Vu la requête, enregistrée le 11 septembre 2006, présentée pour la société ARMORICAINE DE RESTAURATION ET DE TRAVAUX (ART), dont le siège est sis ZA des Quatre Voies BP 18 à Plelo (22170), représentée par son représentant légal, par Me Couetoux du Tertre, avocat au barreau de Rennes ; la société ART demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 02-5187 et 02-5176 du 11 juillet 2006 du Tribunal administratif de Rennes en tant que, par ce jugement, les premiers juges l'ont condamnée à payer à l'Etat, solidairement avec Mlle X et M. Y, la somme de 423 000,81 euros TTC, majorée des intérêts, ceux-ci portant eux-mêmes intérêts, en réparation des dommages subis par la flèche de la cathédrale de Tréguier dans la nuit du 25 au 26 décembre 1999 ainsi qu'à garantir Mlle X et M. Y de leurs condamnations respectives à hauteur de 65 % chacun ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'Etat ou, subsidiairement, d'en réduire le montant et de condamner, solidairement ou l'un à défaut de l'autre, la société Macé, Mlle X, M. Y et la société CETE Apave Nord Ouest à la garantir en tout ou partie des condamnations prononcées à son encontre ;
3°) de condamner l'Etat ou tout succombant à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 juin 2007 :
- le rapport de M. Faessel, rapporteur ;
- les observations de Me d'Aboville, avocat de Mlle X et de M. Y ;
- les observations de Me Roy substituant Me Souet, avocat de la société Alain Macé ;
- les observations de Me Ratsimbazaty substituant Me Martin, avocat du ministre de la culture et de la communication ;
- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société ARMORICAINE DE RESTAURATION ET DE TRAVAUX (ART) interjette appel du jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 11 juillet 2006 en tant que, par ce jugement, les premiers juges l'ont condamnée solidairement avec Mlle X et M. Y à payer à l'Etat la somme de 423 000,81 euros en réparation des dommages accidentels subis par la cathédrale de Tréguier dans la nuit du 25 au 26 décembre 1999 et à garantir Mlle X et M. Y à hauteur de 65 % chacun, de leurs condamnations respectives ; que Mlle X, M. Y et la société CETE Apave Nord Ouest concluent à leur mise hors de cause ou, subsidiairement, à ce que les autres constructeurs soient condamnés à les garantir intégralement des sommes qui pourraient être mises à leur charge ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que des travaux de restauration ont été entrepris, courant 1999, sous la maîtrise d'ouvrage de l'Etat, sur la flèche de la cathédrale de Tréguier, propriété de cette commune ; que la maîtrise d'oeuvre de l'opération était confiée à Mlle X, architecte en chef des monuments historiques, et à M. Y, vérificateur des monuments historiques ; que les marchés d'échafaudages et de maçonnerie-pierre de taille avaient été attribués à la société ART, celui de ferronnerie-paratonnerre à la société Macé tandis que la société CETE Apave de l'Ouest, devenue la société CETE Apave Nord Ouest, devait assurer la vérification technique des échafaudages ; que lesdits travaux étaient, pour l'essentiel, achevés lorsque, sous l'effet des vents ayant soufflé en tempête dans la nuit du 25 au 26 décembre 1999, l'échafaudage et la partie supérieure de l'édifice, composée d'une structure en pierres maçonnées surmontée d'une croix métallique d'une hauteur d'environ 4,5 m, se sont effondrés et, dans leur chute, ont endommagé les toitures ainsi que d'autres éléments de l'ouvrage ;
Sur la responsabilité des constructeurs :
Considérant que si la tempête qui a frappé notamment la ville de Tréguier au cours de la nuit du 25 au 26 décembre 1999 était d'une ampleur et d'une force exceptionnelles, avec des vents compris entre 130 km/h à l'intérieur des terres et 150 km/h sur les côtes, il résulte toutefois de l'instruction que des vitesses de vent supérieures ont été relevées lors de tempêtes ayant touché la même région en 1987 et 1990 ; que, dès lors, ce fort coup de vent, qui avait d'ailleurs été annoncé 24 heures auparavant par les services météorologiques, ne présentait pas de caractère imprévisible et irrésistible permettant de l'assimiler à un cas de force majeure de nature à exonérer de leur responsabilité les constructeurs qui participaient aux travaux décrits ci-dessus ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des conclusions du rapport de l'expert désigné par le président du Tribunal de grande instance de Guingamp, que la flèche de la cathédrale de Tréguier était, de par sa conception, apte à résister à des vents d'importance très supérieure aux maxima relevés lors de sa destruction partielle ; qu'en revanche, l'échafaudage installé par la société ART, dont la construction ne respectait pas le plan élaboré par la société spécialisée chargée de cette tâche et qui, de plus, était équipé de filets de protection d'un maillage trop serré et trop peu perméable à l'air compte tenu de la hauteur de l'installation, présentait une fragilité excessive dès lors que la vitesse du vent excédait 110 km/h ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'effondrement de l'échafaudage est exclusivement dû à son ancrage insuffisant au bâtiment lui-même et à la présence des filets de protection inadaptés, lesquels auraient au moins dû être démontés à l'annonce de la tempête ; que la circonstance que la société Macé avait, à la suite de la réparation de la croix coiffant l'édifice, solidarisé celle-ci à l'échafaudage dans l'attente du séchage complet du mortier de scellement, n'est, alors même que la chute de ladite croix avec les pierres qui servaient à la fixer ont effectivement été la cause d'une partie des dégâts, pas à l'origine du sinistre dès lors que cette solidarisation n'était pas contraire aux règles de l'art et n'aurait pas eu de conséquence dommageable si l'échafaudage lui-même avait été réalisé de façon à être suffisamment stable ; que, par ailleurs, il appartenait tant à Mlle X qu'à M. Y, dans le cadre de leurs missions respectives de maître d'oeuvre, lesquelles, en ce qui concerne M. Y, ne se limitaient pas, contrairement à ce que celui-ci soutient, à des vérifications de factures, de s'assurer de ce que l'échafaudage litigieux et le filet qui l'équipait étaient conformes au plan de conception ; qu'il s'ensuit que la société ART, Mlle X et M. Y ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premier juges, estimant qu'ils avaient manqué à leurs obligations contractuelles, ont retenu leur responsabilité respective pour les condamner solidairement à indemniser l'Etat de son préjudice mais ont écarté, en revanche, celle de la société Macé ;
Sur le montant de la réparation :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et particulièrement des factures, notes d'honoraires et états récapitulatifs de dépenses, que le coût des réparations des dommages subis par la cathédrale de Tréguier dans la nuit du 25 au 26 décembre 1999 s'élève à 424 917,03 euros, toutes taxes comprises ; que cette somme correspond strictement au montant de la réparation des désordres affectant effectivement l'ouvrage et non à celui de travaux réalisés dans le cadre du marché de restauration qui avait été confié à la société ART ; que par suite, il n'y pas lieu de déduire de ladite somme, contrairement à ce que soutient la société requérante, les coûts de location des échafaudages nécessaires soit à la réalisation des travaux qu'elle n'avait pas encore exécutés lorsque le sinistre s'est produit, soit aux opérations d'expertise ;
Considérant, en second lieu, que la circonstance que l'Etat, à qui il appartient de collecter les impôts et les taxes, soit attributaire du produit de la taxe sur la valeur ajoutée, n'a pas pour effet de le soumettre, en ce qui concerne cette taxe, à un régime fiscal particulier lui permettant de déduire le montant de taxe ayant grevé le coût de remise en état de l'ouvrage en cause ; que ledit montant devait, par conséquent, être inclus dans celui de la réparation due en l'espèce à l'Etat par les constructeurs ;
Considérant ainsi que la société ART n'est pas fondée à soutenir qu'en condamnant les constructeurs à payer à l'Etat la somme de 423 000,81 euros, toutes taxes comprises, le tribunal administratif a fait une évaluation excessive du préjudice subi par celui-ci ;
Sur les conclusions d'appel en garantie :
Considérant que la société Macé ayant été à juste titre mise hors de cause, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les conclusions de la société ART tendant à la condamnation de cette société à la garantir de ses propres condamnations, ne pouvaient qu'être rejetées ;
Considérant que, la société ART étant liée à la société CETE Apave Nord Ouest par un contrat de droit privé, il n'appartient pas à la juridiction administrative de se prononcer sur les conclusions réciproques à fins de garantie, présentées, chacune à l'encontre de l'autre, par la société ART dans son appel principal et, au titre de l'appel incident, par la société CETE Apave Nord Ouest ; que ces conclusions ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en condamnant Mlle X et M. Y à garantir la société ART à hauteur, respectivement de 15 % et 10 % des condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci, le Tribunal administratif de Rennes a fait une inexacte appréciation de leur part de responsabilité dans la survenance des désordres litigieux ; que par suite, les conclusions de la société ART tendant à ce que les taux de garantie mis à la charge de Mlle X et de M. Y soient augmentés, tout comme celles, d'appel incident, de Mlle X et de M. Y tendant à ce que lesdits taux soient diminués, doivent être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société ART, la société CETE Apave Nord Ouest, Mlle X et M. Y ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement susvisé du 11 juillet 2006 du Tribunal administratif de Rennes ;
Sur les appels provoqués de la société CETE Apave Nord Ouest, de Mlle X et de M. Y :
Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, mis hors de cause la société Macé, condamné Mlle X et M. Y à indemniser l'Etat solidairement avec la société ART et condamné la société ART, Mlle X, M. Y et la société CETE Apave Nord Ouest à se garantir réciproquement des condamnations dont ils faisaient l'objet ; que les conclusions de la société CETE Apave Nord Ouest, de Mlle X et de M. Y, qui ont été provoquées par l'appel de la société ART et qui ont été présentées après l'expiration du délai d'appel, tendant à obtenir leur mise hors de cause et la condamnation de la société Macé ou, subsidiairement, la réduction de l'étendue de leur condamnation à se garantir les uns les autres, ne seraient recevables qu'au cas où la société ART, appelant principal, obtiendrait elle-même une réduction de l'indemnité définitivement mise à sa charge ; que, le présent arrêt rejetant l'appel de la société ART, les conclusions susmentionnées de la société CETE Apave Nord Ouest, de Mlle X et de M. Y ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société ART, à Mlle X et à M. Y les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société ART à verser à l'Etat une somme de 1 500 euros en remboursement des frais de même nature qu'il a supportés ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge des sociétés Macé et CETE Apave Nord Ouest les frais de même nature qu'elles ont supportés ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société ART est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident de la société CETE Apave Nord Ouest, de Mlle X et de M. Y, sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions d'appel provoqué de la société CETE Apave Nord Ouest, de Mlle X et de M. Y, sont rejetées.
Article 4 : La société ART versera à l'Etat une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions des sociétés Macé et CETE Apave Nord Ouest tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société ARMORICAINE DE RESTAURATION ET DE TRAVAUX, à la société CETE Apave Nord Ouest, à Mlle Marie-Suzanne X, à M. Pierre Y, à la société Macé et au ministre de la culture et de la communication.
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N° 06NT01667
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