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20/04/2006 | FRANCE | N°03NT01275

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre b, 20 avril 2006, 03NT01275


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 août 2003, présentée pour la SA DES VINS GUEVEL, qui a son siège ..., par Me X..., avocat au barreau de Saint-Brieuc ; la SA DES VINS GUEVEL demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99.2221 en date du 28 mai 2003 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1992 par rôle mis en recouvrement le 31 mars 1996 et la décharge de la cotisation suppl

émentaire mise en recouvrement le 31 juillet 1997 au titre de la même anné...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 août 2003, présentée pour la SA DES VINS GUEVEL, qui a son siège ..., par Me X..., avocat au barreau de Saint-Brieuc ; la SA DES VINS GUEVEL demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99.2221 en date du 28 mai 2003 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1992 par rôle mis en recouvrement le 31 mars 1996 et la décharge de la cotisation supplémentaire mise en recouvrement le 31 juillet 1997 au titre de la même année et du même impôt ;

2°) de prononcer la réduction et la décharge demandées ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mars 2006 :

- le rapport de M. Luc Martin, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SA DES VINS GUEVEL a acquis, le 31 décembre 1990, au prix de 1 F, la totalité des actions de la SA Duault, société spécialisée comme elle dans le domaine de la distribution de boissons, notamment des vins et spiritueux ; que, par une décision du 26 novembre 1992 avec effet au 31 décembre de la même année, elle a procédé à la dissolution sans liquidation de la SA Duault, et repris à leur valeur comptable l'ensemble de l'actif et du passif de celle-ci en contrepartie d'une annulation des titres de cette dernière, entraînant ainsi la confusion des patrimoines des deux sociétés ; que la SA Duault présentait alors une situation nette négative d'un montant total cumulé de 7 232 001 F et était débitrice envers la SA DES VINS GUEVEL, qui était son principal fournisseur, à hauteur de 11 342 165 F ; qu'à l'issue d'une vérification de la comptabilité de la SA DES VINS GUEVEL portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos en 1991, 1992 et 1993, l'administration a, notamment, remis en cause la déduction, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1992, d'un mali de confusion de 6 538 618 F ; que, dans sa réclamation, la société requérante a demandé que le montant du mali initialement déduit soit augmenté du déficit comptable de 693 383 F de la SA Duault de l'exercice clos le 31 décembre 1992, ayant fait l'objet d'un redressement distinct, et porté ainsi à 7 232 001 F, montant égal à celui, susmentionné, de la situation nette négative de la SA Duault ;

Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 dudit code : “Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt… L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés” ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une société dont l'actif net fiscal est négatif est dissoute par confusion de son patrimoine avec celui d'une autre société, celle-ci peut en principe déduire le mali résultant de cette opération ; que le moyen tiré par l'administration de ce qu'une telle confusion de patrimoine serait constitutive d'un acte anormal de gestion doit, par suite, être écarté ;

Considérant, en premier lieu, que l'administration, pour refuser la déduction du mali, fait valoir, d'une part, que la SA DES VINS GUEVEL a appréhendé des plus-values latentes, la valeur réelle des actifs immobilisés de la SA Duault étant nettement supérieure à leur valeur nette comptable ; qu'en effet, selon elle, la valeur réelle de ces éléments d'actif s'élevait, au 31 décembre 1992, à 14 741 656 F alors que leur valeur nette comptable était de 5 760 541 F ; que, pour démontrer la validité de son évaluation, elle a procédé par extrapolation en prenant comme référence le montant du loyer versé par la SA DES VINS GUEVEL à la SA Duault à raison de la prise en location-gérance, par la première de ces sociétés, du fonds de commerce de la seconde, en novembre et décembre 1992 ; que, toutefois, cette référence n'apparaît pas appropriée, eu égard à la triple circonstance que cette location-gérance a été de courte durée, qu'elle est intervenue dans un contexte particulier, au moment où se préparait la dissolution de la SA Duault, et que le mode de calcul du loyer répondait principalement au souhait des parties de ne pas aggraver l'endettement de la SA Duault ; qu'il suit de là que l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve de ce que la valeur réelle des éléments d'actif de la SA Duault, structurellement déficitaire en raison, notamment, d'une baisse des ventes de vins de consommation courante, aurait été, au 31 décembre 1992, supérieure à leur valeur nette comptable, alors même que cette société a réalisé en 1992 un chiffre d'affaires de 55 000 000 F ;

Considérant que l'administration soutient, d'autre part, que, lorsqu'elle a acquis les actions de la SA Duault, en 1990, la SA DES VINS GUEVEL aurait accru la valeur de son fonds de commerce et que cet accroissement, qui ne peut être réputé avoir disparu du seul fait de la confusion, devrait être inscrit parmi ses actifs incorporels, venant ainsi compenser en tout ou partie la diminution d'actif résultant de la déduction du mali ; qu'elle fait valoir que la SA DES VINS GUEVEL, en même temps qu'elle a acheté à la SA AGRIOUEST, le 31 décembre 1990, les actions de la SA Duault au prix de 1 F, a consenti à cette dernière société un abandon de créances de 4 493 444 F ; qu'elle soutient que cet abandon de créances était indissociable de l'opération de prise de contrôle de la SA Duault, de sorte que son montant avait concouru à la formation du prix d'acquisition des actions ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que la SA AGRIOUEST avait elle-même acquis le 9 décembre 1989 lesdites actions auprès du groupe familial Duault moyennant le prix de 1 F, alors même que la SA Duault présentait à cette date une situation nette positive de 1 201 443 F ; qu'il n'est pas contesté que cette acquisition avait été effectuée au juste prix ; qu'il n'est pas soutenu qu'entre le 9 décembre 1989 et le 31 décembre 1990, la valeur de la SA Duault aurait notablement augmenté ; que, selon la SA DES VINS GUEVEL, l'abandon de créances qu'elle a consenti à la SA Duault, dont elle était le principal fournisseur, s'inscrivait dans les relations commerciales qu'elle entretenait avec cette société et constituait une perte d'exploitation qu'elle a d'ailleurs déduite de ses résultats au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1990 ; que, par suite, l'administration n'établit ni que l'abandon de créances en cause aurait constitué un complément du prix d'acquisition des actions de la SA Duault par la SA DES VINS GUEVEL, ni qu'en prenant le contrôle de la SA Duault, la SA DES VINS GUEVEL aurait augmenté la valeur de son fonds de commerce par l'acquisition d'un élément d'actif incorporel ;

Considérant, en second lieu, que l'administration conteste la prise en compte dans le mali déductible du déficit comptable du dernier exercice clos de la SA Duault, d'un montant de 693 683 F ; que le mali doit être calculé à partir de l'actif net fiscal de la SA Duault au 31 décembre 1992, tel que défini par le 2 précité de l'article 38 du code général des impôts, dont il n'y a pas lieu d'exclure le déficit de l'exercice ; qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que cet actif net négatif s'élevait à 7 232 001 F (1 102 511,40 euros) ; que, par suite, la SA DES VINS GUEVEL est fondée à soutenir qu'elle était en droit de déduire un mali du même montant, sans qu'y fassent obstacle les dispositions combinées des articles 201, 209 et 221 du code général des impôts, alors applicables, selon lesquelles les déficits reportables à la date de la dissolution-confusion et qui ne peuvent être imputés sur le résultat déclaré de la société dissoute doivent, en l'absence d'agrément, tomber en non-valeur ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA DES VINS GUEVEL est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à verser à la SA DES VINS GUEVEL une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 28 mai 2003 est annulé.

Article 2 : La base des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la SA DES VINS GUEVEL a été assujettie au titre de l'année 1992 est réduite de 1 102 511,40 euros (un million cent deux mille cinq cent onze euros quarante centimes).

Article 3 : La SA DES VINS GUEVEL est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1992 formant surtaxe par rapport à celles résultant de l'application de l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la SA DES VINS GUEVEL une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SA DES VINS GUEVEL et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N° 03NT01275

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre b
Numéro d'arrêt : 03NT01275
Date de la décision : 20/04/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. GRANGE
Rapporteur ?: M. Luc MARTIN
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : LEVACHER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-04-20;03nt01275 ?
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