Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 mars 2005, présentée pour M. et Mme X, demeurant ..., par Me Fretigne, avocat au barreau de Coutances ; M. et Mme X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0301634 en date du 21 septembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de prélèvement social auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1999 et 2000 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser, outre le remboursement des timbres fiscaux à concurrence de la somme de 30 euros, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2006 :
- le rapport de Mme Gélard, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Lalauze, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société UNI SERVICE DISTRIBUTION, qui exploite un hypermarché sous l'enseigne E. Leclerc à Saint-Hilaire du Harcouet (Manche), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au terme de laquelle l'administration a estimé que la rémunération brute mensuelle de 110 000 F allouée à Mme X en sa qualité de présidente du conseil d'administration, pour la période du 1er octobre 1998 au 30 septembre 2000, était excessive ; qu'elle a ramené ladite rémunération à 80 000 F par mois et réintégré la somme de 553 800 F, comprenant les cotisations patronales, dans les résultats de la société ; que la fraction de la rémunération de Mme X jugée excessive a également été imposée dans les revenus des époux X en tant que revenus distribués dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et soumise au prélèvement social de 2 % au titre des années 1999 et 2000 ; que M. et Mme X sollicitent la décharge des cotisations de prélèvement social auxquelles ils ont été assujettis ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si M. et Mme X soutiennent que les premiers juges se sont bornés, pour rejeter les conclusions de leur demande, à reprendre la motivation développée par l'administration sans se référer à l'avis rendu le 27 février 2002 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en ce qui concerne le litige qui opposait la société UNI SERVICE DISTRIBUTION à l'administration, il ressort du jugement que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments développés à l'appui des moyens soulevés devant lui, a répondu à ces moyens en se fondant sur les données propres de l'affaire ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales : “L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation… Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée.” ; que la notification de redressements adressée le 21 août 2001 à M. et Mme X indique le fondement légal et l'origine des redressements envisagés et se réfère en ce qui concerne la rémunération de Mme X, à la notification de redressements adressée le 18 mai 2001 à la société UNI SERVICE DISTRIBUTION, dont un extrait est joint ; que ladite notification de redressements mentionne les motifs de fait et de droit qui ont justifié les redressements notifiés à la société et précise les éléments retenus pour apprécier le caractère excessif de la rémunération allouée à Mme X ; qu'elle indique la localisation des huit centres Leclerc situés dans la Manche ou dans le Calvados auxquels l'administration s'est référée comme termes de comparaison ainsi que les données propres à la société UNI SERVICE DISTRIBUTION qui ont été prises en compte ; qu'en ce qui concerne les termes de comparaison elle indique notamment la moyenne sur trois exercices du chiffre d'affaires, des rémunérations des dirigeants, de la masse des salaires et des résultats avant impôt ; qu'aucune disposition réglementaire ou législative n'imposait à l'administration qui est tenue par le secret professionnel de donner dans la notification de redressement des moyennes soit par entreprise soit par année ou d'établir une comparaison en valeur absolue ; que, par suite, les requérants disposaient de tous les éléments nécessaires pour discuter utilement la pertinence des termes de comparaison retenus par l'administration ; qu'enfin, ils ne peuvent utilement invoquer l'instruction administrative 13 M 2522 du 14 mai 1999 qui, traitant d'une question touchant à la procédure d'imposition, ne peut être regardée comme comportant une interprétation de la loi fiscale au sens de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien fondé des impositions :
Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : “Sont notamment considérés comme revenus distribués (…) d. La fraction des rémunérations qui n'est pas déductible en vertu du 1° du 1 de l'article 39 (…)” ; qu'aux termes de l'article 39 du même code : “Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (…) notamment : 1°) (…) les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre (…) Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu (…)” ;
Considérant que pour apprécier le caractère excessif de la rémunération allouée à Mme X, l'administration a pris pour référence huit autres hypermarchés “Leclerc” situés soit dans la Manche, soit dans le Calvados, dans des villes de moins 20 000 habitants ; que ces établissements étaient gérés, à l'instar de la société UNI SERVICE DISTRIBUTION, par un couple de dirigeants détenant directement ou indirectement plus de 95 % du capital social et assurant les fonctions de président directeur général et de directeur général ; qu'il résulte de ces éléments de comparaison dont la pertinence n'est pas remise en cause par les critiques ponctuelles formulées par les requérants que la moyenne annuelle de la rémunération allouée à Mme X sur les exercices 1998, 1999 et 2000 s'élevait à 1 253 333 F alors que celle allouée aux dirigeants des huit autres centres Leclerc se limitait à 623 707 F ; que sa rémunération représentait 0,78 % du chiffre d'affaires de la société contre 0,26 % dans les autres établissements et 15,01 % de la masse salariale contre 4,6 % dans les autres magasins ; qu'en outre, en ramenant la rémunération brute mensuelle de Mme X de 110 000 F à 80 000 F, alors que la moyenne pour les huit autres établissements se situait aux environs de 64 333 F, l'administration a tenu compte des spécificités de l'établissement et de l'engagement très actif de Mme X lié au départ successif d'un responsable de magasin et d'un chef de rayon ; qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que depuis le 1er janvier 1997, date de sa mise à la retraite, M. X a continué à participer à la gestion de la société en qualité de directeur général non rémunéré ; que dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe du caractère excessif de la rémunération allouée à Mme X, et, par suite, de l'existence de revenus distribués imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application des dispositions précitées de l'article 111 du code général des impôts ; que la circonstance que le niveau des rémunérations litigieuses n'aurait pas fait obstacle à la distribution d'importants dividendes soumis à l'impôt sur le revenu est sans incidence sur le présent litige ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. et Mme X la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Marcel X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
N° 05NT00354
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