Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2005, présentée pour Mme Dominique X, demeurant ..., par Me Richard, avocat au barreau de Paris ; Mme Dominique X demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement nos 01-3547 et 01-3548 du 10 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans n'a fait que partiellement droit à ses demandes tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1990 à 1997, d'autre part, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1997 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
3°) de prononcer le sursis à exécution du jugement attaqué ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juin 2007 :
- le rapport de M. Gualeni, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 9 décembre 1998, Mme X a été condamnée à une amende délictuelle pour mise du studio dont elle est propriétaire ... à disposition de personnes s'y livrant à la prostitution moyennant rémunération de 1994 au 2 juin 1997 ; que cette activité lucrative ayant été signalée à l'administration fiscale, celle-ci a procédé, d'une part, à un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de l'intéressée du 26 novembre 1997 au 21 juin 1999 portant sur les années 1994 à 1996, d'autre part, à une vérification de comptabilité du 21 avril au 9 juin 1999 et qui a porté sur la période du 1er janvier 1990 au 31 mai 1997 ; que pour établir l'imposition des revenus tirés de cette activité dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux l'administration a suivi la procédure contradictoire de redressement, tandis que les rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée ont été établis selon la procédure de taxation d'office en application du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales ; que Mme X relève appel du jugement du 10 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans n'a fait que partiellement droit à ses demandes tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1990 à 1997, d'autre part, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1997 ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 9 mai 2006, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux du Loiret a prononcé le dégrèvement pour un montant total de 36 715,83 euros des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes restant à la charge de Mme X après le prononcé du jugement attaqué au titre des années 1990 à 1993 ; que les conclusions de la requête de Mme X sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions restant en litige ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 350 terdecies de l'annexe III du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'espèce : I. Sous réserve des dispositions des articles 409 et 410 de l'annexe II au code général des impôts, seuls les fonctionnaires titulaires de la direction générale des impôts appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que notifier les redressements. / (…) / II. Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer les attributions que ces dispositions leur confèrent à l'égard des personnes physiques ou morales ou groupements de personnes de droit ou de fait qui ont déposé ou auraient dû déposer dans le ressort territorial de leur service d'affectation une déclaration, un acte ou tout autre document ainsi qu'à l'égard des personnes ou groupements qui, en l'absence d'obligation déclarative, y ont été ou auraient dû y être imposés. / III. Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I et compétents territorialement pour procéder aux contrôles visés à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales d'une personne physique ou morale ou d'un groupement peuvent exercer les attributions définies à cet alinéa pour l'ensemble des impositions, taxes et redevances, dues par ce contribuable, quel que soit le lieu d'imposition ou de dépôt des déclarations ou actes relatifs à ces impositions, taxes et redevances (…) ; que, dès lors que Mme X ne conteste pas qu'elle avait son domicile fiscal dans le ressort de la direction du département du Loiret, département dans lequel elle aurait dû souscrire ses déclarations de revenu global, l'inspecteur rattaché à la direction du Loiret était compétent pour procéder au contrôle de la comptabilité de l'activité de l'intéressée ; que, par suite, la requérante n'est fondée à soutenir ni que l'avis de vérification du 29 mars 1999 et le procès-verbal constatant le défaut de présentation de comptabilité sont dépourvus de base légale, ni que les notifications de redressements qui ont suivi sont, par voie de conséquence, irrégulières et de nature à entacher de nullité ces redressements ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'administration fiscale est en droit de se prévaloir à tout moment devant le juge de l'impôt de la situation d'évaluation d'office des bénéfices industriels et commerciaux ou de la situation de taxation d'office dans laquelle elle estime que se trouvent les contribuables ; qu'en vertu des dispositions des articles L. 73 et L. 68 du livre des procédures fiscales, peut être évalué d'office le bénéfice imposable d'un contribuable qui perçoit des revenus industriels et commerciaux lorsqu'il n'a pas déposé sa déclaration annuelle dans le délai prévu par la loi ; qu'il est constant que l'activité occulte exercée par Mme X n'a été révélée ni par l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, ni par la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet mais, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, dans un premier temps par les informations obtenues par l'administration fiscale à l'occasion des poursuites engagées contre l'intéressée puis par le jugement susmentionné du Tribunal de grande instance de Paris ; que Mme X, qui n'a pas souscrit de déclarations de résultat à raison de cette activité qu'elle nie avoir exercée et a refusé d'en souscrire en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée, s'est placée en situation d'évaluation d'office des revenus tirés de cette activité dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; que l'administration est ainsi fondée à se prévaloir de cette situation ; que, dès lors, Mme X qui, par ailleurs, a été taxée d'office au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, ne peut utilement soutenir que la vérification de la comptabilité mise en oeuvre serait irrégulière, alors même que l'administration a suivi la procédure de redressement contradictoire pour établir l'imposition des revenus tirés de son activité ;
Considérant, en troisième lieu, qu'à supposer que Mme X ait entendu contester la régularité de la notification de redressements qui lui a été adressée le 15 juin 1999, il ressort des termes de celle-ci qu'elle comportait les éléments retenus par l'administration pour déterminer les produits et les charges de ladite activité, l'indication que les revenus tirés de celle-ci étaient imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, ainsi que les précisions sur la nature et la teneur des renseignements recueillis auprès de l'autorité judiciaire, mettant ainsi l'intéressée à même d'en demander la communication avant la mise en recouvrement des impositions mises à sa charge ; que, d'ailleurs, il résulte de l'instruction que les demandes de communication de pièces formulées par Mme X ont été satisfaites avant la mise en recouvrement desdites impositions ;
Considérant, en quatrième lieu, que l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de Mme X n'ayant donné lieu à aucun redressement, celle-ci ne peut, en tout état de cause, utilement reprocher à l'administration de ne pas avoir saisi la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires à la suite de ce contrôle et, par suite, soutenir que cet examen est entaché d'un détournement de procédure et a méconnu les droits de la défense ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'article 10-I de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 : Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. (…) ; qu'il résulte de ces dispositions que les vices de forme ou de procédure dont serait entaché l'avis de la commission n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition et ne sont pas, par suite, de nature à entraîner la décharge de l'imposition établie à la suite des rectifications ou de redressements soumis à l'examen de la commission ; que la requérante ne peut, dès lors, utilement soutenir que l'avis rendu par ladite commission serait irrégulier à défaut pour celle-ci de disposer de toutes les pièces en possession de l'administration ;
Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, saisie à la suite de la vérification de comptabilité, n'aurait pas disposé de l'un des procès-verbaux d'audition établis par la police manque en fait ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions contestées :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales : Même si les délais de reprise prévus à l'article L. 169 sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. ; qu'il résulte des différents procès-verbaux établis par la police à la suite de l'arrestation de Mme X retraçant les auditions des personnes occupant le logement qui lui appartenait et qu'elle ne conteste pas sérieusement, que l'activité de mise à disposition de ce logement remonte au moins jusqu'à l'année 1990 ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que l'administration ne pouvait exercer son droit de reprise pour les années antérieures aux années 1994 à 1997, lesquelles correspondent à la période d'activité ayant donné lieu à condamnation par le Tribunal de grande instance de Paris ;
Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, lorsque les impositions ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires et que la comptabilité comporte de graves irrégularités la charge de la preuve de leur exagération incombe au contribuable ; qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de Mme X ont été taxés d'office tandis qu'elle n'a produit ni comptabilité, ni pièces en tenant lieu pour l'imposition des revenus tirés de son activité ; que, dans ces conditions, la charge de la preuve de l'exagération des impositions contestées incombe à Mme X ;
Considérant, enfin, qu'il ressort des énonciations du jugement du Tribunal de grande instance de Paris, devenu définitif, que Mme X a mis un studio lui appartenant à la disposition de personnes s'y livrant à la prostitution ; que l'autorité de la chose jugée qui s'attache à ces constatations de fait, lesquelles sont le support nécessaire de la condamnation prononcée à son encontre, s'oppose à ce qu'elle puisse utilement contester la matérialité des faits qui ont donné lieu aux impositions litigieuses au titre des années 1994 à 1997 ; que, par ailleurs, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il résulte de l'instruction que cette activité remonte au moins à l'année 1990 ; que la circonstance que l'examen de ses comptes bancaires n'a pas permis d'identifier les sommes correspondant aux sommes versées par les personnes utilisant le studio n'est pas à elle seule de nature à remettre en cause la réalité de l'appréhension de loyers établie, notamment, par les procès-verbaux d'audition desdites personnes ; que, par ailleurs, Mme X n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'évaluation par le service des revenus tirés de cette activité au-delà des rectifications qui y ont été apportées par le jugement attaqué ; qu'elle n'apporte pas davantage d'élément de nature à remettre en cause le montant des charges retenues ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans n'a fait que partiellement droit à sa demande ;
Sur les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement attaqué :
Considérant que le présent arrêt statue sur la requête en annulation du jugement du 10 mai 2005 du Tribunal administratif d'Orléans ; que les conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement sont, par suite, devenues sans objet ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à Mme X la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : A concurrence de la somme de 36 715,83 euros (trente-six mille sept cent quinze euros et quatre-vingt-trois centimes) de droits de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes au titre des années 1990 à 1993, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme X.
Article 2 : Il n'y pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif d'Orléans du 10 mai 2005.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Dominique X et au ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
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N° 05NT01037
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