Vu le recours, enregistré le 8 juin 2004, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement nos 00-1446 et 00-3131 du 12 février 2004 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a fait droit à la demande de M. et Mme Pierre X tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution pour le remboursement de la dette sociale auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1993 à 1995 ;
2°) de rétablir M. et Mme X aux rôles de l'impôt sur le revenu, de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale des années 1993 à 1995 à hauteur des droits, pénalités et intérêts de retard y afférents dont la décharge a été accordée par le Tribunal administratif de Rennes ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2006 :
- le rapport de Mme Gélard, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. et Mme X ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 1993 à 1995 ; que, parallèlement, les SCI Immoglycine, Trotrieux et Résidence Saint-Yves, dont M. et Mme X détiennent la majorité des parts et dont Mme X est la gérante, ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant sur les mêmes années ; que les redressements qui en ont résultés ont été notifiés à M. et Mme X, qui, suite au rejet de leurs réclamations préalables, ont saisi le Tribunal administratif de Rennes ; que par un jugement en date du 12 février 2004, le tribunal administratif a estimé que la procédure d'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle était entachée d'irrégularité et a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en résultant ; que le tribunal a, par ailleurs, fait droit à la demande de M. et Mme X tendant à la décharge de l'intégralité des pénalités pour mauvaise foi qui leur ont été appliquées ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE interjette appel dudit jugement en tant qu'il a déchargé M. et Mme X d'une partie des impositions en litige ; que M. et Mme X sollicitent, par la voie de l'appel incident, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales maintenues à leur charge ;
Sur le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE :
En ce qui concerne l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle des époux X :
Considérant que le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L.47 à L.50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la notification de redressements qui, selon l'article L.48, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir ; qu'en outre, dans sa version de juin 1996, remise à M. et Mme X, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, rendue opposable à l'administration par l'article L.10 du livre des procédures fiscales, exige que le vérificateur ait recherché un tel dialogue avant même d'avoir recours à la procédure écrite et contraignante de demande de justifications visée à l'article L.16 du même livre ; que si la méconnaissance de cette exigence a le caractère d'une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et garanties reconnus par la charte au contribuable vérifié, le caractère oral d'un tel débat n'est pas exigé à peine d'irrégularité de la procédure suivie ; que toutefois, l'irrégularité dont sont ainsi entachées les demandes de justifications fait seulement obstacle à ce que le service puisse, en application de l'article L.69 du livre des procédures fiscales, taxer d'office les revenus dont l'origine est restée indéterminée ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme X ont reçu le 16 septembre 1996 un avis d'examen contradictoire de l'ensemble de leur situation fiscale personnelle au titre des années 1993 à 1995 ; que cet avis a été suivi, le 3 octobre 1996, d'une demande de justifications prévue à l'article L.16 du livre des procédures fiscales adressée à titre personnel à M. et Mme X ; qu'il est constant qu'à cette date les contribuables n'avaient pas été mis à même de discuter avec le service des discordances que celui-ci s'apprêtait à relever à partir des éléments dont il disposait ; que le vérificateur ne peut donc être regardé comme ayant engagé avec M. et Mme X un dialogue contradictoire sur les points qu'il envisageait de retenir avant d'avoir recours à la procédure contraignante visée à l'article L.16 précité ; que si une première notification de redressements concernant l'année 1993 a été adressée à M. et Mme X le 17 décembre 1996 dans le cadre d'une procédure de redressement contradictoire, celle-ci a été complétée et remplacée par une seconde notification de redressements datée du 7 novembre 1997 ; que les redressements qui leur ont alors été notifiés ont fait l'objet d'une procédure de taxation d'office ; que l'absence de dialogue contradictoire avec les contribuables préalablement à l'envoi de la demande de justifications prévue à l'article L.16 du livre des procédures fiscales faisait toutefois obstacle à ce que le service puisse, en application de l'article L.69 du livre des procédures fiscales, taxer d'office les revenus d'origine indéterminée de M. et Mme X ; que dès lors, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Rennes a prononcé la décharge des impositions résultant de l'examen de leur situation fiscale personnelle ;
En ce qui concerne les pénalités pour mauvaise foi dont ont été assortis les redressements issus du contrôle sur pièces des trois sociétés civiles immobilières :
Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article L.64 du livre des procédures fiscales (…) ; qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme X ont déclaré être domiciliés à Paris dans un studio de faible superficie alors qu'ils résidaient principalement dans une propriété plus spacieuse qu'ils possédaient depuis 1974 à Saint-Servais dans les Côtes-d'Armor ; qu'ils ont, par ailleurs, omis de déclarer certains de leurs revenus et rattaché leur fille de 24 ans à leur foyer fiscal au titre de l'année 1993 alors qu'elle n'était plus étudiante ; qu'enfin, ils ont déduit de leurs revenus fonciers des travaux dont ils ne pouvaient ignorer le caractère non déductible ; que, compte tenu du caractère intentionnel de ces diverses infractions, qui sont antérieures au contrôle, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de la mauvaise foi du contribuable ; que par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Rennes a prononcé la décharge des pénalités de mauvaise foi dont ont été assorties les impositions complémentaires mises à la charge de M. et Mme X à l'issue du contrôle sur pièces des trois sociétés civiles immobilières ;
Sur l'appel incident de M. et Mme X :
En ce qui concerne le contrôle sur pièces des trois sociétés civiles immobilières :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme X possédaient une propriété sise au Moulin de Kerroux à Saint-Servais depuis 1974 ; que selon la mairie, ils y résidaient à titre principal et étaient inscrits sur les listes électorales depuis 1981 ; qu'ils ne faisaient pas suivre leur courrier et répondaient aux correspondances qui leur étaient envoyées à cette adresse ; que les consommations téléphoniques et électriques attestaient de la fréquentation régulière de cette habitation ; que l'adresse de Saint-Servais figurait sur leurs comptes bancaires ; que le service de Saint-Brieuc leur versait les allocations ASSEDIC ; que leur patrimoine immobilier se situait dans les Côtes-d'Armor, à proximité de Saint-Servais, où ils exerçaient une activité de loueur de locaux commerciaux ; que leurs véhicules étaient immatriculés dans les Côtes-d'Armor à l'adresse de Saint-Servais ; qu'ils étaient locataires des appartements situés à La Baule, puis à Paris qu'ils ont successivement déclarés en tant que résidences principales ; qu'un ordre de réexpédition de leur courrier vers Saint-Servais a été donné au receveur des postes de La Baule ; qu'en application de l'article 10 du code général des impôts, M. et Mme X, dont la résidence principale se situait dans les Côtes-d'Armor, auraient donc dû déposer leurs déclarations de revenus dans ce département ; qu'en outre, les sociétés régies par les articles 46 B à 46 D de l'annexe III au code général des impôts doivent souscrire une déclaration modèle 2072 avant le 1er mars de chaque année dans le ressort duquel se trouve la direction effective de la société ; que pour les sociétés civiles immobilières, il s'agit du domicile du gérant, en l'occurrence les Côtes-d'Armor ; que les circonstances que depuis 1993, M. et Mme X adressaient leurs déclarations de revenus dans un autre département que celui des Côtes-d'Armor ou que c'est l'examen de leur situation fiscale personnelle qui a permis de déterminer le lieu de leur résidence principale, sont sans incidence sur la régularité des impositions restant en litige dès lors, d'une part, qu'ils résidaient effectivement dans les Côtes-d'Armor et, d'autre part, que les redressements restant en litige ne résultent pas de l'examen de leur situation fiscale personnelle ; que dès lors, M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que les services fiscaux des Côtes-d'Armor n'étaient pas compétents pour exercer le contrôle sur pièces des SCI Immoglycine, Trotrieux et Résidence Saint-Yves ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale s'est bornée à adresser aux SCI Immoglycine, Trotrieux et Résidence Saint-Yves des demandes de justifications concernant leurs revenus fonciers ; que les redressements qui leur ont été notifiés résultent du défaut de justificatifs des travaux déduits en charge ; que dès lors, M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que l'administration a procédé à une vérification de comptabilité desdites sociétés civiles immobilières ;
Considérant, en troisième lieu, que M. et Mme X soutiennent qu'ils n'ont été informés que par un courrier de l'interlocuteur départemental, précédant de peu la mise en recouvrement des impositions, des arguments retenus par l'administration pour refuser la déductibilité des travaux réalisés sur les immeubles appartenant aux SCI Immoglycine, Trotrieux et Résidence Saint-Yves ; qu'il est constant toutefois que les redressements dont il s'agit leur ont été notifiés suivant la procédure d'évaluation d'office conformément aux dispositions de l'article L.73-3° du livre des procédures fiscales ; que par suite, M. et Mme X ne sont pas fondés à se prévaloir des garanties attachées à la procédure de redressement contradictoire ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L.48 du livre des procédures fiscales : A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu (…) lorsque des redressements sont envisagés, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la notification prévue à l'article L.57, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces redressements (…) ; que la circonstance que la notification de redressements adressée à M. et Mme X le 17 décembre 1996, pour l'année 1993, ne précisait pas le montant des pénalités pour mauvaise foi mises à leur charge est sans incidence sur les redressements restant en litige dès lors qu'elle a été remplacée et complétée par celle du 7 novembre 1997 qui indique, d'une part, le taux des pénalités appliquées et, d'autre part, leur montant ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'aux termes de l'article 31 du code général des impôts : I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1. pour les propriétés urbaines a) les dépenses de réparation et d'entretien (...) b) les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (…) d) les intérêts de dettes contractées pour la conservation, l'acquisition, la construction, la réparation ou l'amélioration des propriétés (…) ; qu'il résulte de ces dispositions que les dépenses effectuées par un propriétaire et correspondant à des travaux entrepris dans son immeuble sont déductibles de son revenu, sauf si elles correspondent à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement ; que doivent être regardés comme des travaux de construction ou de reconstruction, au sens des dispositions précitées, les travaux comportant la création de nouveaux locaux d'habitation, notamment dans les locaux auparavant affectés à un autre usage, ainsi que les travaux ayant pour effet d'apporter une modification importante au gros-oeuvre de locaux d'habitation existants ou les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à une reconstruction ; que doivent être regardés comme des travaux d'agrandissement, au sens des mêmes dispositions, les travaux ayant pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable de locaux existants ; que M. et Mme X ont déduit de leurs revenus fonciers au titre des années 1993 à 1995, les travaux réalisés par les SCI Immoglycine, Trotrieux et Résidence Saint-Yves, sur les immeubles situés respectivement rue de l'Yser, rue du Grand Trotrieux à Guingamp et rue Saint-Yves à Begard ; qu'il est constant que les surfaces aménagées dans les deux immeubles situés à Guingamp constituaient auparavant des combles ou des greniers non habitables ; que par ailleurs, en dépit du fait qu'ils n'étaient plus utilisés depuis 40 ans pour l'enseignement, les locaux de l'école privée où la résidence Saint-Yves a été édifiée n'étaient pas destinés à l'habitation préalablement à la réalisation des travaux ; que dès lors, en se bornant à soutenir, sans produire aucune pièce, que dans le cadre d'un autre litige pendant devant le Tribunal administratif de Rennes, ils auraient démontré l'absence de changement d'affectation et d'augmentation des surfaces habitables de ces immeubles, M. et Mme X n'apportent pas la preuve, à l'occasion de la présente instance, de la déductibilité de ces charges ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a fait droit à la demande de M. et Mme X en tant qu'il a prononcé la décharge des pénalités de mauvaise foi dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution pour le remboursement de la dette sociale mises à leur charge à l'issue du contrôle sur pièces des SCI Immoglycine, Trotrieux et Résidence Saint-Yves ;
DÉCIDE :
Article 1er : La majoration pour mauvaise foi dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution pour le remboursement de la dette sociale auxquelles M. et Mme X ont été assujettis au titre des années 1993 à 1995 à l'issue du contrôle sur pièces des SCI Immoglycine, Trotrieux et Résidence Saint-Yves est remise à leur charge.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 12 février 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. et Mme X par la voie de l'appel incident sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à M. et Mme Pierre X.
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N° 04NT00675
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