Vu le recours, enregistré le 27 avril 2004, présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice ; le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 03-1541 du 2 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Caen a, sur la demande de Mme Ginette X, annulé la décision en date du 20 septembre 2003 par laquelle le procureur général près la Cour d'appel de Caen a suspendu pour la durée de quatre mois le permis de visite qui lui avait été délivré pour son époux, M. Daniel X ;
2°) de rejeter la demande de Mme X devant le Tribunal administratif de Caen ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 septembre 2005 :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort, rapporteur ;
- les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 145-4 du code de procédure pénale : Sous réserve des dispositions qui précèdent, toute personne placée en détention provisoire peut, avec l'autorisation du juge d'instruction, recevoir des visites sur son lieu de détention. A l'expiration d'un délai d'un mois à compter du placement en détention provisoire, le juge d'instruction ne peut refuser de délivrer un permis de visite à un membre de la famille de la personne détenue que par une décision écrite et spécialement motivée au regard des nécessités de l'instruction. Cette décision est notifiée par tout moyen et X délai au demandeur. Ce dernier peut la déférer au président de la chambre de l'instruction qui statue dans un délai de cinq jours par une décision écrite et motivée non susceptible de recours. Lorsqu'il infirme la décision du juge d'instruction, le président de la chambre de l'instruction délivre le permis de visite. ; qu'aux termes de l'article D.408 du même code, relatif aux visites dont les détenus peuvent bénéficier : …Les visiteurs dont l'attitude donne lieu à observation sont signalés à l'autorité ayant délivré le permis ; celle-ci apprécie si l'autorisation accordée doit être supprimée ou suspendue. ; qu'aux termes de l'article D.64 : Les permis de visite sont délivrés pour les prévenus par le magistrat saisi du dossier de l'information dans les conditions prévues par l'article 145-4 et ils sont utilisés dans les conditions visées aux articles D.403 et suivants... Sauf disposition contraire, ces permis sont valables jusqu'au moment où la condamnation éventuelle acquiert un caractère définitif. En conséquence, il n'y a pas lieu à renouvellement du permis lorsque le magistrat qui l'a accordé est dessaisi du dossier de la procédure, mais l'autorité judiciaire ultérieurement saisie est compétente pour en supprimer les effets ou pour délivrer de nouveaux permis. ; qu'enfin, selon l'article D.51 : L'expression magistrat saisi du dossier de l'information désigne dans le présent titre, selon le cas et conformément aux règles de la procédure pénale, le juge d'instruction ou le juge des enfants, le procureur de la République, le président de la Cour d'assises, le procureur général près la Cour d'appel, et éventuellement le procureur général près la Cour de cassation. ;
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 145-4 et de l'article D.64 du code de procédure pénale que le refus de délivrer un permis de visite à un membre de la famille d'un prévenu, opposé selon le cas par le juge d'instruction ou le magistrat saisi à sa suite du dossier de l'information, ne peut être contesté que devant le président de la chambre de l'instruction ; qu'il en est de même lorsque l'autorité judiciaire ultérieurement saisie, avant que la condamnation éventuelle du prévenu acquière un caractère définitif, décide d'en supprimer ou d'en suspendre les effets ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'époux de Mme X, mis en examen pour viol et agression sexuelle sur mineur de quinze ans, a été placé en détention provisoire depuis le 28 novembre 2000 par mandat du juge d'instruction de Coutances et écroué à la maison d'arrêt de Coutances puis, à partir du 4 décembre 2002, à celle de Rennes ; qu'il a été renvoyé devant la Cour d'assises de la Manche par arrêt de la chambre d'accusation de la Cour d'appel de Caen rendu le 18 février 2003 ; que, lui reprochant d'avoir transmis un écrit à son époux avec lequel elle s'entretenait au parloir le 15 septembre 2003 et d'avoir insulté le personnel pénitentiaire lors de la saisie de cette pièce, le directeur de la maison d'arrêt de Rennes a décidé, le 17 septembre suivant, de suspendre à titre conservatoire le permis de visite qui avait été délivré à Mme X le 14 décembre 2000 ; que, par décision en date du 20 septembre 2003 prise sur le fondement de l'article D.408 du code de procédure pénale, le procureur général près la Cour d'appel de Caen a suspendu ce permis pour la durée de quatre mois ; que la décision, quels qu'en soient les motifs, par laquelle le juge d'instruction ou le magistrat saisi du dossier de l'information supprime ou suspend le permis de visite délivré pour un prévenu n'est pas détachable de la procédure engagée contre celui-ci devant le juge répressif ; qu'ainsi, dans tous les cas, elle ne peut être contestée que devant le président de la chambre de l'instruction selon les modalités définies à l'article 145-4 du code de procédure pénale ; que, par suite, le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Caen s'est déclaré compétent pour connaître du litige porté devant lui par Mme X, qui demandait l'annulation de la décision susmentionnée du 20 septembre 2003 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a annulé la décision susmentionnée du 20 septembre 2003 du procureur général près la Cour d'appel de Caen ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à Me MAST, avocat de Mme X, la somme que celui-ci demande au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 2 mars 2004 du Tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 : La demande de Mme X devant le Tribunal administratif de Caen est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 3 : Les conclusions de Me MAST, avocat de Mme X, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice et à Mme Ginette X.
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N° 04NT00501
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