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07/02/2008 | FRANCE | N°07NT00277

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 07 février 2008, 07NT00277


Vu le recours, enregistré le 1er février 2007, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ; le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 03-189 du 5 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a, sur la demande de M. Jean X, annulé la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de la Loire-Atlantique en date du 18 novembre 2002 en tant qu'elle a statué sur ses attributions dans le cadre des opérations de remembrement de la commune de Ruffigné avec extension sur le territoire

de la commune de Rougé ;

2°) de rejeter la demande de M. X devant l...

Vu le recours, enregistré le 1er février 2007, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ; le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 03-189 du 5 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a, sur la demande de M. Jean X, annulé la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de la Loire-Atlantique en date du 18 novembre 2002 en tant qu'elle a statué sur ses attributions dans le cadre des opérations de remembrement de la commune de Ruffigné avec extension sur le territoire de la commune de Rougé ;

2°) de rejeter la demande de M. X devant le Tribunal administratif de Nantes ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 janvier 2008 :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Geffray, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par sa décision en date du 18 novembre 2002, la commission départementale d'aménagement foncier de la Loire-Atlantique a rejeté la réclamation introduite par M. X dans le cadre des opérations de remembrement de la commune de Ruffigné avec extension sur la commune de Rougé ; que, par arrêt du 30 mars 2006, la Cour administrative d'appel de Nantes a annulé l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 24 mars 1999 ordonnant ce remembrement ; que, par jugement du 5 décembre 2006 dont le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE relève appel, le Tribunal administratif de Nantes, sur la demande de M. X, a annulé la décision susmentionnée de la commission départementale d'aménagement foncier de la Loire-Atlantique en tant qu'elle a statué sur ses attributions au motif de la contrariété de ladite décision à l'autorité absolue de la chose jugée par l'arrêt de la cour du 30 mars 2006 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-21 du code rural : Lorsque le plan des aménagements fonciers est devenu définitif, le préfet en assure la publicité dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; qu'aux termes de l'article L. 123-12 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 11 décembre 1992, applicable au litige : Du jour du transfert de propriété résultant de la clôture des opérations de remembrement, les immeubles qui en sont l'objet ne sont plus soumis qu'à l'exercice des droits et actions nés du chef du nouveau propriétaire. / La date de clôture des opérations est celle du dépôt en mairie du plan définitif du remembrement, ce dépôt étant constaté par un certificat délivré par le maire (...) ; qu'aux termes de l'article R. 121-29 du code rural, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : Au vu du plan du ou des aménagements fonciers et du projet des travaux connexes approuvés par la commission communale ou intercommunale et si aucune réclamation n'a été introduite devant la commission départementale dans le délai prévu à l'article R. 121-6 ou, dans le cas contraire, au vu du plan approuvé par la commission départementale, le préfet prend un arrêté par lequel / 1° Il autorise, le cas échéant, au titre de la loi sur l'eau les travaux mentionnés au troisième alinéa de l'article R. 121-20 ; (...) / 3° Il ordonne le dépôt en mairie du plan ; / 4° Il constate la clôture des opérations à la date de ce dépôt (...) ;

Considérant que le propriétaire de parcelles incluses dans le périmètre d'une opération d'aménagement foncier peut contester les effets de cette opération sur ses biens en formant devant la juridiction administrative un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier statuant sur sa réclamation, et, le cas échéant, obtenir, même après la clôture de cette opération, la modification de ses attributions si celles-ci n'ont pas été déterminées conformément aux règles applicables à l'aménagement foncier ; que ledit propriétaire peut également demander l'annulation de l'acte ordonnant la réalisation de l'opération d'aménagement foncier, laquelle, si elle est prononcée par le juge, est, en principe, de nature à entraîner par voie de conséquence celle de tout acte pris sur le fondement de cet arrêté qui a été déféré au juge de l'excès de pouvoir dans le délai de recours contentieux ; que toutefois, eu égard à l'atteinte excessive à l'intérêt général et au respect du droit de propriété des autres intéressés qui résulterait d'une remise en cause générale des opérations d'aménagement foncier à une date postérieure à celle du transfert de propriété, le juge de l'excès de pouvoir ne peut annuler l'acte ordonnant les opérations ou suspendre son exécution que jusqu'à la date du transfert de propriété ; que, statuant après cette date sur un recours dirigé contre un acte pris dans le cadre des opérations d'aménagement foncier, il ne peut faire droit à une exception tirée de l'illégalité de l'acte ordonnant ces opérations que si celui-ci a fait l'objet d'une annulation ou d'une suspension avant le transfert de propriété ;

Considérant qu'à la date du 5 décembre 2006 à laquelle les premiers juges ont statué sur la demande de M. X tendant à l'annulation de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de la Loire-Atlantique du 18 novembre 2002 en tant qu'elle avait statué sur ses attributions dans le cadre des opérations de remembrement de la commune de Ruffigné avec extension sur la commune de Rougé, le transfert de propriété résultant des opérations de remembrement, dont la clôture avait été prononcée par arrêté préfectoral du 27 novembre 2002 ordonnant le dépôt en mairie du plan du remembrement, était intervenu ; que l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 24 mars 1999 ordonnant ce remembrement prononcée par l'arrêt du 30 mars 2006 de la Cour administrative d'appel de Nantes est intervenue postérieurement au transfert de propriété susmentionné ; qu'il suit de là que le tribunal administratif ne pouvait accueillir le moyen tiré de l'annulation de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de la Loire-Atlantique du 18 novembre 2002 par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté ordonnant le remembrement ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par M. X tant devant la cour que devant le Tribunal administratif de Nantes ;

Sur la légalité externe :

Considérant que, si l'article L. 121-8 du code rural prévoit que la commission départementale d'aménagement foncier peut appeler à titre consultatif toute personne dont il lui paraît utile de recueillir l'avis, cet article n'a ni pour objet, ni pour effet de permettre à des personnes n'appartenant pas à la commission d'assister, même à titre consultatif, aux délibérations de celle-ci lorsqu'elle statue, en dehors de la présence des réclamants et des autres intéressés, sur les demandes dont elle est saisie, ces personnes pouvant seulement être, comme les auteurs des réclamations, entendues par la commission départementale ; que M. X n'apporte aucun élément de nature à contredire les énonciations du procès-verbal de la séance de la commission départementale d'aménagement foncier de la Loire-Atlantique du 18 novembre 2002 desquelles il résulte que le géomètre qu'elle avait appelé à titre consultatif s'est retiré pour ne pas assister à sa délibération ; qu'ainsi, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté ;

Considérant qu'à l'appui du grief relatif à la violation du principe d'équivalence entre les apports et les attributions découlant de l'article L. 123-4 du code rural, M. X s'est borné à faire valoir l'existence d'un glissement des classes de terre vers les catégories inférieures en annonçant un mémoire complémentaire dont il n'établit pas la production ; qu'ainsi, la commission départementale a pu régulièrement écarter ce point de la réclamation en motivant sa décision en constatant que la fiche modèle 17 faisait apparaître que son compte était équilibré dans les tolérances admises en la matière ;

Sur la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, que le requérant a contesté l'abattage d'une haie séparant deux parcelles attribuées à un autre compte que le sien sans se prévaloir des incidences sur l'eau entraînées par une telle mesure ; que, dès lors, la commission départementale n'a commis aucune erreur de droit en lui déniant qualité pour en contester le bien-fondé ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code rural : Sauf accord des propriétaires et exploitants intéressés, le nouveau lotissement ne peut allonger la distance moyenne des terres au centre d'exploitation principal, si ce n'est dans la mesure nécessaire au regroupement parcellaire ; que cette règle doit s'appliquer compte par compte et ainsi par rapport aux apports et attributions et non aux parcelles mises à disposition par échanges de culture ; qu'il appartient en outre aux commissions d'aménagement foncier de déterminer le caractère de centre d'exploitation principal, sous le contrôle du juge administratif, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire et compte tenu, notamment, des intentions éventuellement manifestées par le propriétaire de l'exploitation rurale ; que ce dernier a entendu que le regroupement des terres s'opère autour du centre d'exploitation de son fermier ; qu'à supposer qu'à la date de l'ouverture des opérations de remembrement, les bâtiments d'exploitation étaient situés au Grand Boissais, il ressort des pièces du dossier que cette localisation n'était pas destinée à perdurer, les locataires de M. X ayant acquis et occupé par la suite des bâtiments situés à Pérouse ; que, par suite, la distance moyenne pondérée à l'hectare des parcelles au centre d'exploitation ainsi défini étant passée de 136 mètres à 40 mètres, le moyen tiré de la violation de la règle du non éloignement du centre d'exploitation posée par l'article L. 123-1 du code rural ne peut être accueilli ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-4 du même code : Chaque propriétaire doit recevoir, par la nouvelle distribution, une superficie globale équivalente, en valeur de productivité réelle, à celle des terrains qu'il a apportés, déduction faite de la surface nécessaire aux ouvrages collectifs mentionnés à l'article L.123-8. ; qu'il résulte de ces dispositions précitées que si la loi ne garantit aux propriétaires ni une égalité absolue entre la surface et la productivité des terres qui leur sont attribuées et celles de leurs apports, ni une équivalence parcelle par parcelle ou classe par classe entre ces terres, les modifications appréciées compte par compte ne doivent pas entraîner une grave rupture d'équilibre dans les conditions d'exploitation ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a reçu 26 hectares 92 ares 74 centiares valant 192 140 points dans la catégorie de culture terres, en échange d'apports de 26 hectares 38 ares 3 centiares valant 193 239 points dans la même catégorie, dont relevaient exclusivement ses apports ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que la commission départementale aurait méconnu la règle d'équivalence posée par l'article L. 123-4 du code rural précité ;

Considérant que, pour la réalisation du remembrement de la commune de Ruffigné, la commission communale d'aménagement foncier a classé les parcelles selon trois natures de culture, terres, prés et bois-taillis ; qu'elle a déterminé 12 classes dans la nature de culture terres dont, d'une part, les classes 1 à 8 représentant une valeur allant dans l'ordre décroissant de 100 pour la classe 1 à 10 points à l'are pour la classe 8, d'autre part, les classes 9 à 12 réservées aux parcelles comportant une haie et représentant une valeur allant dans l'ordre décroissant de 300 pour la classe 9 à 100 points à l'are pour la classe 12 ; que M. X n'expose pas en quoi la nature des sols et les traditions culturales imposaient que soient classées comme relevant d'une nature de culture spécifique les parcelles comportant des haies ; que s'il fait valoir qu'il a reçu moins de terres dans les classes 10 et 11 et davantage de terres dans la classe 8 qu'il n'en avait apportées, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le glissement réalisé dans la répartition des terres aurait eu pour conséquence une grave rupture d'équilibre dans les conditions d'exploitation ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-6 du code rural : Sauf exception justifiée, il n'est créé qu'une seule parcelle par propriétaire dans une masse de répartition ; que le terme de parcelle au sens de ces dispositions s'entend de tout lot d'exploitation d'un seul tenant et non d'une partie de terrain faisant l'objet d'une inscription distincte au cadastre ; qu'il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées, d'une part, ZM41 et ZM44, d'autre part, ZM51 et ZM13, attribuées au requérant dans les mêmes masses de répartition forment deux lots d'un seul tenant ; qu'ainsi, le moyen tiré de la violation de l'article L. 123-6 du code rural doit être écarté ;

Considérant, enfin, que l'article L. 123-8 du code rural dispose : La commission communale d'aménagement foncier a qualité pour décider à l'occasion des opérations et dans leur périmètre : / 1º L'établissement de tous chemins d'exploitation nécessaires pour desservir les parcelles ; (...) L'assiette des ouvrages mentionnés aux 1º, 3º, 4º et 5º est prélevée sans indemnité sur la totalité des terres à aménager. ;

Considérant que si l'appelant conteste le coefficient de réduction pour travaux collectifs qui a été retenu, il n'avait pas présenté un tel moyen devant la commission départementale ; qu'ainsi, ce moyen n'est pas recevable, alors même qu'il fait valoir que ce coefficient aurait été inexactement calculé dans la mesure où ladite commission aurait, au mépris de sa compétence, prélevé sur l'ensemble des apports l'assiette non seulement des chemins d'exploitation créés mais encore celle de l'élargissement de chemins ruraux non supprimés par le conseil municipal en application des dispositions de l'article L. 121-17 du code rural ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission aurait décidé sur l'une des parcelles apportées ou attribuées de créer, d'élargir, de rectifier ou de supprimer non pas un chemin d'exploitation, comme le lui permet l'article L. 123-8 du code rural, mais un chemin rural, en violation de l'article L. 121-17 du même code ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de la Loire-Atlantique du 18 novembre 2002 en tant qu'elle a statué sur les attributions de M. X dans le cadre des opérations de remembrement de la commune de Ruffigné avec extension sur la commune de Rougé ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. X la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes du 5 décembre 2006 est annulé.

Article 2 : La demande de M. X devant le Tribunal administratif de Nantes et ses conclusions présentées devant la cour tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE et à M. Jean X.

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N° 07NT00277

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 07NT00277
Date de la décision : 07/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme THOLLIEZ
Rapporteur ?: M. Philippe D IZARN de VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. GEFFRAY
Avocat(s) : LE BRIERO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2008-02-07;07nt00277 ?
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