Vu le recours enregistré au greffe de la Cour le 1er juillet 2005, présenté par le ministre de l'écologie et du développement durable ; le ministre de l'écologie et du développement durable demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 00-1929 du 21 avril 2005 du Tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a annulé, à la demande de Me , agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l'entreprise de M. Didier , l'arrêté du 11 avril 2000 par lequel le préfet de la Sarthe a décidé la consignation, entre les mains d'un comptable public, d'une somme de 100 000 F (15 244,90 euros), en vue de la remise en état du site d'exploitation de la station-service “de Bel Air” située ..., et par voie de conséquence, le titre exécutoire du 11 mai 2000 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Me devant le Tribunal administratif de Nantes ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 ;
Vu le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2006 :
- le rapport de Mme Buffet, rapporteur ;
- les observations de Me Beaudouin, avocat de Me , agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l'entreprise de M. Didier ;
- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par jugement du 21 avril 2005, le Tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Me , agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l'entreprise de M. Didier , exploitant d'une station-service dite “de Bel Air” sise ... (Sarthe), l'arrêté du 11 avril 2000 par lequel le préfet de la Sarthe a engagé à son encontre une procédure de consignation d'une somme de 100 000 F (15 244,90 euros) en vue de la remise en état du site d'exploitation de la station-service sus-désignée, et, par voie de conséquence, le titre exécutoire du 25 avril 2000 ; que ce même jugement a rejeté comme irrecevables les conclusions de Me , tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 février 2000 par lequel le préfet de la Sarthe l'a mis en demeure de remettre en état le site d'exploitation de la station-service “de Bel Air” ; que le ministre de l'écologie et du développement durable interjette appel de ce jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté préfectoral du 11 avril 2000 ; que par la voie de l'appel incident, Me demande l'annulation de ce même jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 17 février 2000 précité ;
Sur l'appel incident de Me , agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l'entreprise de M. :
Considérant que Me ne conteste pas avoir reçu notification, le 18 février 2000, de l'arrêté préfectoral du 17 février 2000 par lequel le préfet de la Sarthe l'a mis en demeure de remettre en état le site d'exploitation de la station-service “de Bel Air” ; qu'il suit de là que les conclusions de sa demande, qui a été enregistrée le 17 mai 2000 au greffe du Tribunal administratif de Nantes, tendant à l'annulation de cet arrêté, étaient, en tout état de cause, tardives et, en conséquence, irrecevables pour ce motif ; que, dès lors, Me n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation dudit arrêté du 17 février 2000 ;
Sur l'appel principal du ministre de l'écologie et du développement durable :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : “Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et d'une manière générale les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients, soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature et de l'environnement (…)” ; que, suivant le premier alinéa de l'article L. 514-1 de ce code : “I.- Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées et lorsqu'un inspecteur des installations classées ou un expert désigné par le ministre chargé des installations classées a constaté l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant d'une installation classée, le préfet met en demeure ce dernier de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé. Si, à l'expiration du délai fixé pour l'exécution, l'exploitant n'a pas obtempéré à cette injonction, le préfet peut : 1°) Obliger l'exploitant à consigner entre les mains d'un comptable public une somme répondant du montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée à l'exploitant au fur et à mesure de l'exécution des mesures prescrites ; il est procédé au recouvrement de cette somme comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. Pour le recouvrement de cette somme, l'Etat bénéficie d'un privilège de même rang que celui prévu à l'article 1920 du code général des impôts ; 2°) Faire procéder d'office aux frais de l'exploitant, à l'exécution des mesures prescrites (…)” ; qu'aux termes de l'article 34-1 du décret du 21 septembre 1977 susvisé pris pour l'application de ces dispositions : “I. - Lorsqu'une installation classée est mise à l'arrêt définitif, son exploitant remet son site dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 susvisée. (…) IV. Dans le cas des installations soumises à déclaration, la notification doit indiquer les mesures de remise en état du site prises ou envisagées. Il est donné récépissé sans frais de cette notification.” ; que les mesures énumérées à l'article L. 514-1 du code de l'environnement, issues de l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976, ont été instituées pour contraindre les exploitants à prendre les dispositions nécessaires à la sauvegarde des intérêts visés à l'article L. 511-1 et peuvent être mises en oeuvre par le préfet aussi longtemps que subsiste l'un des dangers ou inconvénients mentionnés audit article ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la station-service exploitée par M. a fait l'objet, le 25 mars 1975, d'une déclaration au titre de la législation sur les installations classées ; que, par jugement du 15 septembre 1999 du Tribunal de commerce de Mamers, l'entreprise de M. a été mise en liquidation judiciaire ; que, par arrêté du 18 octobre 1999, pris sur le fondement des dispositions précitées, le préfet de la Sarthe a mis en demeure, dans un délai de deux mois, M. “en cas de suspension d'activité de prendre toutes dispositions nécessaires pour la surveillance des installations et mettre en situation de sécurité l'ensemble du site, en cas d'une cessation d'activité, de déclarer l'arrêt définitif de la station et remettre le site en état conformément aux dispositions de l'article 34-1 du décret du 21 septembre 1977” ; qu'en l'absence de réponse à cette mise en demeure, le préfet a, par arrêté du 17 février 2000, également pris sur le fondement des dispositions précitées, mis en demeure Me , agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l'entreprise de M. , de “présenter, dans le délai d'un mois (…) un dossier de notification exposant les mesures de remise en état du site prises ou envisagées pour qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976. Ce dossier comportera, notamment, des indications : sur les quantités de produits concernés, leur nature, le mode d'élimination choisi et toutes autres informations jugées utiles, sur une éventuelle pollution des sols (périmètre concerné, nature des polluants, analyses réalisées et résultats) et sur le mode de traitement choisi” ; que si, par courrier du 23 mars 2000 adressé au préfet de la Sarthe, Me a précisé qu'il avait été procédé au dégazage et au nettoyage des cuves de la station-service par une société spécialisée et a produit le “certificat de neutralisation” établi par cette société, il n'est pas contesté que ce mandataire judiciaire n'avait fait réaliser aucune étude portant sur l'état de pollution des sols par les hydrocarbures, ni fait procéder au démantèlement des installations de la station-service ; que, dans ces conditions, Me ne pouvait être regardé comme ayant pris les mesures prescrites par les mises en demeure respectivement faites les 18 octobre 1999 et 17 février 2000 en vue de la remise du site d'exploitation de la station-service dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 susvisée ; qu'ainsi, le préfet de la Sarthe a pu légalement, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 514-1 du code de l'environnement, engager, par l'arrêté du 11 avril 2000, une procédure de consignation à l'encontre de Me ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 514-1 du code de l'environnement par le préfet de la Sarthe pour annuler ledit arrêté du 11 avril 2000 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Me devant le Tribunal administratif de Nantes ;
Considérant, en premier lieu, que la double circonstance que le préfet de la Sarthe n'ait pas donné récépissé à Me du courrier précité du 23 mars 2000 et que ce dernier n'ait pas été visé par l'arrêté du 11 avril 2000 contesté est sans influence sur la régularité dudit arrêté ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté du 17 février 2000 par lequel le préfet de la Sarthe a mis en demeure Me de remettre en état le site d'exploitation de la station-service “de Bel Air” est devenu définitif faute d'avoir été contesté dans le délai de recours contentieux ; que, par suite, Me n'est pas recevable à exciper de l'illégalité de cet arrêté, qui est dépourvu de caractère réglementaire, au soutien de ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 11 avril 2000 du préfet de la Sarthe ;
Considérant, en troisième lieu, que si les dispositions des articles 47 à 53 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, reprises aux articles L. 621-40 à L. 621-46 du code de commerce, régissent les conditions dans lesquelles peuvent être produites puis payées les créances détenues sur une entreprise qui fait l'objet d'une procédure collective, elles ne font pas obstacle à ce que l'administration fasse usage de ses pouvoirs, notamment de police administrative, qui peuvent la conduire, dans les cas où la loi le prévoit, à mettre à la charge de particuliers ou d'entreprises, par voie de décision unilatérale, des sommes dues aux collectivités publiques ; qu'il suit de là que le préfet de la Sarthe a pu, à bon droit, sur le fondement de la législation relative aux installations classées, et sans méconnaître les dispositions ci-dessus rappelées relatives au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, ordonner la mesure de consignation contestée ;
Considérant, en dernier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction, notamment, de l'estimation chiffrée jointe par l'inspecteur des installations classées à son rapport du 27 mars 2000, laquelle n'est pas contestée par Me , et alors que le coût du seul nettoyage des cuves auquel a fait procéder ce mandataire judiciaire s'établit à la somme de 51 773,58 F (7 892,83 euros), que la somme de 100 000 F (15 244,90 euros) fixée par l'arrêté préfectoral du 11 avril 2000 pour permettre la réalisation des études nécessaires à l'établissement du dossier de notification exposant les mesures de remise en état prises ou envisagées et l'exécution des travaux de remise en état du site, soit excessive ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'écologie et du développement durable est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Me , agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l'entreprise de M. , l'arrêté du 11 avril 2000 par lequel le préfet de la Sarthe a engagé à son encontre une procédure de consignation pour une somme de 100 000 F (15 244,90 euros) en vue de la remise en état du site d'exploitation de la station-service “de Bel Air” sise ... et, par voie de conséquence, le titre exécutoire du 25 avril 2000 émis pour avoir paiement de cette même somme ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente, soit condamné à verser à Me , agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l'entreprise de M. , la somme que ce dernier demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 21 avril 2005 du Tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il annule l'arrêté du 11 avril 2000 du préfet de la Sarthe.
Article 2 : La demande présentée par Me , agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l'entreprise de M. , devant le Tribunal administratif de Nantes, ainsi que son appel incident, sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de Me , agissant en qualité de liquidateur mandataire de l'entreprise de M. , tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'écologie et du développement durable et à Me X... , agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l'entreprise de M. Didier .
N° 05NT01003
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