Vu la requête, enregistrée le 23 octobre 2003, présentée pour la société UNITE DE FABRICATION MECANIQUE (UFM), dont le siège est situé route d'Issé ZI Ouest à Châteaubriant (44110), par Me Friant, avocat au barreau de Nantes ; la société UFM demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 99-3958 du 27 juin 2003 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Nantes a limité à 129 570,43 euros le montant de l'indemnité destinée à réparer le préjudice économique et financier qu'elle a subi du fait des désordres affectant le dallage de son bâtiment industriel implanté sur le territoire de la commune de Châteaubriant ;
2°) de condamner in solidum M. X, architecte, et la société E2C Atlantique, bureau d'études, à lui verser la somme de 1 171 838,71 euros au titre du préjudice ci-dessus, ladite somme devant être assortie des intérêts de droit à compter du 27 décembre 2001 ;
3°) de condamner in solidum les mêmes personnes au paiement des frais d'expertise ;
4°) de condamner in solidum les mêmes personnes à lui verser la somme de 7 622,45 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2007 :
- le rapport de Mme Stefanski, rapporteur ;
- les observations de Me Léon substituant Me Friant, avocat de la société UFM et de la SCP Philippe Delaere, liquidateur judiciaire de la société UFM ;
- les observations de Me Jégou substituant Me Morand, avocat de la société E2C Atlantique et de la société Socotec ;
- les observations de Me Baugeard, avocat de la société Henry Sauvager ;
- les observations de Me Flynn substituant Me Salaün, avocat de la société ERBH ;
- les observations de Me Lesort substituant Me Naba, avocat de la compagnie d'assurances Albingia ;
- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par un marché du 22 mai 1995, la commune de Châteaubriant a confié à M. X, architecte, et à la société E2C Atlantique, bureau d'études techniques, la maîtrise d'oeuvre d'un bâtiment industriel qu'elle a vendu en l'état futur d'achèvement à la société UNITE DE FABRICATION MECANIQUE (UFM) le 24 mai 1995 ; que la réception sans réserves des travaux a été prononcée le 27 octobre 1995 ; qu'au début de l'année 1996, la société UFM a constaté que les dalles de béton posées sur le sol du bâtiment étaient affectées de mouvements de bascule qui avaient pour effet de dérégler ses machines de haute précision ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, condamné solidairement M. X et la société E2C Atlantique à verser, d'une part, à la compagnie d'assurances Albingia, qui avait indemnisé la société UFM, une somme de 336 080,72 euros au titre de la réparation des désordres ayant affecté le sol du bâtiment et, d'autre part, à la société UFM une somme de 129 570,43 euros correspondant au tiers des préjudices économiques et financiers consécutifs à ces désordres ; que le tribunal administratif a également condamné M. X et la société E2C Atlantique à se garantir mutuellement à hauteur de 50 % des condamnations prononcées à leur encontre ; que Me Delaere, ès qualités de liquidateur de la société UFM, interjette appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas été fait droit à l'intégralité des prétentions de la société, qui s'élevaient à 1 171 838,71 euros ; que par la voie de l'appel incident, M. X demande à être totalement déchargé des sommes qu'il a été condamné à verser à la société UFM ; que la société E2C Atlantique soutient, à titre subsidiaire, au cas où il serait fait droit à l'appel de la société UFM en ce qui concerne le partage de responsabilité, que l'indemnité due à cette société ne saurait excéder le montant de 196 386,80 euros correspondant à la réalité de son préjudice ; que, par la voie de l'appel provoqué, M. X conclut à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à garantir partiellement la société E2C Atlantique des condamnations prononcées contre elle et demande à être intégralement garanti par cette société des condamnations prononcées à son encontre ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes, que l'instabilité des dalles posées sur le sol du bâtiment litigieux est due, non au sol lui-même, mais à la circonstance que le dallage en béton non armé, de faible épaisseur et posé sur un film imperméable ne pouvait que se déformer au séchage ; que les dalles, incurvées, étaient alors affectées de mouvements de bascule lors du passage de charges et transmettaient des vibrations lors du fonctionnement des machines de la société UFM, causant leur dérèglement ; que ces désordres sont dus à la seule conception du dallage et non à sa réalisation ;
Considérant que M. X fait valoir que la commune de Châteaubriant et la société UFM ne l'ont pas informé des contraintes particulières exigées par les machines de haute précision qui devaient être installées dans le bâtiment et qu'elles sont entièrement responsables des désordres qui ont affecté le dallage ; que, toutefois, d'une part, la commune de Châteaubriant avait seule la qualité de maître d'ouvrage jusqu'à la réception des travaux en application des stipulations du contrat de vente en l'état futur d'achèvement qu'elle avait conclu avec la société UFM conformément aux règles applicables à cette catégorie de convention et notamment à l'alinéa 2 de l'article 1601-3 du code civil ; qu'ainsi, M. X ne saurait soutenir que la société UFM aurait commis une faute de nature à l'exonérer de sa responsabilité ; que, d'autre part, il résulte de l'instruction que le dallage était en lui-même impropre à la destination industrielle du bâtiment, quel que soit son utilisateur ; qu'en tout état de cause, il appartenait aux maîtres d'oeuvre de recueillir tous renseignements afin de rendre l'immeuble conforme à l'utilisation qui devait en être faite par le futur occupant des lieux, lequel était connu dès l'origine ; qu'ainsi, M. X ne peut soutenir que la commune de Châteaubriant aurait concouru à la production des désordres litigieux ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X, qui était chargé d'une mission complète de conception et de réalisation, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les désordres en cause étaient entièrement imputables à la maîtrise d'oeuvre et qu'ils engageaient sa responsabilité solidaire avec celle de la société E2C Atlantique ;
Sur la réparation des préjudices économiques et financiers de la société UFM :
Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, seuls restent en litige les préjudices économiques et financiers subis par la société UFM, en raison de l'utilisation des locaux affectés des désordres susmentionnés ; que le Tribunal administratif de Nantes a laissé à la charge de la société UFM, deux tiers de ses préjudices, au motif qu'elle avait contribué à l'aggravation de ceux-ci en installant ses machines de façon progressive dans le nouveau bâtiment sans procéder à la réalisation d'aménagements, alors qu'elle avait déjà constaté les déformations du dallage ;
Considérant, toutefois, qu'il n'est pas contesté que la société UFM a quitté son ancien lieu de production quand elle a emménagé dans le bâtiment construit par la commune de Châteaubriant et qu'elle y a transféré simultanément l'ensemble de ses machines ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que si la plupart des machines de la société UFM n'étaient pas installées conformément aux prescriptions des constructeurs, cette circonstance était due à l'inadaptation du dallage de l'atelier, à l'égard duquel ladite société n'avait pas, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, la qualité de maître d'ouvrage ; que, pour remédier à cette situation, sans refaire la totalité du revêtement, la société aurait dû installer chaque machine sur un socle de béton, solution qui aurait rendu difficile l'évolution de ses capacités de production et qui n'a d'ailleurs pas été retenue par l'expert et par les tribunaux, les désordres ayant été réparés par la réfection totale du dallage du bâtiment ; que la société a effectué les travaux dès le 29 juillet 1998, soit après la dernière réunion d'expertise qui avait eu lieu le 10 juillet 1998 ; qu'ainsi, la société UFM, qui devait nécessairement utiliser ses machines pour assurer la poursuite de son activité alors même que les désordres n'avaient pas été réparés, ne peut être regardée comme ayant contribué à l'aggravation de ses préjudices relatifs aux frais engagés pour régler les machines et aux pertes de recettes résultant de ces interventions ainsi qu'aux frais exposés pour déménager les machines lors des travaux de réfection et aux pertes de production correspondant ; que, par suite, la société UFM est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a laissé à sa charge les deux tiers de ses préjudices ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges aient fait une inexacte appréciation du montant des préjudices subis par la société UFM en évaluant ceux-ci à la somme de 388 711,30 euros ; qu'ainsi, ladite société qui n'apporte devant la Cour à l'appui de ses conclusions indemnitaires aucun élément nouveau de nature à remettre en cause ce montant, ne saurait prétendre au paiement de la somme de 1 171 838,71 euros qu'elle réclame ;
Considérant que si la société E2C Atlantique fait valoir, à titre subsidiaire, que les pertes de production alléguées par la société UFM au titre du mois d'août 1998, au cours duquel ont été exécutés les travaux de réfection du dallage, ont été compensées par une production supérieure en juin, juillet et septembre 1998, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert-comptable désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes, qu'en évaluant ce chef de préjudice à un montant de 192 324,50 euros, les premiers juges ont tenu compte de ces circonstances ; qu'ainsi, les conclusions de la société E2C Atlantique doivent être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la somme de 129 570,43 euros que le tribunal administratif avait condamné M. X et la société E2C Atlantique à payer à la société UFM, compte tenu du partage de responsabilité retenu, doit être portée à 388 711,30 euros ;
Sur les intérêts :
Considérant que la société UFM est recevable à demander pour la première fois en appel les intérêts sur les sommes que M. X et la société E2C Atlantique ont été condamnés solidairement à lui verser ; que ces intérêts, portant sur la somme de 388 711,30 euros, devront être calculés à compter du 27 décembre 2001, date d'enregistrement de la première demande de la société UFM devant le Tribunal administratif de Nantes ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le tribunal administratif a condamné solidairement M. X et la société E2C Atlantique à supporter les frais des expertises ordonnées en premier instance ; que les conclusions de M. X et de la société E2C Atlantique tendant à la réformation du jugement attaqué ne peuvent, sur ce point, qu'être rejetées ;
Sur l'appel provoqué de M. X :
Considérant que l'admission partielle de l'appel de la société UFM aggrave la situation de M. X, qui se trouve exposé à devoir payer à cette société une somme supérieure à celle fixée par le tribunal administratif ; que M. X est dès lors recevable à demander, par voie d'appel provoqué, la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à garantir partiellement la société E2C Atlantique des condamnations prononcées contre elle et en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à être intégralement garanti par cette société des condamnations prononcées contre lui ;
Considérant que si M. X fait valoir que la société E2C Atlantique, en sa qualité de bureau d'études techniques, avait une mission complète en ce qui concerne le dallage, il résulte de l'instruction que M. X en sa qualité d'architecte avait reçu une mission complète de maîtrise d'oeuvre sur l'ensemble des travaux qu'il lui appartenait de concevoir au regard de l'utilisation du bâtiment, laquelle était connue dès l'origine ; que, dès lors, le Tribunal administratif de Nantes a fait une juste appréciation de la part de responsabilité de chacun des maîtres d'oeuvre en les condamnant à se garantir mutuellement à hauteur de 50 % des condamnations prononcés à leur encontre ; que, par suite, les conclusions d'appel provoqué de M. X doivent être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Me Delaere, ès qualités de liquidateur de la société UFM, est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de M. X et de la société E2C Atlantique à lui verser une somme inférieure à 388 711,30 euros ; que M. X et la société E2C Atlantique ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif les a condamnés solidairement à indemniser la société UFM et à se garantir mutuellement des condamnations prononcées contre eux à concurrence de 50 % ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la société UFM, qui n'est pas pour l'essentiel la partie perdante à leur égard dans la présente instance, soit condamnée à payer à M. X et à la société E2C Atlantique la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application desdites dispositions de faire droit aux conclusions des autres parties au titre des mêmes frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 129 570,43 euros que M. X et la société E2C Atlantique ont été condamnés solidairement à verser à la société UFM par le Tribunal administratif de Nantes est portée à 388 711,30 euros, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2001.
Article 2 : Le jugement n° 99-3958 du Tribunal administratif de Nantes en date du 27 juin 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Me Delaere, ès qualités de liquidateur de la société UFM, et les conclusions de M. X et de la société E2C Atlantique sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société UNITE DE FABRICATION MECANIQUE (UFM), à la SCP Philippe Delaere, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société UFM, à la société E2C Atlantique, à M. Xavier X, à la société Jousselin, à la société Socotec, à la société Henry Sauvager, à la société ERBH et à la compagnie d'assurances Albingia.
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N° 03NT01650
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