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02/12/2005 | FRANCE | N°04NT01162

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3eme chambre, 02 décembre 2005, 04NT01162


Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2004, présentée pour le centre hospitalier d'Honfleur, dont le siège est Chemin de la Plane, Equemauville à Honfleur Cedex (14601), représenté par son directeur dûment habilité à cet effet par délibération du 8 octobre 2004, par la société Fidal ; le centre hospitalier d'Honfleur demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 03-829 du 6 juillet 2004 par lequel le Tribunal administratif de Caen l'a condamné à réparer l'intégralité des conséquences dommageables de l'intervention que Mme Michèle X a subie le 7 févrie

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2°) de limiter le droit à réparation de M. et Mme X et de la caisse pr...

Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2004, présentée pour le centre hospitalier d'Honfleur, dont le siège est Chemin de la Plane, Equemauville à Honfleur Cedex (14601), représenté par son directeur dûment habilité à cet effet par délibération du 8 octobre 2004, par la société Fidal ; le centre hospitalier d'Honfleur demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 03-829 du 6 juillet 2004 par lequel le Tribunal administratif de Caen l'a condamné à réparer l'intégralité des conséquences dommageables de l'intervention que Mme Michèle X a subie le 7 février 2001 ;

2°) de limiter le droit à réparation de M. et Mme X et de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Calvados à la seule perte de chance liée au retard de diagnostic de l'abcès de Douglas ;

3°) de lui décerner acte de ce qu'il offre une somme de 3 000 euros au titre des souffrances physiques ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 novembre 2005 :

- le rapport de M. Gualeni, rapporteur ;

- les observations de Me Yeu, avocat de M. X ;

- les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a déclaré le centre hospitalier d'Honfleur responsable des complications survenues à la suite de l'hystérectomie totale avec annexectomie bilatérale que Mme X a subie le 8 février 2001 dans cet établissement et l'a condamné à verser à l'intéressée et à son époux, les sommes de 14 000 euros et 1 500 euros en réparation des conséquences dommageables de cette intervention, ainsi qu'une somme de 23 770,35 euros à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Calvados ; que le centre hospitalier relève appel de ce jugement en ce que le Tribunal l'a déclaré entièrement responsable de ces complications et a procédé à une indemnisation intégrale des préjudices invoqués ; que, par la voie du recours incident, M. et Mme X demandent à la Cour de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné l'établissement à leur verser les sommes susmentionnées qu'ils estiment insuffisantes ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée en référé, que Mme X a présenté dans les suites immédiates de l'intervention qu'elle a subie des douleurs abdominales et des vomissements imputés à une intolérance aux médicaments prescrits à l'intéressée ; que cette dernière a été invitée à regagner son domicile le 16 février 2001, en dépit de la persistance de douleurs abdominales assez vives justifiant un traitement antalgique ; qu'en raison de la persistance de ces douleurs, Mme X, qui s'est présentée le 24 février 2001 au centre hospitalier, a subi une échographie qualifiée de normale et a regagné son domicile ; que le 26 février, en raison de la persistance de douleurs et l'apparition d'une température supérieure à 38°, Mme X a consulté son médecin traitant et a été réadmise au centre hospitalier d'Honfleur ; qu'à cette occasion, le diagnostic d'abcès de Douglas a été porté ; qu'après des ponctions évacuatrices de l'abcès effectuées le 28 février, puis le 1er mars, une fistule recto-vaginale a été mise en évidence le 5 mars 2001, alors qu'une nouvelle ponction devait être pratiquée ; qu'il résulte également de l'expertise susmentionnée que le diagnostic de l'abcès de Douglas a été tardif ; que ce retard a été rendu possible par une sortie prématurée de la patiente qui l'a privée d'examens complémentaires ; qu'il résulte également de l'instruction qu'un large drainage par colpotomie aurait du être préféré aux ponctions effectuées les 28 février et 1er mars 2001, qualifiées d'inopportunes par l'expert ; qu'enfin, il résulte encore de l'expertise que la fistule recto-vaginale diagnostiquée le 5 mars a pour origine l'absence de diagnostic plus précoce de l'abcès de Douglas, lequel est, selon l'expert, directement en rapport avec l'hystérectomie totale pratiquée le 8 février 2001 ; que ce retard a ainsi privé Mme X d'une chance évaluée à 2 sur une échelle de 3 par l'expert, d'éviter la survenance de cette fistule dont la cicatrisation n'a pu intervenir qu'au mois de juin 2001 ;

Sur l'étendue du droit à réparation :

Considérant, que dans l'hypothèse, comme en l'espèce, où une faute médicale fait perdre

au patient une chance d'éviter les séquelles dont il reste atteint, celui-ci a droit à la réparation intégrale du préjudice qui en résulte ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, M. et Mme X ont droit à la réparation intégrale des préjudices découlant de cette intervention, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que Mme X ait attendu le 24 février pour reprendre contact avec l'établissement en raison de la persistance de douleurs pelviennes, notamment ;

Sur le préjudice :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise susmentionnée, que Mme X a enduré des souffrances évaluées à 4 sur une échelle de 7, un préjudice esthétique évalué à 3 sur la même échelle, des troubles dans ses conditions d'existence se manifestant par une incapacité permanente partielle évaluée à 7 %, un préjudice d'agrément et un préjudice sexuel ; qu'il résulte de la même expertise que l'ensemble des préjudices ainsi retenus par l'expert, lequel a tenu compte pour leur évaluation des seules complications de l'intervention initiale, est directement imputable à la complication et aux conditions de prise en charge de Mme X ;

Considérant que, si Mme X n'a pas subi de pertes de revenus au titre des périodes d'incapacité temporaire totale et partielle sur la période du 7 février au 9 juin 2001, en revanche, il est constant que cette situation lui a occasionné des troubles dans ses conditions d'existence ; qu'eu égard à ces troubles et ceux susmentionnés, Mme X est fondée à soutenir qu'en lui allouant à Mme X une somme de 9 000 euros en réparation de l'ensemble des troubles dans ses conditions d'existence, le Tribunal administratif de Caen a fait une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice ; qu'il y a lieu d'allouer à Mme X, dans les circonstances de l'espèce, une somme de 12 000 euros au titre de ce préjudice ; qu'en revanche, il ne résulte pas de l'instruction qu'en allouant à l'intéressée une somme de 5 000 euros en réparation des souffrances physiques supplémentaires endurées du fait de la faute commise par l'établissement et du préjudice esthétique résultant des interventions rendues nécessaires par cette faute, les premiers juges ont fait une évaluation insuffisante de ces chefs de préjudice ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte également de l'instruction que M. X est fondé à soutenir qu'en lui allouant une somme de 1 500 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence résultant de l'état de santé de son épouse, le Tribunal a fait une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice ; qu'il y a lieu d'allouer à Mme X, dans les circonstances de l'espèce, une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier d'Honfleur n'est pas fondé à soutenir que le Tribunal a procédé à une évaluation excessive du préjudice subi par M. et Mme X, tandis que M. et Mme X sont fondés, dans les limites ci-dessus définies, à soutenir, par la voie du recours incident, que le Tribunal a fait une évaluation insuffisante du préjudice dont ils demandent réparation ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant, en premier lieu, que M. et Mme X ont droit aux intérêts au taux légal des sommes de 12 000 euros et 3 000 euros, à compter du 18 février 2003, date de réception de leur réclamation préalable par le centre hospitalier d'Honfleur ;

Considérant, en second lieu, que M. et Mme X ont demandé, pour la première fois, la capitalisation des intérêts échus, le 18 février 2003 ; qu'il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil de faire à droit à cette à compter du 19 février 2004, date à partir de laquelle il était dû une année d'intérets et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner le centre hospitalier d'Honfleur à verser à M. et Mme X une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a également lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner le centre hospitalier d'Honfleur à verser à la CPAM du Calvados la somme de 1 500 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier d'Honfleur est rejetée.

Article 2 : La somme de 9 000 euros (neuf mille euros) que le centre hospitalier d'Honfleur a été condamné à verser à Mme X est portée à la somme de 12 000 euros (douze mille euros).

Article 3 : La somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) que le centre hospitalier d'Honfleur a été condamné à verser à M. X est portée à la somme de 3 000 euros (trois mille euros).

Article 4 : Les sommes visées aux articles 2 et 3 du présent arrêt porteront intérêts au taux légal à compter du 18 février 2003. Les intérêts échus le 19 février 2004 seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 5 : Le surplus des conclusions de l'appel incident de M. et Mme X est rejeté.

Article 6 : Le centre hospitalier d'Honfleur versera à M. et Mme X une somme globale de 1 500 euros (mille cinq cents euros) et à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Les conclusions du centre hospitalier d'Honfleur tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier d'Honfleur, à M. et Mme X, à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados et au ministre de la santé et des solidarités.

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N° 04NT01162

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 04NT01162
Date de la décision : 02/12/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALUDEN
Rapporteur ?: M. Christian GUALENI
Rapporteur public ?: M. MILLET
Avocat(s) : SOCIETE FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2005-12-02;04nt01162 ?
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