjà, à deux kilomètres à l'ouest du site destiné à recevoir les éoliennes litigieuses, huit éoliennes de même type constituant le parc éolien de Goulien, et à deux kilomètres à l'ouest, une éolienne sise au lieudit “Pors-Piron”, dans la continuité desquelles elle soutient que s'inscrivent les constructions projetées, il ressort, toutefois, des pièces du dossier que le projet de construction de quatre nouvelles éoliennes, dont les dimensions sont supérieures à celles des installations existantes et dont l'implantation est prévue très précisément entre les deux sites de Goulien et de Pors-Piron, en co-visibilité avec ces derniers, alors qu'il n'est, ni établi, ni même allégué, que ledit projet aurait été précédé d'une réflexion d'ensemble portant sur son intégration avec le parc éolien de Goulien, est de nature à provoquer une transformation importante du paysage en modifiant, notamment, les perspectives naturelles remarquables qui s'ouvrent sur la baie ; qu'ainsi, eu égard à leur dimension, à leur situation sur une ligne de crête dans un site naturel remarquable, à leur implantation dans le voisinage d'autres installations du même type dont la présence ne saurait servir d'argument à l'aggravation d'une situation actuelle d'atteinte déjà causée à la qualité des sites et paysages naturels existants, les constructions projetées, quand bien même ce projet aurait reçu l'avis favorable de la commune de Beuzec-Cap-Sizun, doivent être regardées comme portant une atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux justifiant un refus de permis de construire sur le fondement des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Rennes a estimé que le préfet du Finistère a commis une erreur d'appréciation en refusant de délivrer, pour ce motif, à la société Energie Eolienne, le permis de construire quatre éoliennes qu'elle sollicitait ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la société Energie Eolienne devant le Tribunal administratif de Rennes ;

Considérant que l'arrêté préfectoral du 29 octobre 2004 litigieux a été pris après consultation de la commission départementale des sites, perspectives et paysages du Finistère, laquelle a émis, le 6 octobre 2004, un avis défavorable au projet ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 du décret du 2 septembre 1998 susvisé, alors en vigueur : “La commission des sites, perspectives et paysages instituée dans chaque département est composée de quatre formations : la formation dite “des sites et paysages”, la formation dite “de la protection de la nature”, la formation dite “de la faune sauvage captive” et la formation dite “de la publicité”. Elle est chargée : I. - Dans sa formation dite “des sites et paysages” : 1° De veiller sur les sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque du département et d'intervenir à cet effet toutes les fois que ceux-ci sont menacés (...) ; 5° D'émettre un avis sur les questions relatives aux sites et paysages dont elle est saisie par le ministre chargé des sites ou par le préfet. Le préfet peut notamment la consulter sur les projets de travaux en site inscrit ainsi que sur tout projet dont l'importance des effets sur le paysage justifie sa consultation (...)” ; qu'en décidant de consulter la commission départementale des sites, perspectives et paysages du Finistère, sur le projet de construction de quatre éoliennes sur le territoire de la commune de Beuzec-Cap-Sizun, dans le secteur sus-décrit dont le caractère remarquable vient d'être souligné, le préfet du Finistère, dont il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il se serait estimé lié par l'avis défavorable du 6 octobre 2004 rendu par ladite commission, n'a pas, contrairement à ce que soutient la société Energie Eolienne, entaché son arrêté d'irrégularité ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du compte-rendu de la réunion tenue le 6 octobre 2004 par la commission départementale des sites, perspectives et paysages du Finistère, que pour émettre un avis défavorable au projet litigieux, la commission a pris en compte la “grande sensibilité du site aux abords d'un site emblématique dans un secteur qui surplombe la baie de Douarnenez et qui est très visible”, ainsi que l'absence de cohérence du projet avec le parc éolien de Goulien qui pose “la question de l'image de l'éolien à travers cette localisation le long de la route très fréquentée et très connue qui mène à la pointe du Raz” ; qu'en se fondant sur de tels motifs, ladite commission n'a pas entaché d'illégalité l'avis défavorable qu'elle a émis sur le projet en cause ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de la société Energie Eolienne, l'arrêté du 29 octobre 2004 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de l'édification de quatre éoliennes au lieudit “Kermenguy” sur le territoire de la commune de Beuzec-Cap-Sizun ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la société Energie Eolienne, la somme que cette dernière demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 11 septembre 2007 du Tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Energie Eolienne devant le Tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la société Energie Eolienne tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE et à la société à responsabilité limitée Energie Eolienne.

Une copie en sera, en outre, adressée à la commune de Beuzec-Cap-Sizun (Finistère).

N° 07NT03351

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 07NT03351
Date de la décision : 29/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. ARTUS
Avocat(s) : SARBIB

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2008-07-29;07nt03351 ?
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