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18/06/2004 | FRANCE | N°03NT00979

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4eme chambre, 18 juin 2004, 03NT00979


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 juin 2003, présentée par la société FRANCE TELECOM, dont le siège est ..., représentée par son directeur fiscal agissant en vertu d'une délégation de pouvoir de son directeur exécutif ;

La société FRANCE TELECOM demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 03-1232 en date du 13 juin 2003 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une provision d'un montant de 21 711 euros, augmentée des intérêts m

oratoires, au titre d'une créance qu'elle détient sur le Trésor public et correspondant...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 juin 2003, présentée par la société FRANCE TELECOM, dont le siège est ..., représentée par son directeur fiscal agissant en vertu d'une délégation de pouvoir de son directeur exécutif ;

La société FRANCE TELECOM demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 03-1232 en date du 13 juin 2003 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une provision d'un montant de 21 711 euros, augmentée des intérêts moratoires, au titre d'une créance qu'elle détient sur le Trésor public et correspondant à la cotisation à la taxe foncière à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2001 dans les rôles de la commune de Bourges en raison d'un local sis ..., sur le territoire de cette commune ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une provision d'un montant de 21 711 euros, augmentée des intérêts moratoires ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 315 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

...............................................................................................................

C

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2004 :

- le rapport de M. LEPLAT, président,

- et les conclusions de M. MORNET, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article R.541-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement d'une provision à la constitution d'une garantie. ; qu'aux termes de l'article 1402 du code général des impôts : Les mutations cadastrales consécutives aux mutations de propriété sont faites à la diligence des propriétaires intéressés. Aucune modification à la situation juridique d'un immeuble ne peut faire l'objet d'une mutation si l'acte ou la décision judiciaire constatant cette modification n'a pas été publiée au fichier immobilier. ; qu'aux termes de l'article 1403 du même code : Tant que la mutation cadastrale n'a pas été faite, l'ancien propriétaire continue à être imposé au rôle, et lui ou ses héritiers naturels peuvent être contraints au paiement de la taxe foncière, sauf leur recours contre le nouveau propriétaire. ; qu'aux termes de l'article 1404 de ce code : I. Lorsque au titre d'une année une cotisation à la taxe foncière a été établie au nom d'une personne autre que le redevable légal, le dégrèvement de cette cotisation est prononcé, à condition que les obligations prévues à l'article 1402 aient été respectées. L'imposition du redevable légal au titre de la même année est établie au profit de l'Etat dans la limite de ce dégrèvement. - II. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées comme les demandes en décharge ou réduction de la taxe foncière... ; qu'aux termes de l'article L.190 du livre des procédures fiscales : Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. ; qu'aux termes de l'article L.199 du même livre : En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif... ; qu'aux termes de l'article R.190-1 de ce livre : Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de l'administration des impôts ou de l'administration des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition... ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, figurent au nombre des créances entrant dans le champ d'application de l'article R.541-1 du code de justice administrative, non seulement la créance détenue sur l'Etat par un assujetti, au titre du droit à remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée, mais également les créances dont peuvent se prévaloir les contribuables qui ont été assujettis à tort à des cotisations établies par voie de rôle et qu'ils ont acquittées ; qu'en particulier, il en va ainsi de la créance représentée, pour un contribuable au nom duquel a été établie une cotisation à la taxe foncière dont il n'était pas le redevable légal, par le montant du dégrèvement auquel il peut prétendre en application des dispositions précitées du I de l'article 1404 du code général des impôts ; que, contrairement à ce que soutient également le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la demande de provision relative à une telle créance peut être présentée au juge des référés du Tribunal administratif, avant que l'administration ait statué sur la demande de dégrèvement, dès lors qu'il résulte seulement des dispositions précitées du livre des procédures fiscales, applicables, en vertu des dispositions précitées du II de l'article 1404 du code général des impôts, à une telle demande de dégrèvement, que la demande de provision ne peut être formée avant la demande de dégrèvement ; qu'il est constant que la société FRANCE TELECOM avait présenté au directeur des services fiscaux territorialement compétent une réclamation tendant au dégrèvement de la cotisation litigieuse, avant de saisir le juge des référés ; que, par suite, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'est pas fondé à soutenir que la demande présentée à ce juge par la société FRANCE TELECOM n'était pas recevable ;

Considérant que, pour l'application des dispositions précitées des articles 1402, 1403 et 1404 du code général des impôts, lorsque au titre d'une année une cotisation de taxe foncière a été établie au nom d'une personne autre que le redevable légal, le dégrèvement de cette cotisation, subordonné à la publication au fichier immobilier de l'acte ou de la décision constatant le transfert de propriété, est prononcé par le juge de l'impôt si, à la date où il statue, il constate que cette formalité a été accomplie, alors même qu'elle ne l'aurait été qu'après l'établissement de l'impôt ; que, par suite, la société requérante est fondée à soutenir que le juge des référés du Tribunal administratif d'Orléans a commis une erreur de droit en estimant que, la formalité prévue à l'article 1402 n'ayant pas été accomplie préalablement à l'établissement de la cotisation à la taxe foncière des propriétés bâties litigieuse, cette cotisation avait été à bon droit établie à son nom et, qu'ainsi, l'obligation sur laquelle elle fondait sa demande de provision était sérieusement contestable ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un traité d'apport en nature d'immeubles, en date du 13 décembre 2000, la société FRANCE TELECOM a fait apport à la société FTIMMO H de plusieurs immeubles, au nombre desquels figure celui à raison duquel la cotisation de taxe foncière litigieuse a été établie au nom de la société requérante ; qu'aux termes des stipulations de ce traité, les effets de l'apport rétroagiront au 1er décembre 2000 ; qu'il n'est pas contesté que l'accord entre les sociétés susmentionnées était juridiquement parfait à la date susindiquée ; qu'il n'est pas davantage contesté que l'acte constatant cet apport a fait l'objet d'une publication au fichier immobilier en 2001 ; que, dans ces conditions, la société FRANCE TELECOM est fondée à soutenir qu'elle n'était pas le redevable légal de la taxe au 1er janvier 2001 et que c'est à tort que la cotisation à la taxe foncière des propriétés bâties litigieuses a été établie à son nom, au titre de l'année 2001 à raison de cet immeuble ; qu'il est constant que le montant de cette cotisation s'établit à la somme de 21 711 euros ; que, dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que l'obligation de l'Etat, correspondant à cette cotisation et pour ce montant, n'est pas sérieusement contestable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société FRANCE TELECOM est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée et que l'Etat soit condamné à lui verser une provision d'un montant de 21 711 euros ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de subordonner le versement de cette provision à la constitution d'une garantie par la société FRANCE TELECOM ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L.208 du livre des procédures fiscales : Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés. ; qu'aux termes de l'article R.541-4 du code de justice administrative : Si le créancier n'a pas introduit de demande au fond dans les conditions de droit commun, la personne condamnée au paiement d'une provision peut saisir le juge du fond d'une requête tendant à la fixation définitive du montant de sa dette, dans un délai de deux mois à partir de la notification de la décision de provision rendue en première instance ou en appel. ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une provision, dont le montant correspond à des impositions auxquelles un contribuable a été assujetti à tort et qui a été accordée, en application des dispositions précitées de l'article R.541-1 du code de justice administrative, après que ce contribuable eut présenté une réclamation à l'administration fiscale, peut être regardée comme un dégrèvement, au sens de l'article L.208 du livre des procédures fiscales, si le contribuable n'a présenté aucune demande en réduction ou en décharge au juge de l'impôt et si l'administration n'a pas exercé l'action prévue par les dispositions précitées de l'article R.541-4 du code de justice administrative ; que, dans les autres cas, le dégrèvement ne pourra être que celui accordé par le juge statuant au fond ou celui prononcé par l'administration en cours d'instance ;

Considérant que, dans ces conditions, si le juge des référés peut assortir la provision qu'il accorde des intérêts de droit, il n'en va pas de même lorsque cette provision correspond à des impositions auxquelles un contribuable a été assujetti à tort, dès lors que, dans un tel cas, le contribuable ne peut être regardé, à la date à laquelle le juge accordant la provision statue, comme bénéficiant d'un dégrèvement en raison duquel il est susceptible d'avoir droit aux intérêts moratoires prévus par les dispositions précitées de l'article L.208 du livre des procédures fiscales, lesquels sont, aux termes du dernier alinéa de l'article R.208-1 du même livre, payés d'office en même temps que les sommes remboursées par le comptable chargé du recouvrement des impôts ; que, dans le cas où ce remboursement n'est pas assorti d'intérêts, il appartient au contribuable de saisir le comptable d'une réclamation ; qu'ainsi, à la date à laquelle la société FRANCE TELECOM a saisi le juge des référés du Tribunal administratif d'Orléans de conclusions tendant au paiement d'intérêts moratoires, il n'existait et ne pouvait exister aucun litige né et actuel entre le comptable responsable du remboursement et ladite société, qui n'avait formulé aucune réclamation relative au paiement des intérêts ; que le litige n'est pas davantage né en cours d'instance devant la Cour ; qu'il suit de là que la société requérante n'est pas recevable à demander que la provision qui lui est accordée soit augmentée des intérêts moratoires ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à verser à la société FRANCE TELECOM une somme de 15 euros au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 03-1232 en date du 13 juin 2003 du juge des référés du Tribunal administratif d'Orléans est annulée.

Article 2 : L'Etat versera une provision d'un montant de 21 711 euros (vingt et un mille sept cent onze euros) à la société FRANCE TELECOM.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société FRANCE TELECOM est rejeté.

Article 4 : L'Etat paiera à la société FRANCE TELECOM une somme de 15 euros (quinze euros) en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société FRANCE TELECOM et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4eme chambre
Numéro d'arrêt : 03NT00979
Date de la décision : 18/06/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés VANDERMEEREN
Rapporteur ?: M. Bernard LEPLAT
Rapporteur public ?: M. MORNET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2004-06-18;03nt00979 ?
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