Vu la requête, enregistrée le 5 avril 2001, présentée pour la société Rineau, société anonyme, dont le siège est 46 boulevard de la Prairie au Duc à Nantes (44200), par Me Chèvre ; la société Rineau demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 00-325 du 26 janvier 2001 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 15 novembre 1999 du ministre de l'emploi et de la solidarité annulant la décision en date du 15 juin 1999 de l'inspecteur du travail de la 3ème section de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de Loire-Atlantique qui avait autorisé la société Rineau à licencier pour motif économique Mlle Danielle X et refusant ce licenciement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision du ministre de l'emploi et de la solidarité ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
………………………………………………………………………………………………………
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 2005 :
- le rapport de M. Gualeni, rapporteur ;
- les observations de Me Chèvre, avocat de la société Axima, venant aux droits de la société Rineau ;
- les observations de Me Mathys, substituant Me Raynard, avocat de Mlle X ;
- les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail relatives aux conditions de licenciement des délégués du personnel, les salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte, notamment, de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.122-14 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce : L'employeur, ou son représentant, qui envisage de licencier un salarié doit, avant toute décision, convoquer l'intéressé par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge en lui indiquant l'objet de la convocation… Au cours de l'entretien, l'employeur est tenu d'indiquer le ou les motifs de la décision envisagée… - Les dispositions des alinéas qui précèdent ne sont pas applicables en cas de licenciement pour motif économique de dix salariés et plus dans une même période de trente jours lorsqu'il existe un comité d'entreprise ou des délégués du personnel dans l'entreprise ; qu'aux termes de l'article L.122-14-7 du même code : Les règles posées à la présente section en matière de licenciement ne dérogent pas aux dispositions législatives ou réglementaires qui assurent une protection particulière à certains salariés définis par lesdites dispositions… ; qu'aux termes de l'article L.425-1 du même code, dans sa rédaction applicable à l'espèce : Tout licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne son avis sur le projet de licenciement. - Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement… ; que l'article R.436-1 du même code dispose : L'entretien prévu à l'article L.122-14 précède la consultation du comité d'entreprise effectuée en application soit de l'article L.425-1, soit de l'article L.436-1, ou, à défaut de comité d'entreprise, la présentation à l'inspecteur du travail de la demande d'autorisation de licenciement ;
Considérant, d'une part, que les dispositions précitées de l'article R.436-1 du code du travail ont pour seul objet de préciser le moment auquel l'entretien préalable prévu à l'article L.122-14 doit avoir lieu, lorsqu'un tel entretien est obligatoire ; qu'elles n'ont pas pour effet d'imposer, nonobstant les dispositions précitées de l'article L.122-14-17 du code du travail, la tenue d'un entretien préalable à l'employeur qui envisage de licencier un salarié protégé, dans le cadre d'un licenciement pour motif économique visant dix salariés et plus dans une même période de trente jours, lorsqu'il existe un comité d'entreprise ou des délégués du personnel dans l'entreprise ;
Considérant, d'autre part, qu'il n'est pas sérieusement contesté que le licenciement de Mlle X, déléguée du personnel, est intervenu dans le cadre d'un licenciement pour motif économique visant plus de dix salariés dans une même période de trente jours et qu'il existait au sein de la société Rineau un comité d'entreprise ; que, dès lors, en application des dispositions susrappelées de l'article L.122-14 du code du travail, un tel licenciement n'avait pas à être précédé de la convocation de l'intéressée en vue d'un entretien préalable ;
Considérant que dans ces conditions, et ainsi que le soutient la société requérante, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur la seule circonstance que Mlle X n'avait pas été convoquée à un entretien préalable pour rejeter sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 15 novembre 1999 du ministre de l'emploi et de la solidarité refusant l'autorisation de licencier la salariée ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen de la demande présentée par la société Rineau devant le Tribunal administratif ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'absorption, à compter du 1er janvier 1999, de la société Sunau par la société Rineau, cette dernière a décidé, d'une part, de regrouper sur des sites uniques, les anciens établissements Sunau et les agences dont disposait la société Rineau et, d'autre part, de centraliser au siège de la société Rineau à Nantes, l'ensemble des activités administratives comptables, financières, d'achats et de gestion des ressources humaines ; qu'à l'occasion de cette réorganisation, le poste de secrétaire comptable qu'occupait Mlle X dans une agence située à La Seyne-sur-Mer a été supprimé ; que l'intéressée, à laquelle la société Rineau avait proposé en février 1999, un reclassement dans le seul emploi de secrétaire maintenu à La Seyne-sur-Mer, refusa ce reclassement au motif que l'emploi en cause était moins qualifié que celui qu'elle occupait ; que l'inspecteur du travail ayant, par une décision du 16 mars 1999, rejeté une première demande d'autorisation de licencier Mlle X, la société Rineau, qui avait, dès le mois de décembre 1998, pris contact avec des sociétés des groupes Fabricom et Sultzer en vue du reclassement du personnel concerné par le plan social consécutif au projet de réorganisation susanalysé, mais qui n'était cependant pas en mesure d'assurer le reclassement de Mlle X dans un emploi équivalent, à proximité du domicile de l'intéressée situé à Marseille, lui proposa un poste de secrétaire sténo-dactylo correspondant à sa qualification, au siège social de Nantes ; que, dans ces conditions, la société requérante, à laquelle la salariée opposa un nouveau refus de prendre ce poste, doit être regardée comme ayant satisfait à ses obligations en matière de reclassement ; que c'est, dès lors, à tort que le ministre s'est fondé sur l'insuffisance des efforts de reclassement de Mlle X pour lui refuser l'autorisation de la licencier ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les conclusions de la société Rineau tendant à ce qui lui soient remboursés les frais exposés par elle et non compris dans les dépens, faute de préciser à l'encontre de quelle partie elles sont dirigées, sont irrecevables ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la société Rineau, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à Mlle X la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 26 janvier 2001 du Tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La décision du ministre de l'emploi et de la solidarité en date du 15 novembre 1999 est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Rineau et les conclusions de Mlle X tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Axima, venant aux droits et obligations de la société Rineau, à Mlle Danièle X et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.
1
N° 01NT00594
2
1