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27/10/2005 | FRANCE | N°04NT01187

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3eme chambre, 27 octobre 2005, 04NT01187


Vu le recours, enregistré le 21 septembre 2004, présenté par le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-2517 du 13 juillet 2004 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de M. Hubert X, la décision en date du 26 mai 2001 par laquelle il a, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail de la 1ère section du département des Côtes-d'Armor refusant à la mission locale Ouest Côtes-d'Armor l'autorisation de licencier pour faute M. X, d'autre part, auto

risé le licenciement de ce dernier ;

2°) de rejeter la demande prése...

Vu le recours, enregistré le 21 septembre 2004, présenté par le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-2517 du 13 juillet 2004 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de M. Hubert X, la décision en date du 26 mai 2001 par laquelle il a, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail de la 1ère section du département des Côtes-d'Armor refusant à la mission locale Ouest Côtes-d'Armor l'autorisation de licencier pour faute M. X, d'autre part, autorisé le licenciement de ce dernier ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rennes ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant loi d'amnistie ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 septembre 2005 :

- le rapport de M. Gualeni, rapporteur ;

- les observations de Me Proust, avocat de M. X ;

- les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions de la mission locale Ouest Côtes-d'Armor :

Considérant que la mission locale Ouest Côtes-d'Armor est intervenue en défense en première instance ; qu'elle aurait eu qualité, à défaut d'intervention de sa part, pour former tierce-opposition contre le jugement faisant droit à la demande de M. X ; qu'ainsi, le mémoire qu'elle produit en appel doit être regardé non comme une intervention mais comme un appel qui, enregistré après l'expiration du délai de recours, est tardif et, par suite, irrecevable ;

Sur la légalité de la décision du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale :

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Considérant que la mission locale Ouest Côtes-d'Armor a sollicité l'autorisation de licencier pour faute M. X, conseiller technique en insertion sociale et professionnelle, responsable du service entreprises rattaché à l'antenne de Guingamp de la mission locale Ouest Côtes-d'Armor, par ailleurs, délégué du personnel et délégué syndical, au motif que ce dernier aurait entretenu une relation ambiguë avec un jeune homme qu'il suivait dans le cadre de ses attributions professionnelles en profitant de l'ascendant qu'il avait sur celui-ci et que cette situation serait à l'origine d'une perte de crédibilité de l'intéressé à l'égard des équipes de la mission et d'une perte de confiance de la part de la mission à son égard ; que, par décision en date du 26 mai 2001, le ministre de l'emploi et de la solidarité a, sur recours hiérarchique de la mission locale Ouest Côtes-d'Armor, annulé la décision de l'inspecteur du travail de la 1ère section du département des Côtes-d'Armor refusant à cette dernière l'autorisation de licencier M. X et lui a accordé cette autorisation au motif que celui-ci avait eu, dans ses relations avec un jeune majeur dont il assurait le suivi en sa qualité d'administrateur d'une structure d'accueil de jeunes en grande difficulté, un comportement contraire aux obligations et responsabilités qu'imposent de telles fonctions à l'égard de publics particulièrement fragilisés et vulnérables ; que, par le jugement dont le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale relève appel, le Tribunal administratif de Rennes n'a retenu comme établie, parmi les faits reprochés à M. X, que la pratique réitérée de massages corporels pour en déduire que celle-ci ne pouvait à elle seule justifier le licenciement de l'intéressé ;

Considérant, en premier lieu, que le 2 février 2001 s'est tenue une réunion au cours de laquelle le président, le vice-président et le directeur de la mission locale ont souhaité avoir une explication avec M. X sur son comportement à l'égard du jeune N dont ils ont eu connaissance, notamment, par l'information donnée par une collègue de l'intéressé auprès de laquelle le jeune s'était confié ; qu'il ressort du compte rendu établi à cette occasion, dont les termes ne sont pas sérieusement contestés par M. X, qui se borne à indiquer, pour la première fois en appel, qu'il ne l'a pas contresigné, qu'à l'occasion de l'accueil de ce jeune au domicile familial durant les week-ends, M. X lui a fait des cadeaux tels que vêtements, cassettes vidéos, a pratiqué sur l'intéressé à plusieurs reprises des massages et entretenu avec l'intéressé une relation marquée par une affection particulière d'une nature outrepassant celle qu'un éducateur peut avoir avec une personne dont il assure le suivi ; qu'il ressort également des pièces du dossier que ce jeune a quitté la structure d'accueil La Fourmilière au mois de juin 2000 ; qu'il a relaté à une collègue de M. X, au mois de novembre de la même année les conditions de son accueil tant chez M. X qu'à la Fourmilière et avait informé cette personne qu'il ne voulait plus revoir ce dernier ; que cette collègue ayant pris contact avec M. X pour connaître le passé de ce jeune, M. X a alors souhaité obtenir l'adresse de ce dernier pour reprendre son suivi ; qu'en dépit du refus opposé à sa demande par cette collègue, à laquelle il n'a pas fourni d'éléments sur les conditions du suivi qu'il a assuré durant la période allant de Noël 1999 au mois de juin 2000, M. X a finalement obtenu l'adresse de l'intéressé auprès de son employeur et lui a adressé un courrier à l'en-tête de la mission locale ; qu'ainsi, et contrairement à l'appréciation portée par les premiers juges, le comportement, que révèlent les faits ainsi établis, de la part d'un salarié, au demeurant expérimenté, est constitutif d'une faute de nature à rendre impossible le maintien de M. X au sein de la mission locale Ouest Côtes-d'Armor eu égard à la nature de ses fonctions qui le place en permanence au contact de jeunes en difficulté, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la plainte déposée à son encontre a fait l'objet d'un classement sans suite ; que, dans ces conditions, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a annulé l'autorisation de licencier M. X qu'il a accordée à la mission locale Ouest Côtes-d'Armor au motif que seule la pratique de massages était établie et que celle-ci n'était pas de nature à justifier le licenciement de l'intéressé ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Rennes ;

Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne faisait obligation à l'administration, pour l'instruction du recours hiérarchique formé par la mission locale Ouest Côtes-d'Armor, d'organiser une procédure contradictoire ; qu'ainsi, la circonstance que les services du ministère n'ont pas communiqué à M. X les documents produits par son employeur à l'appui de son recours hiérarchique est sans incidence sur la régularité de la procédure d'instruction de celui-ci ; qu'il en va de même de la circonstance que des représentants de la mission locale qui en avaient fait la demande ont été reçus par les services du ministère, dès lors que M. X ne soutient ni même n'allègue que ces mêmes services auraient refusé de donner suite à une demande de sa part en ce sens ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'outre les fonctions susmentionnées et celles de référent de la mission locale Ouest Côtes-d'Armor auprès de la structure d'accueil La Fourmilière, M. X était également devenu, à titre personnel, administrateur de cette structure ; qu'il ressort également des pièces du dossier que l'accueil du jeune N par M. X à son domicile s'inscrivait dans le cadre d'un programme de sorties de week-end pour les jeunes n'ayant pas de famille proche et avait été décidé en accord avec le responsable de la structure La Fourmilière ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que le suivi de ce jeune, qui bénéficiait du programme Trace dont la mission locale avait la charge, était censé être assuré par la mission locale en dépit de son accueil à La Fourmilière ; qu'au surplus, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, pour reprendre contact avec ce jeune, M. X ayant fait usage d'un papier à en-tête de la mission locale, après avoir obtenu son adresse auprès de son employeur, a mis en oeuvre des moyens liés à ses fonctions au sein de ladite mission ; que les faits reprochés qui ont donné lieu à un signalement auprès du parquet ont également eu des répercussions sur le fonctionnement de la mission locale, ainsi que l'attestent leur divulgation auprès de tiers et une pétition signée par certains membres du personnel ; que, dans ces conditions, M. X n'est pas fondé à soutenir que ces faits sont extérieurs à l'exécution de son contrat de travail ;

Considérant, enfin, qu'il n'est pas établi que le licenciement ait un lien avec les fonctions représentatives de M. X ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a annulé la décision en date du 26 mai 2001 autorisant le licenciement de M. X ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. X la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 13 juillet 2004 du Tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rennes et les conclusions de la mission locale Ouest Côtes-d'Armor devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de M. X, ainsi que les conclusions de la mission locale Ouest Côtes-d'Armor présentées en appel, tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, à M. Hubert X et à la mission locale Ouest Côtes-d'Armor.

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N° 04NT01187

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 04NT01187
Date de la décision : 27/10/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALUDEN
Rapporteur ?: M. Christian GUALENI
Rapporteur public ?: M. MILLET
Avocat(s) : PROUST

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2005-10-27;04nt01187 ?
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