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14/11/2006 | FRANCE | N°04NT01323

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 14 novembre 2006, 04NT01323


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 novembre 2004 et 7 février 2005, présentés pour la commune de Batz-sur-Mer, représentée par son maire en exercice, par Me Huglo et Me Lepage, avocats au barreau de Paris ; la commune de Batz-sur-Mer demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0001280 du 29 juillet 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 18 février 2000 par lequel le maire de Batz-sur-Mer (Loire Atlantique) a mis en demeure la société anonyme Total Raffinage Distribution, la société Total Inte

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 novembre 2004 et 7 février 2005, présentés pour la commune de Batz-sur-Mer, représentée par son maire en exercice, par Me Huglo et Me Lepage, avocats au barreau de Paris ; la commune de Batz-sur-Mer demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0001280 du 29 juillet 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 18 février 2000 par lequel le maire de Batz-sur-Mer (Loire Atlantique) a mis en demeure la société anonyme Total Raffinage Distribution, la société Total International limited et, en tant que de besoin, la société Totalfina d'éliminer ou de faire éliminer la totalité des déchets provenant des cuves du pétrolier “Erika” ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Total Raffinage Distribution devant le Tribunal administratif de Nantes et tendant à l'annulation dudit arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la société Total raffinage distribution une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 75-442/CEE du Conseil du 15 juillet 1975 relative aux déchets modifiée par la directive n° 91/156/CEE du Conseil du 18 mars 1991 ;

Vu le règlement n° 93/259/CEE du Conseil du 1er février 1993 ;

Vu la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 modifiée ;

Vu la loi n° 92-646 du 13 juillet 1992 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2006 :

- le rapport de M. Degommier, rapporteur ;

- les observations de Me Naux, substituant Me Huglo, avocat de la commune de Batz-sur-Mer ;

- les observations de Me Memlouk, avocat de la société Total France ;

- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par arrêté du 18 février 2000, le maire de Batz-sur-Mer (Loire-Atlantique) a, sur le fondement des articles 2 et 3 de la loi du 15 juillet 1975 susvisée, mis en demeure les sociétés Total Raffinage Distribution, Total International limited et, en tant que de besoin, Totalfina d'éliminer ou de faire éliminer la totalité des déchets sortis des cuves du pétrolier “Erika”, et de procéder à la remise en état des lieux ; que par jugement du 29 juillet 2004, le Tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté ; que la commune de Batz-sur-Mer interjette appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort de la minute du jugement attaqué, que les premiers juges ont visé l'ensemble des mémoires produits par les parties ; que, dès lors, la circonstance que l'expédition du jugement notifié aux parties n'a pas visé les mémoires en réplique qu'elles ont produits, demeure sans incidence sur la régularité du jugement ;

Sur la légalité de l'arrêté du 18 février 2000 du maire de Batz-sur-Mer :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Total International limited a conclu, le 21 mars 1999, avec la société italienne Enel, un contrat portant sur la vente de fioul lourd ; que dans le cadre de l'application de cette convention, la société Total Raffinage Distribution, aujourd'hui dénommée société Total France, a vendu 30 000 tonnes de fioul lourd à la société Total International limited qui a fait affréter le pétrolier “Erika” pour ce transport ; que, pris dans une tempête, le navire a fait naufrage le 12 décembre 1999 à 80 km au large des côtes bretonnes ; qu'une partie importante de la cargaison s'est répandue en mer, causant une pollution aux hydrocarbures sur plusieurs kilomètres de côte dans les départements du Finistère, du Morbihan, de la Loire-Atlantique et de la Vendée ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la directive n° 75/442/CEE du 15 juillet 1975 susvisée, modifiée par la directive 91/156/CEE du 18 mars 1991, susvisée : “Les Etats membres prennent les dispositions nécessaires pour que tout détenteur de déchets (…) en assure lui-même (…) l'élimination en se conformant aux dispositions de la présente directive.” ; qu'aux termes de l'article 1er de ladite directive 75/442/CEE : “Aux fins de la présente directive, on entend par : a) déchet : toute substance ou objet qui relève des catégories figurant à l'annexe I, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire (…)” ; que la Cour de justice des communautés européennes a, par son arrêt du 7 septembre 2004 rendu dans l'affaire C-1/03, dit que “ladite annexe précise et illustre cette définition en proposant des listes de substances et d'objets pouvant être qualifiés de déchets. Elle n'a cependant qu'un caractère indicatif (…). Lorsque la substance ou l'objet en cause constituent un résidu de production, c'est-à-dire un produit qui n'a pas été recherché comme tel en vue d'une utilisation ultérieure (…) ceux-ci doivent être analysés comme une charge dont le détenteur se défait (…)” ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 15 juillet 1975 susvisée, modifiée notamment par la loi du 13 juillet 1992 susvisée, transposant les directives précitées et dont les dispositions sont aujourd'hui reprises au II de l'article L. 541-1 du code de l'environnement : “Est un déchet, au sens de la présente loi, tout résidu d'un processus de production, de transformation, ou d'utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l'abandon” ; qu'aux termes de l'article 3 de ladite loi, repris à l'article L. 541-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur : “Au cas où les déchets sont abandonnés, déposés ou traités contrairement aux prescriptions de la présente loi et des règlements pris pour son application, l'autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d'office l'élimination desdits déchets aux frais du responsable.” ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un rapport d'expertise établi le 20 septembre 2001 en exécution d'une ordonnance de référé du 3 septembre 2000 du président du Tribunal administratif de Nantes, que le produit contenu dans les cuves du pétrolier “Erika” correspond à du fioul lourd n° 2, dont il est constant qu'il constitue un produit liquide, lequel, issu de diverses fractions de raffinerie, généralement des résidus, est utilisé comme combustible dans des moteurs diesel et des installations de production d'électricité et de chaleur ; que ce produit a fait l'objet d'une commande de la société italienne Enel, dans le cadre d'un contrat conclu le 21 mars 1999 avec la société Total International limited, pour être utilisé comme combustible pour la production d'électricité ; qu'il a, ainsi, été fabriqué à fin d'une utilisation économique ; qu'il suit de là, que le fioul lourd n° 2 contenu dans les cuves de l'Erika ne peut être regardé comme un résidu ou une substance abandonné ou destiné à l'abandon et, ce faisant, comme un déchet au sens des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 15 juillet 1975 ; que la circonstance que ce produit soit dangereux pour la santé et néfaste pour l'environnement ne permet pas, à elle seule, de le faire regarder comme un déchet ; que ce produit ne constituant pas un déchet, la commune de Batz-sur-Mer ne peut utilement soutenir que la société Total raffinage distribution aurait méconnu les obligations déclaratives prévues par l'article 8 de la loi du 15 juillet 1975, repris à l'article L. 541-7 du code de l'environnement ; qu'il suit de là que le maire de ladite commune ne pouvait légalement, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 15 juillet 1975, mettre en demeure les sociétés Total Raffinage Distribution, Total International limited et Totalfina d'éliminer le fioul lourd sorti de l'Erika ;

Considérant, d'autre part, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, le fioul lourd n° 2 transporté par le navire “Erika”, constituait un produit liquide issu de diverses fractions de raffinerie destiné à une utilisation comme combustible pour la production d'électricité et de chaleur ; qu'il s'ensuit que, quand bien même le fioul lourd relèverait de la liste rouge des “déchets” figurant en annexe II du règlement communautaire n° 93/259 du 1er février 1993, pris pour l'application de la directive 75/442/CEE du 15 juillet 1975, il ne pouvait être regardé comme une charge dont ses détenteurs se défaisaient ou avaient l'intention de se défaire au sens des dispositions précitées de ladite directive ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 15 juillet 1975, repris à l'article L. 541-2 du code de l'environnement : “Toute personne qui produit ou détient des déchets, dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l'air et les eaux, à engendrer des bruits et les odeurs et d'une façon générale à porter atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement, est tenue d'en assurer ou d'en faire assurer l'élimination conformément aux dispositions de la présente loi, dans des conditions propres à éviter lesdits effets” ; que le fioul lourd n° 2, qui s'est déversé dans la mer à la suite du naufrage, et qui a causé la pollution, notamment, du littoral de la commune requérante, est alors devenu, mélangé sous forme de galettes à l'eau de mer et au sable, un déchet au sens des dispositions précitées ; que, dans ces circonstances, les sociétés Total raffinage distribution, Total International limited et Toltalfina ne peuvent être regardées comme détentrices desdits déchets, que si elles ont été à l'origine du déversement en mer de ce fioul et de sa transformation en déchet ; qu'il ressort des pièces du dossier que, tant ce déversement, que cette transformation, sont dus au naufrage survenu par gros temps du navire “Erika” et non à un comportement imputable à ces sociétés ; que les seules circonstances, invoquées par la commune, que le fioul ait été produit par la société Total Raffinage Distribution et que la société Total International limited soit la propriétaire de la cargaison ne sauraient conduire à faire regarder ces sociétés comme responsables de l'abandon des déchets ainsi produits ; qu'il suit de là que lesdites sociétés ne pouvaient être regardées comme productrices ou détentrices de déchets au sens des dispositions précitées de l'article 2 de la loi du 15 juillet 1975 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Batz-sur-Mer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 18 février 2000 du maire de Batz-sur-Mer ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que la société Total France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la commune de Batz-sur-Mer la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, d'autre part, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner la commune de Batz-sur-Mer à verser à la société Total France la somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Batz-sur-Mer est rejetée.

Article 2 : La commune de Batz-sur-Mer versera à la société Total France une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Batz-sur-Mer (Loire-Atlantique), à la société Total France, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et au ministre de l'écologie et du développement durable.

N° 04NT01323

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 04NT01323
Date de la décision : 14/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LALAUZE
Rapporteur ?: M. Sébastien DEGOMMIER
Rapporteur public ?: M. ARTUS
Avocat(s) : HUGLO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-11-14;04nt01323 ?
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