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05/12/2006 | FRANCE | N°05NT01664

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 05 décembre 2006, 05NT01664


Vu la requête enregistrée le 12 octobre 2005, présentée pour la ville du Mans, représentée par son maire en exercice, par Me Hay, avocat au barreau du Mans ; la ville du Mans demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 053381 du 22 septembre 2005 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision de 333 857,25 euros à valoir sur le montant de l'indemnité destinée à la réparation du préjudice que lui a causé l'application, au cours de la période du 1er janvier

2001 au 30 juin 2005, des dispositions illégales du décret n° 2001-185 du 2...

Vu la requête enregistrée le 12 octobre 2005, présentée pour la ville du Mans, représentée par son maire en exercice, par Me Hay, avocat au barreau du Mans ; la ville du Mans demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 053381 du 22 septembre 2005 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision de 333 857,25 euros à valoir sur le montant de l'indemnité destinée à la réparation du préjudice que lui a causé l'application, au cours de la période du 1er janvier 2001 au 30 juin 2005, des dispositions illégales du décret n° 2001-185 du 26 février 2001 chargeant les maires de diverses tâches administratives concernant la délivrance des passeports aux administrés ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser ladite somme de 333 857,25 euros, avec intérêts à compter de l'enregistrement de sa requête en référé ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 2001-185 du 26 février 2001 relatif aux conditions de délivrance et de renouvellement des passeports ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2006 :

- le rapport de M. François, rapporteur ;

- les observations de Me Hay, avocat de la commune du Mans ;

- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par ordonnance du 22 septembre 2005, le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la ville du Mans (Sarthe) tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision de 333 857,25 euros à valoir sur le montant de l'indemnité destinée à la réparation du préjudice que lui a causé, pendant la période comprise entre le 1er janvier 2001 et le 30 juin 2005, l'application des dispositions illégales du décret du 26 février 2001 susvisé, chargeant les maires, agissant en qualité d'agents de l'Etat, du recueil des demandes de passeport, de leur transmission aux préfets ou aux sous-préfets et de la remise de ces documents administratifs aux demandeurs ; que la ville du Mans interjette appel de cette ordonnance ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : “Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie” ;

Considérant que par décision du 5 janvier 2005, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'alinéa premier de l'article 7 du décret du 26 février 2001 susvisé, en tant qu'il confiait aux maires, agissant en qualité d'agents de l'Etat, la tâche de recueillir les demandes de passeport, de les transmettre aux préfets et aux sous-préfets et de remettre aux demandeurs les passeports qui leur étaient adressés par ces derniers, au motif que les dispositions de cet article avaient pour effet d'imposer indirectement aux communes des dépenses, à la charge de l'Etat, que seul le législateur était compétent pour édicter en vertu des dispositions de l'article L. 1611-1 du code général des collectivités territoriales ;

Considérant que la ville du Mans est fondée à rechercher la responsabilité de l'Etat à raison des conséquences dommageables qui ont pu résulter, pour elle, de l'obligation où elle s'est trouvée, d'appliquer les dispositions réglementaires précitées qui ont nécessité qu'elle affecte une partie de ses services à l'exécution de tâches administratives qui ne lui étaient pas légalement dévolues ; qu'il résulte de l'instruction et n'est pas utilement contesté, que les opérations de recueil des demandes de passeport, de transmission de ces demandes au préfet de la Sarthe et de remise des passeports délivrés aux demandeurs, dont la ville du Mans s'est ainsi acquittées au cours de la période du 1er janvier 2001 au 30 juin 2005, ont nécessité qu'elle affecte à ces tâches administratives quatre agents communaux dont deux agents administratifs à temps plein et un troisième agent administratif et un rédacteur, ces derniers dans la limite, respectivement, de 15 % et 40 % de leur temps de travail ; que ces opérations administratives ont, ainsi, nécessité pour la ville du Mans, qu'elle supporte des dépenses de personnel pour le compte de l'Etat qui en avait la charge, la circonstance que ces dépenses n'aient pas été la conséquence de nouveaux recrutements d'agents communaux, étant sans influence sur la réalité de leur prise en charge par cette collectivité territoriale ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce qu'a estimé le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes, il n'est pas sérieusement contestable que la ville du Mans a droit à être indemnisée de ces dépenses ;

Considérant que les dépenses de personnel que la ville du Mans a exposées pour recueillir sur deux sites prévus à cet effet à la mairie et à la mairie annexe, les demandes de passeport, transmettre ces demandes aux services de la préfecture, réceptionner les 23 959 passeports délivrés et remettre ceux-ci aux demandeurs, ont été chiffrées aux sommes non utilement contredites de 296 762 euros pour la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2004 et de 37 095,25 euros pour la période du 1er janvier au 30 juin 2005 ; qu'ainsi, le coût de traitement de ces demandes par la ville s'est élevé à la somme totale de 333 857,25 euros ; qu'il n'est pas établi que les dépenses supportées dans ces conditions par la ville du Mans auraient été compensées dans le cadre de la dotation globale de fonctionnement versée par l'Etat aux communes en application des articles L. 2334-1 et suivants du code général des collectivités territoriales alors, d'ailleurs, qu'il n'est nullement allégué par le ministre que cette dotation aurait fait l'objet d'une majoration pour tenir compte de ces charges nouvelles ; qu'une telle compensation ne saurait davantage résulter des effets du décret n° 2000-1277 du 26 novembre 2000 qui a supprimé la fiche d'état civil dont l'établissement et la délivrance incombaient jusqu'alors aux maires agissant comme agents de l'Etat ; qu'il suit de là que le préjudice financier dont la ville du Mans est fondée à se prévaloir s'établit à la somme précitée de 333 857,25 euros ; que cette dernière est, dès lors, fondée à demander l'allocation d'une provision de ce montant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser à la ville du Mans une indemnité provisionnelle de 333 857,25 euros assortie, comme elle le demande, des intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2005, date d'enregistrement de sa demande au greffe du Tribunal administratif de Nantes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à verser à la ville du Mans une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 22 septembre 2005 du juge des référés du Tribunal administratif de Nantes est annulée.

Article 2 : L'Etat versera à la ville du Mans une somme de 333 857,25 euros (trois cent trente trois mille huit cent cinquante sept euros vingt cinq centimes) à titre de provision, avec intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2005.

Article 3 : L'Etat versera à la ville du Mans une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ville du Mans (Sarthe) et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

N° 05NT01664

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 05NT01664
Date de la décision : 05/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: M. Eric FRANCOIS
Rapporteur public ?: M. ARTUS
Avocat(s) : HAY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-12-05;05nt01664 ?
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