Vu, I, sous le n° 05NT00292, la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour les 16 février et 17 mars 2005, présentés pour Mme Françoise Y, demeurant ..., par Me Seychal, avocat au barreau de Nantes ; Mme Y demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 03-2993 du 1er février 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de M. Bruno X, l'arrêté du préfet du Morbihan en date du 13 juin 2003 autorisant Mme Y à transférer son officine de pharmacie sise place Notre-Dame du Loc à Saint-Avé, dans un nouveau local du centre commercial Super U, les Trois Rois, implanté sur le territoire de la même commune ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rennes ;
3°) de condamner M. X à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
……………………………………………………………………………………………………...
Vu, II, sous le n° 05NT00529, le recours enregistré au greffe de la Cour le 4 avril 2005, présenté par le MINISTRE DES SOLIDARITES, DE LA SANTE ET DE LA FAMILLE ; le ministre demande à la Cour d'annuler le jugement n° 03-2993 du 1er février 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de M. Bruno X, l'arrêté du préfet du Morbihan en date du 13 juin 2003 autorisant Mme Z à transférer son officine de pharmacie sise place Notre-Dame du Loc à Saint-Avé, dans un nouveau local du centre commercial Super U, les Trois Rois, implanté sur le territoire de la même commune et de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rennes ;
……………………………………………………………………………………………………...
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2006 :
- le rapport de M. Laurent Martin, rapporteur ;
- les observations de Me Seychal, avocat de Mme Y ;
- les observations de Me Thomé substituant Me Assouline, avocat de M. X ;
- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la requête n° 05NT00292 et le recours n° 05NT00529 susvisés sont dirigés contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant que par jugement du 1er février 2005, le Tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de M. X, pharmacien à Vannes, l'arrêté du préfet du Morbihan en date du 13 juin 2003 autorisant Mme Y à transférer son officine de pharmacie, sise place Notre-Dame du Loc à Saint-Avé, dans un nouveau local du centre commercial Super U, les Trois Rois, implanté sur le territoire de la même commune ; que Mme Y et le MINISTRE DES SOLIDARITES, DE LA SANTE ET DE LA FAMILLE demandent l'annulation dudit jugement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.5125-3 du code de la santé publique : Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines. Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie ne peuvent être effectués que dans un lieu qui garantit un accès permanent du public à la pharmacie et permet à celle-ci d'assurer un service de garde satisfaisant ; qu'aux termes de l'article L.5125-14 du même code : Le transfert d'une officine de pharmacie peut s'effectuer, conformément à l'article L.5125-3, au sein de la même commune, dans une autre commune du même département, ou, pour la région d'Ile-de-France, dans une autre commune de cette région ; qu'aux termes, enfin, de l'article L.5125-6 dudit code : La licence fixe l'emplacement où l'officine sera exploitée. Lorsqu'il est saisi d'une demande de création, de transfert ou de regroupement, le représentant de l'Etat peut imposer une distance minimum entre l'emplacement prévu pour la future officine et l'officine existante la plus proche. Le représentant de l'Etat peut, en outre, en vue d'assurer une desserte optimale de la population résidant à proximité de l'emplacement de la future officine, déterminer le ou les secteurs de la commune dans lesquels l'officine devra être située ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les autorisations de transfert d'officines de pharmacie au sein d'une même commune ne peuvent être délivrées qu'après que le préfet a vérifié que le transfert sollicité répond de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans le quartier d'accueil de l'officine ; que la même autorité peut, si elle l'estime utile, imposer une distance minimum entre l'officine bénéficiant du transfert et l'officine existante la plus proche ;
Considérant, en premier lieu, que pour accorder à Mme Y, par son arrêté du 13 juin 2003, l'autorisation de transférer son officine de pharmacie du centre bourg de Saint-Avé, où elle était installée, dans un nouveau local du centre commercial Super U, les Trois Rois, implanté sur le territoire de la même commune, le préfet du Morbihan a pris en compte l'expansion démographique de cette commune et constaté que ledit transfert permettait de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans le quartier d'accueil ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le préfet a, avant de prendre la décision contestée, examiné si la condition relative à la desserte optimale en médicaments de la population du quartier d'accueil était remplie ;
Considérant, en second lieu, que si concomitamment à l'arrêté contesté, le préfet du Morbihan a, par un arrêté également pris le 13 juin 2003, autorisé le transfert de l'officine exploitée par M. X sur le territoire de la commune de Vannes, dans un nouveau local sis 181, avenue du 4 août 1944, distant d'environ 150 mètres du lieu retenu pour le transfert de l'officine de Mme Y, il résulte des dispositions précitées des articles L.5125-3 et L.5125-14 du code de la santé publique que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les transferts en cause concernent deux communes différentes et ainsi, nécessairement, deux quartiers d'accueil distincts ; qu'en outre, il ressort de l'arrêté contesté, lequel vise l'avis du syndicat des pharmaciens du Morbihan et celui du conseil régional de l'ordre des pharmaciens qui attiraient son attention sur la proximité des deux officines transférées, que le préfet du Morbihan n'ignorait nullement les circonstances de lieu propres à l'affaire quand il a pris la décision litigieuse ; que, toutefois, il n'a pas estimé utile d'imposer une distance minimum entre les deux officines comme il en a la possibilité, sans toutefois y être jamais tenu, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L.5125-6 du code de la santé publique ; que, par suite, c'est à tort que le jugement attaqué a retenu que le préfet du Morbihan avait entaché sa décision d'erreur dans l'appréciation des intérêts de la santé publique et des besoins en médicaments de la population du quartier d'accueil en omettant de prendre en considération le transfert de l'officine de M. X ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Y et le MINISTRE DES SOLIDARITES, DE LA SANTE ET DE LA FAMILLE sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur les motifs ci-dessus pour annuler l'arrêté du préfet du Morbihan en date du 13 juin 2003 autorisant le transfert de l'officine de pharmacie de Mme Y ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Rennes ;
Considérant que M. X n'établit pas que l'avis du conseil régional de l'ordre des pharmaciens n'aurait pas été rendu conformément aux dispositions de l'article L.5125-4 du code de la santé publique ; que, par ailleurs, l'arrêté contesté du préfet du Morbihan en date du 13 juin 2003 est suffisamment motivé ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la population de la commune de Saint-Avé, qui était de 8 803 habitants lors du recensement de 1999, a dépassé 10 000 habitants au début de l'année 2003 ; qu'il n'est pas contesté que le développement démographique et urbain de ladite commune affecte en premier lieu la partie ouest de son territoire, laquelle comprend le quartier de Coetdigo - les Trois Rois où se trouve situé le centre commercial retenu pour le transfert de l'officine de Mme Y ; que ce quartier, dont la population avoisinait 1 000 habitants en 2003, est relié par la route départementale 767 à la partie nord-ouest du territoire communal, constitué des quartiers Terre Rouge, Lezellec et de plusieurs hameaux situés à l'ouest de ladite RD 767, ainsi que par la route départementale 135 bis au quartier proche du giratoire Catric ; que la population de l'ensemble ainsi formé, qui peut accéder à l'emplacement prévu pour accueillir la pharmacie de Mme Y dans des conditions de distance moindres ou égales à celles requises pour aller de ces mêmes quartiers au centre-bourg, doit être estimée à 2 000 habitants ; que, par ailleurs, il ressort également des pièces du dossier que ledit ensemble est destiné à connaître un développement urbain continu qui présente un caractère certain ; qu'en outre, il n'est pas démontré qu'une autre implantation dans le même quartier d'accueil serait manifestement plus pertinente ; que, dès lors, en autorisant ledit transfert dans le quartier Coetdigo - les Trois Rois de la commune de Saint-Avé, en un lieu aisément accessible par la population résidant à l'ouest de cette commune, le préfet du Morbihan n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du code de la santé publique ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Y et le MINISTRE DES SOLIDARITES, DE LA SANTE ET DE LA FAMILLE sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté préfectoral du 13 juin 2003 autorisant le transfert de l'officine de Mme Y ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que Mme Y et l'Etat, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à verser à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner M. X à verser à Mme Y la somme de 1 500 euros que cette dernière demande au titre des frais de même nature ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 1er février 2005 est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Rennes par M. X est rejetée.
Article 3 : M. X versera à Mme Y une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de M. X tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Françoise Y, au MINISTRE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES, à M. Bruno X et au préfet du Morbihan.
2
Nos 05NT00292,05NT00529
1