Vu la requête, enregistrée le 11 octobre 2005, présentée pour M.Ahmet X, demeurant ..., par Me Didier Deumié, avocat au barreau de Paris ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 05-2971 du 14 septembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet d'Eure-et-Loir, en date du 29 août 2005, ordonnant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
……………………………………………………………………………………………………
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision du 26 janvier 2005 par laquelle le président de la Cour a délégué M. Faessel pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2005 :
- le rapport de M. Faessel, magistrat délégué,
- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes du paragraphe I de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (…) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité turque, réside depuis le 20 janvier 2000 en France, où il a épousé, le 29 juin 2000, une personne titulaire d'une carte de résident ; que les époux X ont un enfant, né le 23 janvier 2004, qui demeure avec eux sur le territoire national ; que la réalité de leur vie commune n'est pas contestée ; que dans ces circonstances, et alors même que l'intéressé peut bénéficier du regroupement familial, l'arrêté contesté du 29 août 2005 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir a ordonné la reconduite à la frontière de M. X a porté au droit de celui-ci au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ; que les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont dès lors été méconnues ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement susvisé du 14 septembre 2005 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Orléans et l'arrêté du préfet d'Eure-et-Loir en date du 29 août 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. X la somme de mille euros (1 000 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ahmet X, au préfet d'Eure-et-Loir et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
N° 05NT01659
2
1