Vu la requête enregistrée le 2 octobre 2007, présentée pour la COMMUNE DE SARZEAU (Morbihan), représentée par son maire en exercice, par Me Coudray, avocat au barreau de Rennes ; la COMMUNE DE SARZEAU demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'annuler l'ordonnance n° 07-3435 du 19 septembre 2007 par laquelle le président du Tribunal administratif de Rennes, statuant en référé, l'a condamnée à verser à M. et Mme X une provision de 50 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2006, à valoir sur la réparation du préjudice résultant de la faute commise par le maire en leur délivrant un certificat d'urbanisme positif du 16 mars 2004 illégal ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme X devant le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes ;
3°) subsidiairement, de l'exonérer totalement ou en partie de sa responsabilité et de condamner l'Etat à la garantir de sa condamnation ;
4°) de condamner M. et Mme X à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 février 2008 :
- le rapport de M. Dupuy, président-rapporteur ;
- les observations de Me Dausque, substituant Me Coudray, avocat de la COMMUNE DE SARZEAU ;
- les observations de Me Donias, substituant Me Martin, avocat de M. et Mme X ;
- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par ordonnance du 19 septembre 2007, le président du Tribunal administratif de Rennes, statuant en référé, a condamné la COMMUNE DE SARZEAU (Morbihan) à verser à M. et Mme X une provision de 50 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2006, à valoir sur la réparation du préjudice qu'ils ont supporté du fait de la délivrance, par le maire de cette commune, d'un certificat d'urbanisme positif du 16 mars 2004 illégal ; que la COMMUNE DE SARZEAU interjette appel de cette ordonnance ; que, pour leur part, M. et Mme X demandent, par la voie de l'appel incident, que le montant de la provision qui leur a été allouée par ladite ordonnance soit porté à la somme de 84 730,12 euros ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : “Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...)” ;
Sur l'existence d'une obligation non sérieusement contestable :
Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme : “L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement (...)” ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par acte authentique du 22 juin 2004, M. et Mme X ont acquis, au prix de 60 980 euros, une parcelle de terrain nu située sur le territoire de la COMMUNE DE SARZEAU au lieudit “Folle Perdrix”, où elle est cadastrée à la section F sous le n° 868 pour une superficie de 1 418 m² ; qu'à l'acte de vente était annexé un certificat d'urbanisme du 16 mars 2004 délivré par le maire de Sarzeau précisant que le terrain pouvait être utilisé pour la construction d'une habitation de deux niveaux comportant trois chambres et présentant une surface hors oeuvre brute de 150 m² et une emprise au sol de 75 m² ; qu'il ressort des documents graphiques produits au dossier que le terrain en cause est situé dans une zone naturelle de cette commune littorale où les rares constructions existantes, éparses, ne sauraient être regardées comme constituant une agglomération ou un village, au sens des dispositions précitées de l'article L. 146-4-I du code de l'urbanisme, en continuité desquels une extension de l'urbanisation par la construction d'une maison d'habitation telle que celle sus-décrite peut être autorisée ; que deux refus de permis de construire des 28 octobre 2005 et 11 mai 2007 ont, d'ailleurs, été opposés pour ce motif par le maire de Sarzeau à M. et Mme X, ; que, dès lors, en indiquant dans le certificat d'urbanisme du 16 mars 2004 que le terrain en cause pouvait accueillir l'opération projetée, alors que les dispositions de l'article L. 146-4-I du code de l'urbanisme s'opposaient à ce qu'une construction pût y être autorisée, le maire a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;
Considérant, en outre, que la production du certificat d'urbanisme positif du 16 mars 2004 lors de la vente du terrain litigieux conférait à la transaction la sécurité juridique requise ; que, dès lors, aucun des agissements ou omissions invoqués par la commune n'est constitutif d'une faute de la victime ou d'un tiers de nature à exonérer, même en partie, cette collectivité publique de son obligation de réparation du préjudice ;
Considérant, enfin, que le préjudice dont se prévalent M. et Mme X réside, non dans le caractère inconstructible du terrain en cause, ni dans la diminution de sa valeur vénale, mais dans l'acquisition de ce terrain au prix du m² constructible, à laquelle les intéressés ont été encouragés par les dispositions d'un certificat d'urbanisme positif concluant à la constructibilité dudit terrain pour le projet de construction envisagé ; que ce préjudice trouve donc directement son origine dans le certificat d'urbanisme positif du 16 mars 2004 délivré à tort par le maire de Sarzeau ; que, dès lors, le moyen tiré de l'application des dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme posant le principe de la non-indemnisation des servitudes d'urbanisme, au rang desquelles figure l'interdiction de construire dans certaines zones, est inopérant ;
Considérant, dans ces conditions, que l'obligation à la charge de la COMMUNE DE SARZEAU n'est pas sérieusement contestable ;
Sur le préjudice :
En ce qui concerne le préjudice matériel :
Considérant, d'une part, que par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif a estimé à 50 000 euros, frais et charges d'emprunt inclus, le préjudice subi par M. et Mme X constitué par la différence entre le prix de 60 980 euros de la parcelle de 1 418 m² qu'ils ont acquise au prix du terrain constructible dans le secteur concerné de la COMMUNE DE SARZEAU et la valeur réelle de ladite parcelle fixée au prix du terrain non constructible dans ce même secteur ; que si, pour contester le bien-fondé de cette estimation, la COMMUNE DE SARZEAU produit devant la Cour une attestation notariale du 22 décembre 2007 indiquant qu'un “terrain situé en secteur ND1 à la Brousse (...) se négocie sur la base de 50 euros le m²”, ainsi qu'une publicité émanant d'une agence immobilière concernant la vente d'un terrain “classé en zone de loisirs” dans ce secteur du bord de mer, il est constant que le terrain des requérants est éloigné du secteur justifiant ces estimations divergentes, avec lequel il n'a aucun point commun puisque situé au lieudit “Folle Perdrix”, qui est très à l'écart du rivage de la mer ; qu'ainsi, la COMMUNE DE SARZEAU ne saurait utilement se référer à de tels documents pour contester le montant de 50 000 euros de la provision litigieuse ; qu'en se bornant, pour leur part, à soutenir que ce même montant serait insuffisant et devrait être porté à 59 562 euros sans assortir le prix, dont ils se prévalent, d'un euro le m² de terrain non constructible dans le secteur concerné, des justificatifs propres à en établir la pertinence, M. et Mme X ne sauraient davantage prétendre à ladite somme de 59 562 euros qu'ils demandent à ce titre ;
Considérant, d'autre part, que les frais de bornage, de débroussaillage, de raccordement au réseau d'eau potable et d'aménagement des voies d'accès, ainsi que les frais d'étude sur l'aptitude des sols à l'assainissement collectif, de redevance d'assainissement non collectif et de réalisation des réseaux et canalisations, ne sont pas la conséquence directe de la faute qu'a commise le maire en délivrant le certificat d'urbanisme illégal et ne sauraient, dès lors, donner lieu à indemnisation ;
En ce qui concerne le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :
Considérant que si M. et Mme X font valoir qu'ils ont subi un préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d'existence, ils n'apportent d'autre élément, à l'appui de leur demande de réparation de ces chefs de préjudice, qu'un document signé par le préfet de la Gironde attestant qu'ils ont la qualité de rapatriés ; qu'une telle qualité ne saurait, toutefois, être utilement invoquée pour étayer l'existence de préjudices liés à des difficultés rencontrées pour la construction d'une résidence secondaire ; que, par suite, alors même que la construction projetée aurait permis de faciliter leurs rencontres avec leurs parents, M. et Mme X ne sauraient prétendre à une indemnisation à ces différents titres ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que la COMMUNE DE SARZEAU n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du Tribunal administratif de Rennes, statuant en référé, a fixé à 50 000 euros la provision qu'elle est condamnée à verser à M. et Mme X, d'autre part, que les conclusions d'appel incident de M. et Mme X doivent être rejetées ;
Sur les conclusions de l'appel en garantie formé par la commune contre l'Etat :
Considérant, d'une part, que les services de l'Etat, mis à la disposition des communes pour l'élaboration des documents d'urbanisme et l'instruction des demandes d'occupation des sols, agissent en concertation permanente avec le maire qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l'exécution des tâches qui leur sont confiées ; que la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée, à ce titre, envers les communes, que lorsqu'un de ses agents commet une faute en refusant ou en négligeant d'exécuter un ordre ou une instruction du maire ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une faute de cette nature ait été commise en l'espèce ;
Considérant, d'autre part, que la circonstance que le préfet du Morbihan se soit abstenu de déférer au tribunal administratif le certificat d'urbanisme du 16 mars 2004 ne revêt pas le caractère d'une faute lourde, seule de nature à engager, en pareil cas, la responsabilité de l'Etat envers la commune ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la COMMUNE DE SARZEAU tendant à ce que l'Etat la garantisse de la condamnation prononcée à son encontre au profit de M. et Mme X ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner M. et Mme X à verser à la COMMUNE DE SARZEAU la somme de 2 500 euros qu'elle leur demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner la COMMUNE DE SARZEAU à verser à M. et Mme X, une somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature exposés par ces derniers ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE SARZEAU est rejetée.
Article 2 : La COMMUNE DE SARZEAU versera à M. et Mme X une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE SARZEAU (Morbihan), à M. et Mme X et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Une copie en sera, en outre, adressée au préfet du Morbihan.
N° 07NT03011
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