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26/12/2007 | FRANCE | N°06NT01417

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 26 décembre 2007, 06NT01417


Vu la requête enregistrée le 27 juillet 2006, présentée pour M. et Mme X demeurant ..., par Me Le Baut, avocat au barreau de Versailles ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 04-3523 du 30 mai 2006 du Tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a condamné la commune de Levet (Cher) à leur verser la somme, qu'ils estiment insuffisante, de 2 000 euros en réparation de leur préjudice moral et a rejeté le surplus de leurs conclusions en réparation des conséquences dommageables de l'implantation illégale d'un circuit de karting à proximité de le

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2°) de condamner la commune de Levet à leur verser les...

Vu la requête enregistrée le 27 juillet 2006, présentée pour M. et Mme X demeurant ..., par Me Le Baut, avocat au barreau de Versailles ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 04-3523 du 30 mai 2006 du Tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a condamné la commune de Levet (Cher) à leur verser la somme, qu'ils estiment insuffisante, de 2 000 euros en réparation de leur préjudice moral et a rejeté le surplus de leurs conclusions en réparation des conséquences dommageables de l'implantation illégale d'un circuit de karting à proximité de leur habitation ;

2°) de condamner la commune de Levet à leur verser les sommes de 100 000 euros au titre des troubles dans leurs conditions d'existence, de 256 950 euros au titre des préjudices immobiliers et de 40 000 euros au titre du préjudice moral, avec intérêts au taux légal et intérêts capitalisés, en réparation du préjudice résultant de l'exploitation d'un circuit de karting à proximité de leur habitation ;

3°) de condamner la commune de Levet à leur verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2007 :

- le rapport de M. François, rapporteur ;

- les observations de Me Le Baut, avocat de M. et Mme X ;

- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par jugement du 30 mai 2006, le Tribunal administratif d'Orléans a condamné la commune de Levet (Cher) à verser à M. et Mme X une somme de 2 000 euros en réparation de leur préjudice moral subi du fait de l'implantation illégale d'un circuit de karting à proximité de leur habitation et a rejeté le surplus de leurs conclusions indemnitaires ; que M. et Mme X interjettent appel de ce jugement ; que, pour sa part, la commune de Levet présente un appel incident tendant à être déchargée des condamnations prononcées à son encontre ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : “La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R 611-5 et R 611-6. Les répliques et autres mémoires, observations ou pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux” ; que cette disposition fait obligation de communiquer à toutes les parties l'ensemble des mémoires et pièces soumis au débat contradictoire ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le second mémoire en défense produit par la commune de Levet, enregistré au greffe du Tribunal administratif d'Orléans le 10 mai 2006, n'a pas été communiqué à M. et Mme X, alors que, présenté après le dépôt du rapport de l'expert nommé par le juge des référés près le tribunal, il contenait des éléments nouveaux sur la contestation de la réalité et du montant du préjudice allégué par les requérants ; qu'ainsi, le tribunal administratif a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure ; que cette irrégularité entache l'ensemble du dispositif dudit jugement qui doit, dès lors, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions indemnitaires présentées contre la commune de Levet par M. et Mme X devant le Tribunal administratif d'Orléans ;

Sur la responsabilité de la commune de Levet :

Considérant que M. et Mme X ont acquis, en 1975, sur le territoire de la commune de Levet, au hameau de Montavelange, une propriété où ils ont établi leur résidence principale ; que les époux Ledoux, voisins immédiats des requérants, ont construit en 1994, sans autorisation administrative, une piste de karting à 150 mètres de la propriété de ces derniers ; qu'il en est résulté, pour les requérants, des nuisances sonores importantes entraînées par le fonctionnement quasi quotidien du circuit ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la délivrance par le maire de Levet, aux époux Ledoux, d'un permis de construire du 9 janvier 1998 portant sur la transformation d'une grange en billetterie et local d'accueil, alors que les terrains d'assiette de ces bâtiments sont situés en zone NC du plan d'occupation des sols communal où est interdit le changement de destination des bâtiments à usage agricole, a constitué une illégalité que le Tribunal administratif d'Orléans a sanctionné par son jugement du 6 février 2003 devenu définitif, annulant ledit permis ; que cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune envers les requérants ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment, d'un procès-verbal d'audition du 26 septembre 2001 établi par la gendarmerie, que les maires successifs de Levet connaissaient, dès l'origine, l'existence du circuit litigieux ; que le maire de Levet ne s'est pas moins abstenu de faire usage de ses pouvoirs de police pour mettre fin à l'exploitation d'installations dont il ne pouvait ignorer que le fonctionnement portait atteinte à la tranquillité publique ; que, par lettre du 5 juillet 2000, M. et Mme X lui ont, d'ailleurs, demandé pour ce motif de prononcer la suspension des activités du circuit ; que ce n'est qu'à la suite d'un grave accident corporel survenu sur ce circuit, que le maire, sur la demande du préfet du Cher, a pris un arrêté du 9 juillet 2001 interdisant l'exploitation de la piste de karting, puis un second arrêté du 6 août 2001 ayant le même objet ; qu'il s'est, cependant, abstenu de toute constatation de l'inexécution, par les époux Ledoux, desdits arrêtés dont la méconnaissance a conduit le préfet à saisir, le 12 juillet 2002, le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Bourges de la poursuite illégale du fonctionnement du circuit litigieux ; que la carence initiale du maire à faire usage de ses pouvoirs de police, et son refus persistant d'assurer l'application effective de la mesure d'interdiction finalement intervenue, sont également constitutifs d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Levet envers les requérants ; que la circonstance alléguée par la commune, que M. et Mme X, ne se soient résolus à saisir le maire d'une réclamation écrite qu'au cours de l'année 2000 ne saurait constituer un motif d'atténuation de sa responsabilité envers les intéressés ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne les troubles dans les conditions d'existence :

Considérant, d'une part, que les requérants, qui allèguent qu'ils avaient fait le choix de vivre dans un secteur rural à vocation agricole pour bénéficier de la tranquillité liée à un espace naturel, ont subi d'importantes nuisances entraînées, tant par le caractère bruyant des engins circulant sur la piste de karting, que par l'afflux des usagers se rendant dans les différents équipements et installations annexes, parfois jusqu'à une heure tardive de la nuit ; qu'il en est résulté des troubles dans leurs conditions d'existence ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice incluant le préjudice moral qu'ils allèguent en leur allouant une somme de 15 000 euros tous intérêts compris ;

Considérant, d'autre part, qu'il est constant que par arrêt du 12 février 2004, la Cour d'appel de Bourges, confirmant le jugement du 27 août 2003 du Tribunal de grande instance de Bourges en ce qu'il condamnait les époux Ledoux pour le “maintien de l'activité de leur installation alors qu'il en avait été fait interdiction”, a condamné ces derniers, sur l'action civile, à verser à M. et Mme X une somme de 4 575 euros en réparation du préjudice résultant “des nuisances sonores subies pendant plusieurs années” ; qu'il convient, dès lors, pour déterminer le montant de l'indemnité à laquelle les intéressés peuvent prétendre, de déduire ladite somme de 4 575 euros de celle précitée de 15 000 euros qui leur est allouée par le présent arrêt ; que, par suite, les requérants ont droit au versement, par la commune de Levet, d'une somme de 10 425 euros, tous intérêts compris, en réparation de leur préjudice pour troubles dans les conditions d'existence incluant le préjudice moral ;

En ce qui concerne le préjudice immobilier :

Considérant, en premier lieu, que l'exploitation du circuit de karting générateur des nuisances alléguées ayant pris fin, comme les requérants le reconnaissent, la dépréciation qui affecterait leur propriété, qui est subordonnée à une reprise éventuelle de cette activité en dépit de son illégalité, et alors que les intéressés n'ont pas mis en vente cette propriété, s'avère purement hypothétique ; qu'il suit de là que M. et Mme X ne sauraient prétendre à une indemnisation à ce titre ;

Considérant, en second lieu, que les requérants ont emménagé à Bourges au mois d'octobre 2001 dans un immeuble leur appartenant ; qu'ils soutiennent que leur installation dans cet immeuble aurait rendu impossible sa division en quatre appartements locatifs, de sorte qu'ils auraient subi un préjudice résultant des pertes de loyer escomptés ; qu'il ne résulte pas, toutefois, de l'instruction que cet emménagement, intervenu plus de six ans après le début du fonctionnement du circuit de karting litigieux, ait présenté un lien direct de cause à effet avec l'exploitation de ce circuit ; que les requérants ne peuvent donc prétendre à la réparation de ce chef de préjudice ;

Sur les frais et honoraires d'expertise :

Considérant que les frais et honoraires de l'expert, liquidés et taxés à la somme de 6 199,87 euros par ordonnance du 19 janvier 2006 du président du Tribunal administratif d'Orléans, doivent être mis à la charge de la commune de Levet ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner la commune de Levet à verser à M. et Mme X une somme totale de 2 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés, tant en première instance qu'en appel, d'autre part, que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que M. et Mme X, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, soient condamnés à verser à la commune de Levet la somme que cette dernière demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 30 mai 2006 du Tribunal administratif d'Orléans est annulé.

Article 2 : La commune de Levet est condamnée à verser à M. et Mme X une somme de 10 425 euros (dix mille quatre cent vingt cinq euros) tous intérêts compris.

Article 3 : Les frais et honoraires de l'expert, liquidés et taxés à la somme de 6 199,87 euros (six mille cent quatre vingt dix neuf euros quatre vingt dix sept centimes) par ordonnance du 19 janvier 2006 du président du Tribunal administratif d'Orléans, sont mis à la charge de la commune de Levet.

Article 4 : La commune de Levet versera à M. et Mme X une somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de la commune de Levet tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X et à la commune de Levet (Cher).

Une copie en sera, en outre, adressée au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

N° 06NT01417

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 06NT01417
Date de la décision : 26/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: M. Eric FRANCOIS
Rapporteur public ?: M. ARTUS
Avocat(s) : LE BAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2007-12-26;06nt01417 ?
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