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02/12/2005 | FRANCE | N°03NT01360

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3eme chambre, 02 décembre 2005, 03NT01360


Vu la requête, enregistrée le 18 août 2003, présentée pour la ville de Rennes, représentée par son maire dûment habilité, par Me Martin ; La ville de Rennes demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 00-2743 du 28 mai 2003 par lequel le Tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser, d'une part, à Mme Catherine X, une somme de 128,57 euros, en réparation des conséquences dommageables de la chute dont elle a été victime le 29 mai 1995, d'autre part, à l'Etat une somme de 55 374 euros ;

2°) de rejeter la demande de Mme X ;

3°) de conda

mner solidairement l'Etat et Mme X à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'a...

Vu la requête, enregistrée le 18 août 2003, présentée pour la ville de Rennes, représentée par son maire dûment habilité, par Me Martin ; La ville de Rennes demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 00-2743 du 28 mai 2003 par lequel le Tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser, d'une part, à Mme Catherine X, une somme de 128,57 euros, en réparation des conséquences dommageables de la chute dont elle a été victime le 29 mai 1995, d'autre part, à l'Etat une somme de 55 374 euros ;

2°) de rejeter la demande de Mme X ;

3°) de condamner solidairement l'Etat et Mme X à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 novembre 2005 :

- le rapport de M. Geffray, rapporteur ;

- les observations de Me Gourdin, substituant Me Martin, avocat de la ville de Rennes ;

- les observations de Me Yeu, avocat de Mme X ;

- les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un jugement du 28 mai 2003, le Tribunal administratif de Rennes a condamné la ville de Rennes (Ille-et-Vilaine) à verser, d'une part, à Mme X, institutrice, une somme de 128,57 euros, en réparation des conséquences dommageables de la chute dont elle a été victime le 29 mai 1995 dans l'exercice de ses fonctions et qui a entraîné un traumatisme dorso-lombaire, d'autre part, à l'Etat une somme de 55 374 euros en remboursement de ses débours ; que la ville de Rennes relève appel de ce jugement en demandant, d'une part, la réformation de celui-ci en ce qu'il a fixé la créance de l'Etat à la somme de 55 374 euros et, d'autre part, son annulation en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme X la somme de 128,57 euros ; que, par recours incident, Mme X demande la réformation du jugement en ce qu'il a limité la condamnation de la ville de Rennes à cette somme et la condamnation de celle-ci à lui verser celle de 19 548,62 euros ; que la ville de Rennes ne conteste pas sa responsabilité ;

Sur la recevabilité de l'appel incident de Mme X :

Considérant que les conclusions d'appel incident de Mme X qui critique, notamment, le rejet par le Tribunal administratif de Rennes de sa demande tendant à être indemnisée du préjudice résultant d'une perte de chances de se présenter à des concours administratifs et de les réussir, sont suffisamment motivées ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par la ville de Rennes doit être écartée ;

Sur le montant du préjudice indemnisable :

Considérant que Mme X, alors âgée de trente-neuf ans, a chuté dans une trappe d'accès à un vide sanitaire de l'école maternelle, laissée ouverte par les services techniques de la ville de Rennes ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné dans le cadre du protocole d'accord en date du 30 décembre 1997, que Mme X, à la suite de sa chute, souffre de douleurs dorso-lombaires ; qu'elle a été frappée d'une incapacité temporaire totale du 29 mai 1995 au 7 mars 1996, puis d'une incapacité temporaire partielle de 30 % du 8 mars au 2 septembre 1996 ; qu'elle reste atteinte d'une incapacité permanente partielle de 15 % ; que, compte tenu de ces éléments, le Tribunal administratif de Rennes a fait une appréciation insuffisante de la part personnelle des troubles dans les conditions d'existence de Mme X, incluant le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel, par l'allocation d'une somme de 6 000 euros ;

Considérant que Mme X a échoué au concours des professeurs des écoles en octobre 1995 alors qu'elle était en incapacité temporaire totale ; qu'en octobre 1997, elle a été admise à ce concours, peu après la consolidation de son état de santé ; que, dans ces conditions, Mme X doit être regardée comme ayant perdu une chance sérieuse d'être nommée professeur des écoles avant cette dernière date ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en portant la somme de 6 000 euros à celle de 18 000 euros, dont la moitié correspond à des troubles non physiologiques ;

Considérant que les souffrances physiques endurées par Mme X du fait de sa chute et évaluées par l'expert à 4 sur une échelle de 1 à 7 et son préjudice esthétique évalué à 2 sur la même échelle ont été exactement indemnisées par le Tribunal administratif de Rennes, aux sommes, respectives, de 4 000 euros et de 800 euros ;

Considérant que, pour évaluer le préjudice résultant de l'accident de Mme X, il y a lieu d'ajouter aux sommes susmentionnées, d'une part, la somme de 217 227,73 F, soit 33 116,15 euros, montant des émoluments versés par l'Etat à la victime, ainsi que des charges sociales versées pour la période de son indisponibilité, d'autre part, celle de 146 001,90 F, soit 22 257,84 euros, correspondant aux frais médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation, de transport pris en charge par l'Etat, ainsi que la part de l'allocation temporaire d'invalidité versée par l'Etat ne couvrant ni les troubles dans les conditions d'existence, ni le préjudice résultant des souffrances physiques ;

Sur les droits respectifs de l'Etat et de Mme X :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 : I . - Lorsque le décès, l'infirmité ou la maladie d'un agent de l'Etat est imputable à un tiers, l'Etat dispose de plein droit contre ce tiers, par subrogation aux droits de la victime ou de ses ayants droit, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime ou à ses ayants droit à la suite du décès, de l'infirmité ou de la maladie. II. - Cette action concerne notamment : Le traitement ou la solde et les indemnités accessoires pendant la période d'interruption du service ; - Les frais médicaux et pharmaceutiques ; - Le capital-décès ; - Les arrérages des pensions et rentes viagères d'invalidité ainsi que les allocations et majorations accessoires ; - Les arrérages des pensions de retraite et de réversion prématurées, jusqu'à la date à laquelle la victime aurait pu normalement faire valoir ses droits à pension, ainsi que les allocations et majorations accessoires ; - Les arrérages des pensions d'orphelin. III. - Le remboursement par le tiers responsable des arrérages de pensions ou rentes ayant fait l'objet d'une concession définitive est effectué par le versement d'une somme liquidée en calculant le capital représentatif de la pension ou de la rente ; et qu'aux termes de l'article 5 de la même ordonnance : Lorsque la responsabilité du dommage est partagée entre le tiers et la victime, l'Etat peut recourir contre le tiers pour la totalité des prestations auxquelles il est tenu, à la condition que leur montant n'excède pas celui de la réparation mise à la charge du tiers. - Toutefois, ce recours ne peut s'exercer sur la part des dommages-intérêts correspondant à des préjudices qui, en raison de leur nature, ne se trouvent pas au moins partiellement couverts par les prestations visées à l'article 1er ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'Etat est fondé à demander à la ville de Rennes le remboursement, dans la limite des sommes mises à la charge de celui-ci, d'une part, des émoluments et des frais médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation, de transport assumés par lui du fait de la chute de Mme X, d'autre part, de l'allocation temporaire d'invalidité accordée à l'intéressée, d'un montant de 247 522 F, soit 37 734,48 euros, d'où une somme totale de 610 751,63 F, soit 93 108,48 euros ; qu'en revanche, le droit à remboursement de l'Etat ne peut s'exercer sur la part de l'indemnité qui est destinée à réparer les souffrances physiques endurées par l'intéressée ainsi que les autres troubles de nature non pécuniaires, lesquels ne sont couverts par aucune des prestations visées à l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 ; que cette part correspond à une somme de 13 800 euros ;

Considérant, toutefois, que l'Etat n'a pas demandé le remboursement d'une somme supérieure à celle de 55 374 euros, correspondant aux versements qu'il a effectués à Mme X au titre de l'allocation temporaire d'invalidité ; qu'ainsi, les droits de l'Etat et de Mme X s'élèvent, respectivement, à cette somme de 55 374 euros et à une somme de 13 800 euros d'où il y a lieu de déduire, en ce qui concerne cette dernière somme, une provision de 70 000 F, soit 10 671,43 euros, qui a été versée à l'intéressée par l'assureur de la ville de Rennes ; qu'ainsi, la ville de Rennes doit être condamnée à verser à Mme X une somme de 2 128,57 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la ville de Rennes n'est fondée à demander ni la réformation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à verser à l'Etat la somme réclamée de 55 374 euros, ni l'annulation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme X une somme de 128,57 euros ; qu'en revanche, Mme X est fondée, par recours incident, à demander la réformation du jugement ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que le Tribunal administratif de Rennes a accordé les intérêts au taux légal, ainsi qu'il lui a été demandé, à compter du 21 mai 2000 ;

Considérant que Mme X... a demandé, par un mémoire enregistré le 10 avril 2001, la capitalisation des intérêts à compter du 23 mai 2000 ; qu'à cette date, il n'était pas dû une année d'intérêts ; qu'en revanche, il y a lieu de faire droit à cette demande le 24 mai 2001 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat et Mme X, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient solidairement condamnés à payer à la ville de Rennes la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner la ville de Rennes à payer à Mme X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 128,57 euros (cent vingt-huit euros et cinquante-sept centimes) que la ville de Rennes a été condamnée à verser à Mme X est portée à 2 128,57 euros (deux mille cent vingt-huit euros et cinquante-sept centimes). Les intérêts échus sur cette somme le 24 mai 2001 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date sont capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Rennes du 28 mai 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La requête de la ville de Rennes et le surplus de l'appel incident de Mme X sont rejetés.

Article 4 : La ville de Rennes versera à Mme X une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la ville de Rennes, à Mme Catherine X et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

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N° 03NT01360

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 03NT01360
Date de la décision : 02/12/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALUDEN
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. MILLET
Avocat(s) : MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2005-12-02;03nt01360 ?
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