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17/06/2005 | FRANCE | N°05NT00535

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Reconduite a la frontiere, 17 juin 2005, 05NT00535


Vu la requête, enregistrée le 5 avril 2005, présentée par le préfet de Loir-et-Cher ;

Le préfet de Loir-et-Cher demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-984 du 29 mars 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 14 mars 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. Mouctar X, et fixant la Guinée comme pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Mouctar X devant le Tribunal administratif d'Orléans ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 26 janvier 2005 par laqu...

Vu la requête, enregistrée le 5 avril 2005, présentée par le préfet de Loir-et-Cher ;

Le préfet de Loir-et-Cher demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-984 du 29 mars 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 14 mars 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. Mouctar X, et fixant la Guinée comme pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Mouctar X devant le Tribunal administratif d'Orléans ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 26 janvier 2005 par laquelle le président de la Cour a délégué M. Martin pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 2005 :

- le rapport de M. Martin, magistrat délégué,

- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Mouctar X, de nationalité guinéenne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 6 mai 2004, de la décision du préfet de Loir-et-Cher lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, en vigueur à la date du refus de titre de séjour : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (…) 4° à l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française (...) » ; qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 6 de la même ordonnance, dans sa version en vigueur à la date de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour à M. X : « Sauf s'il s'agit d'un étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié, la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour ou d'un récépissé de demande de titre de séjour n'a pas pour effet de régulariser les conditions de l'entrée en France » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. X, entré irrégulièrement en France le 26 octobre 2002, a sollicité le bénéfice de l'asile politique, celui-ci lui a été refusé par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 19 décembre 2002, confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 24 juillet 2003 ; que, dans ces conditions, et alors même que M. X aurait, au vu d'éléments nouveaux, la faculté de solliciter le réexamen de sa demande d'asile, la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la décision de l'Office puis de la Commission des recours n'a, conformément aux dispositions précitées de l'article 6 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, pas eu pour effet de régulariser les conditions de son entrée en France ; que, dès lors, la circonstance que le 17 janvier 2004, il a épousé une personne de nationalité française n'est pas de nature, faute d'entrée régulière sur le territoire, à lui ouvrir le bénéfice de plein droit d'un titre de séjour en application des dispositions du 4° de l'article 12 bis de la même ordonnance ; qu'il suit de là que le préfet de Loir-et-Cher est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Orléans a estimé illégale la décision de refus de séjour opposée à M. X et, par suite, a annulé l'arrêté de reconduite comme privé de base légale ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Mouctar X devant le Tribunal administratif d'Orléans et devant la Cour ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite :

Considérant que M. X fait valoir qu'il est marié à une Française depuis le 17 janvier 2004, avec laquelle il allègue vivre depuis le début de l'année 2003 et souhaite avoir des enfants ; que, toutefois, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée du séjour en France de l'intéressé, qui n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où, notamment, il a déclaré lors du dépôt de sa demande de titre de séjour avoir trois enfants, du caractère récent de son mariage dont il n'est pas démontré qu'il aurait été précédé d'une vie commune, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite, la décision ordonnant sa reconduite à la frontière en date du 14 mars 2005 n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été décidée cette mesure et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de l'arrêté en tant qu'il fixe la Guinée comme pays de destination :

Considérant que, si M. X soutient qu'en raison notamment de recherches dont il ferait l'objet de la part des autorités guinéennes, sa sécurité personnelle serait menacée en cas de retour dans son pays d'origine, les pièces versées au dossier n'apportent pas d'éléments suffisants au soutien de ses allégations de nature à établir la réalité de ces risques ; que, d'ailleurs, ni l'Office de protection des réfugiés et apatrides, ni la Commission des recours des réfugiés, n'ont reconnu l'existence de tels risques ; qu'en outre, en demandant et obtenant le 26 août 2003, postérieurement à son départ de Guinée, le renouvellement de son passeport national, l'intéressé doit être regardé comme s'étant placé sous la protection des autorités de son pays ; que, par suite, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Loir-et-Cher est fondé à demander l'annulation du jugement du 29 mars 2005 qui a annulé l'arrêté du 14 mars 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X, et fixant la Guinée comme pays de destination de sa reconduite ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 29 mars 2005 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Orléans est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif d'Orléans par M. X est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de Loir-et-Cher, à M. Mouctar X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

N° 05NT00535

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Reconduite a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05NT00535
Date de la décision : 17/06/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent MARTIN
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : COLLEU

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2005-06-17;05nt00535 ?
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